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Frontières

Publié le 08 mai 2012Lecture 8 min

Comment prendre en charge l’HTA légère à modérée chez la femme enceinte

T. DENOLLE, Réseau RivaRance, Dinard
L’HTA au cours de la grossesse constitue une cause majeure de morbidité et de mortalité foetale, néonatale, mais aussi maternelle, dans les pays occidentaux. On estime qu’environ 10 % des grossesses se compliquent d’HTA (1 % : HTA chronique préexistante à la grossesse, 7 % : HTA gravidique, 2 % : prééclampsie). La définition du type d’HTA au cours de la grossesse est fonction du niveau de la pression artérielle avant la grossesse (ou avant la 20e semaine de grossesse) et de l’existence ou non d’une protéinurie significative (> 300 mg/24 h) (tableau 1). La physiopathologie et le pronostic de cette HTA sont en effet très différents suivant le type d’HTA.
Épidémiologie et physiopathologie L’HTA gravidique, liée à la vascularisation placentaire pathologique, est caractérisée par un défaut de l’invasion des cellules trophoblastiques et un défaut du remodelage de la vascularisation utérine. Il s’ensuit une diminution de la perfusion utéroplacentaire qui entraîne l’activation de mécanismes aboutissant à une vasoconstriction maternelle et à une atteinte de l’endothélium vasculaire maternel pouvant déclencher une atteinte multiorganique. Il est probable que la dysfonction endothéliale placentaire, à l’origine de ces perturbations, soit liée à un excès de concentration de sF1t1, le récepteur soluble antagoniste du VEGF, facteur de croissance de l’endothélium vasculaire, et d’endogline soluble, protéines circulantes placentaires inhibant l’angiogenèse et la vasodilatation artériolaire. La carence de VEGF devient donc indirectement vasoconstrictrice. La prééclampsie, stade ultérieur lié à une surproduction de ces facteurs antiangiogéniques, s’accompagne d’un risque élevé de complications maternelles (hématome rétroplacentaire, HELLP syndrome et complications cardiovasculaires pouvant aboutir au tableau d’éclampsie) et foetales (retard de croissance intra-utérin, prématurité, voire décès). Cette HTA disparaît habituellement en quelques semaines après l’accouchement. Cependant, environ 17 % resteront hypertendues 3 mois après. L’HTA chronique, de physiopathologie différente car préexistant à la grossesse, s’accompagne cependant d’un risque plus élevé de prééclampsie surajoutée et persistera après l’accouchement. De nombreux facteurs favorisent la survenue d’une prééclampsie (femme primipare, antécédents de prééclampsie familiale, obésité, dyslipidémie, diabète, grossesse molaire ou multiple, femme âgées de plus de 40 ans, néphropathie, HTA chronique, etc.). Définitions de l’HTA lors de la grossesse Enfin, la définition d’HTA au cours de la grossesse dépend du type de mesure utilisé et du terme de la grossesse. En effet, la pression artérielle diminue progressivement jusqu’au 2e trimestre puis s’élève de nouveau en fin de grossesse. Si, en consultation, l’HTA gravidique est définie par une PA ≥ 140/90 mmHg, en automesure ou en MAPA, les seuils sont bien inférieurs (tableau 2). L’existence d’un effet blouse blanche est très fréquent lors de la grossesse, ce qui justifie l’utilisation large des mesures en dehors du cabinet : MAPA ou automesure. La MAPA permet, de plus, d’examiner le cycle nycthéméral dont l’abolition serait un élément pronostique de prééclampsie, mais son utilisation par les obstétriciens est encore peu fréquente. L’automesure, d’utilisation plus répandue, nécessite un appareil validé durant la grossesse. Cependant, cette validation disparaît le plus souvent en présence d’une prééclampsie et, bien entendu, cette technique ne permet pas d’examiner le cycle nycthéméral. Par contre, son utilisation couplée avec la télétransmission permet une surveillance prolongée à domicile de la pression artérielle, voire de l’albuminurie, évitant des hospitalisations itératives. Prise en charge Une fois le diagnostic d’HTA confirmé et son type défini, il convient de discuter de sa prise en charge. • En présence d’une HTA sévère (PA > 170/110 mmHg) ou d’une prééclampsie, l’hospitalisation est indispensable, le risque maternel et foetal étant élevé. L’interruption de la grossesse doit se discuter en équipe pluridisciplinaire, le traitement antihypertenseur ne permettant que de protéger transitoirement la femme d’une complication cérébrovasculaire. • En présence d’une HTA légère à modérée, le bénéfice d’un traitement médicamenteux antihypertenseur est loin d’être certain. En effet, toutes les études examinant le bénéfice éventuel d’un tel traitement ont été réalisées avec de faibles effectifs, ce qui ne permet pas de conclure. Les métaanalyses réalisées ont seulement retrouvé un bénéfice attendu en termes de diminution du risque d’HTA sévère, d’hospitalisations et de nombre d’antihypertenseurs rajoutés. Par contre, aucun bénéfice n’a été retrouvé pour le foetus, ni pour la mère concernant le risque d’hématome rétroplacentaire, de césarienne, de prééclampsie ou d’éclampsie… Quel antihypertenseur proposer ? Les études réalisées n’ont pas permis non plus de retrouver une différence majeure entre les classes. Si les bêtabloquants semblent réduire davantage que la méthyldopa le risque d’HTA sévère, il n’existe pas de différence sur les autres critères plus importants. Seuls les inhibiteurs du système rénine angiotensine (IEC, antagonistes des récepteurs à l’angiotensine 2 et antirénine) doivent être évités lors de la grossesse du fait du risque de malformation cardiovasculaire et neurologique en cas d’exposition durant le 1er trimestre, et du risque de toxicité, en particulier rénale, durant les 2e et 3e trimestres. De même, les diurétiques doivent être évités dans la mesure du possible afin d’éviter une hypovolémie. Ainsi, les recommandations européennes conseillent d’utiliser les bêtabloquants, en particulier le labétolol (en évitant l’aténolol qui a été associé à un petit poids de naissance), la méthyldopa et les inhibiteurs calciques. Quand débuter un traitement médicamenteux ? Tout d’abord, il convient de discuter son arrêt en présence d’une femme ayant une HTA chronique déjà traitée avant la grossesse, la pression artérielle diminuant spontanément durant les deux premiers trimestres. En présence d’une HTA légère à modérée de découverte récente lors de la grossesse, les recommandations internationales ne sont pas unanimes dans les indications d’un tel traitement. Néanmoins, les dernières recommandations européennes publiées en 2007 proposent de débuter un traitement si la PA est > 150/ 95 mmHg ou > 140/90 mmHg si l’HTA est compliquée ou symptomatique. Sous traitement, il convient de vérifier l’absence d’hypotension, surtout brutale, qui risquerait d’être fatale pour le foetus. La MAPA est, là aussi, un examen intéressant. Par ailleurs, il a été établi qu’il existe une corrélation négative entre le niveau de baisse de PA obtenu et le poids de l’enfant à la naissance. Et après l’accouchement ? Une surveillance attentive de ces femmes doit se poursuivre dans le post-partum immédiat, un tiers des éclampsies survenant durant cette période. La prescription d’antihypertenseurs n’est pas incompatible avec l’allaitement, en particulier ceux recommandés lors de la grossesse. Enfin, après l’accouchement, même si la PA revient à la normale rapidement durant les semaines qui suivent, il convient d’effectuer un bilan après 3 mois, puis de suivre au long cours cette patiente dont le risque cardiovasculaire est plus élevé (infarctus, AVC, etc.). Une prévention primaire adaptée doit donc lui être proposée. Enfin, avant une future grossesse, des précautions devront être prises, le risque de récidive étant élevé (10 à 40 % suivant la sévérité). Une prise en charge spécialisée est souhaitable dès le début de la grossesse. Un traitement préventif par aspirine 75 mg pourra être proposé chez les femmes ayant des antécédents de prééclampsie ou à haut risque dès la 12e semaine et jusqu’à l’accouchement. Plus récemment, il a été proposé aussi chez ces femmes un traitement par Larginine et vitamines antioxydantes afin de favoriser la synthèse de NO vasodilatateur mais ceci reste à confirmer.   EN PRATIQUE • La physiopathologie de l’HTA durant la grossesse, et donc sa prise en charge, diffèrent bien entendu suivant le niveau tensionnel, mais aussi suivant son type et le terme de la grossesse au moment de sa découverte. • Une prise en charge multidisciplinaire est souvent nécessaire afin de discuter du risque de la poursuite de la grossesse, le traitement antihypertenseur n’ayant pas démontré de grande efficacité, en particulier pour le foetus, en présence d’une HTA légère à modérée.

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