Publié le 02 déc 2008Lecture 7 min
Du calcium et de la vitamine D pour toutes les femmes ?
G.GERTNER, Gynécologie pratique
Les bénéfices d’une alimentation équilibrée et diversifiée, comportant des quantités suffisantes de calcium et une exposition minimale aux rayons ultraviolets, ne suffisent pas toujours pour prévenir l’ostéoporose, particulièrement fréquente chez les femmes au-delà 50 ans.
Les multiples fonctions du calcium sont connues, tant sur le fonctionnement cardiaque, musculaire, le système nerveux, la coagulation que, bien entendu, sur la structure osseuse. Et une trop faible consommation alimentaire de calcium favorise le développement de l’ostéoporose et de fractures. Or, les enquêtes nutritionnelles montrent que la population générale ne consomme pas la quantité de calcium suffisante pour une bonne croissance des os et le maintien de leur qualité. Par ailleurs, l’absorption du calcium nécessite la présence de vitamine D. En cas de carence, l’organisme puise dans le stock calcique des os, les fragilise et empêche un renouvellement osseux de qualité (1). Les sources de calcium et de vitamine D sont connues. Le calcium se trouve principalement dans le lait et les produits laitiers, ainsi que dans certaines eaux minérales. La vitamine D est, certes, fabriquée par la peau exposée aux UV, mais on la retrouve également dans l’huile de foie de morue et dans les poissons gras. Apports nutritionnels conseillés en calcium pour la population française. Tranche d'âge Apports conseillés (mg/jour) Adolescent 10-18 ans 1 200 Adulte au-delà de 18 ans 900 Femme au-delà de 55 ans 1 200 Femme enceinte (3e trimestre) ou allaitante ou après allaitement 1 000 Des carences aux conséquences lourdes En l’occurrence, l’ostéoporose, pathologie à prédominance féminine (7 femmes pour 1 homme), concernerait en France 10 % des femmes à 50 ans, 20 % à 60 ans et atteindrait 40 % à 75 ans. Au total, la prévalence de l’ostéoporose concernerait 2 à 2,8 millions de femmes (2). Cela signifie que, sur 100 femmes ménopausées, 17 à 19 présenteront avant la fin de leur existence une fracture du col du fémur et 31 une fracture vertébrale ou de l’avant-bras. En 1990, on estimait à 48 000 le nombre de fractures de l’extrémité supérieure du fémur chez les plus de 20 ans (dont 75 % chez des femmes de plus de 50 ans). Outre le coût humain, on estime que les fractures du col du fémur dues à l’ostéoporose coûtent, en France, entre 600 millions et 1 milliard d’euros (INSERM Expertise collective,1997). Il reste qu’en dehors du manque d’apport alimentaire de calcium, il existe d’autres facteurs favorisant l’ostéoporose : le tabagisme, l’alcoolisme, la consommation excessive de café, de protéines ou de sel, les régimes amaigrissants trop sévères, la sédentarité, l’ensoleillement insuffisant, une ménopause précoce, la corticothérapie (3). Les recommandations de l’AFSSA(4) et de l’Académie nationale de médecine(5) précisent que les adolescents devraient consommer 1 200 mg/ jour de calcium alors qu’ils n’en consomment que la moitié. Ils ont, de ce fait, un risque fracturaire élevé à moyen terme et à un âge avancé. Chez l’adulte et la femme ménopausée, l’association de calcium (1 200-1 500 mg/j) et de vitamine D (800-1 000 UI/j) permet de réduire le risque de fracture à partir de l’âge de 50 ans. Apports nutritionnels conseillés en vitamine D pour la population française. Tranche d'âge Apports conseillés (μg/jour) Adolescent 13-19 ans 5 Adultes 5 Femmes enceintes et allaitantes 10 Sources alimentaires de vitamine D (base de données Ciqual). Produits μg/100 g Huile de foie de morue 200 Saumon, hareng, anchois, pilchard 12-20 Sardine, truite arc-en-ciel, maquereau, margarine 8-12 Anguille, thon, huître, caviar, jaune d'oeuf 3-8 Truite des rivières, limande, oeufs de lump 1,5-3 Rouget, foies de génisse et d'agneau, beurre, jambon, lard, pâtés, champignons 0,6-1,5 Le calcium, la vitamine D et la femme enceinte Chez la femme enceinte, l’apport conseillé de calcium est de 1 000 à 1 200 mg/j. Or, la consommation moyenne des femmes enceintes est de l’ordre de 700 à 1 100 mg/j. Avant la naissance à terme, le foetus accumule près de 30 g de calcium. L’accrétion calcique se fait essentiellement en fin de grossesse et on estime qu’elle est de l’ordre de 200 mg/j au cours du 3e trimestre. L’absorption intestinale du calcium augmente dès le début de la grossesse ; aussi, le bilan calcique est-il positif tout au long de la gestation. Autrement dit, l’adaptation de l’absorption intestinale, avec la mobilisation du calcium osseux maternel, suffit à couvrir les besoins(6). Il est donc inutile de recommander aux femmes enceintes d’augmenter leurs apports alimentaires en calcium si leur consommation de lait et de produits laitiers est quotidienne. En revanche, les femmes enceintes présentent souvent un déficit en fin de grossesse, surtout quand elle se situe en hiver ou au début du printemps, même dans les villes ensoleillées. Il existe d’ailleurs une relation entre ce mauvais statut vitaminique et la fréquence des accidents d’hypocalcémie néonatale. La supplémentation en vitamine D a permis de réduire significativement leur fréquence. Les femmes les plus carencées peuvent même développer une ostéomalacie. Au-delà, la supplémentation calcique semble utile chez les femmes enceintes ayant un risque élevé d’hypertension artérielle, en prévention d’une prééclampsie (7). Par ailleurs, l’allaitement fait perdre à la mère 3 à 5 % de sa masse osseuse qu’elle récupère dans les 6 mois qui suivent le sevrage (1). En conséquence, il est recommandé de prescrire une dose unique de 100 000 UI de vitamine D au début du 6e ou 7e mois de grossesse lorsque la supplémentation n’a pas été entreprise en début de grossesse (8). Sources alimentaires de calcium (bases de données Ciqual). Calcium Produits laitiers mg/100 g Fromages à pâte pressée cuite (emmenthal, comté, beaufort) 1 000-1 250 Fromages à pâte pressée non cuite (tomme, cantal, pyrénéens) 250-500 Fromages à pâte persillée (bleu, roquefort) 75-200 Fromages à pâte molle à croûte lavée (munster, reblochon) ou fleurie (camembert, brie) 75-100 Fromages fondus 150 Fromages de chèvre 120 Fromages blancs, crème fraîche 200-700 Yaourt 500-700 Lait de vache 550-1 000 Autres aliments /100 g Fruits secs (amandes, noisettes, figues), cresson 200 Légumes secs (haricot, fève) 150 Chocolat, moules, crevettes 100 Légumes verts (chou, poireau, brocoli) 60 Boissons / l Eau minérale très dure (Contrex®, Talians®) 430-600 Eau minérale dure (Badoit®, Perrier®) 150 Eau d'Evian® 75 Les bénéfices de la supplémentation calcique Une métaanalyse relativement récente a confirmé l’intérêt d’une supplémentation en calcium d’une dose d’au moins 1 200 mg/j à des personnes âgées de plus de 50 ans (forte majorité de femmes) en prévention de fractures ostéoporotiques. L’association de vitamine D (800 UI/j) n’apporte pas de bénéfice complémentaire notable, mais reste cependant recommandée chez les patients institutionnalisés (9). Cependant, certaines études considèrent que la supplémentation en vitamine D est associée à une diminution de la mortalité globale(10). L’absorption de calcium et de vitamine D pourrait exercer un effet préventif de cancer du sein (11). Mais la carence en calcium est également impliquée dans le développement de l’hypertension, du cancer du côlon et du syndrome prémenstruel (12). En conclusion, la supplémentation en calcium, voire selon le cas de vitamine D, peut être bénéfique au cours de la grossesse et contribue clairement à réduire le risque d’ostéoporose chez les femmes après 50 ans.
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