Contraception
Publié le 20 déc 2024Lecture 9 min
Un tel article pourrait paraître iconoclaste du fait qu’il semble admis dans la littérature que le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est la première cause de stérilité chez la femme. Or, lorsque l’on étudie la fertilité des femmes atteintes du SOPK, on s’aperçoit qu’elles ont le même nombre de grossesses que les femmes non concernées par ce diagnostic. On peut juste noter un simple retard à la conception. Aussi lorsqu’elles ne veulent pas de grossesse ces femmes doiventelles, comme les autres, prendre une contraception efficace, la mieux tolérée possible et avec un minimum de risques compte tenu des conséquences intrinsèques du diagnostic de SOPK. Signalons qu’aucune contraception n’a une autorisation de mise sur le marché spécifique dans le SOPK.
Les femmes qui ont un SOPK ont souvent des anomalies cliniques que la contraception ne doit pas aggraver et peut‐être même si possible améliorer. Il en est ainsi des troubles du cycle, de l’hyperandrogénie(isme), de l’insulino‐résistance et du retard à l’obtention d’une grossesse. On sait que le SOPK augmente à long terme les risques cardiovasculaires (figure 1)(1) et carcinologiques (figure 2)(2). Une contraception doit donc, autant que faire se peut, en améliorer aussi les conséquences à long terme.
Figure 1. Risques cardiométaboliques : SOPK versus NON SOPK(1).
Figure 2. Estimations du risque de cancer chez les femmes(2).
Efficacité
Pour qu’une contraception soit efficace, il faut bien évidemment qu’elle ait une efficacité intrinsèque aussi élevée que possible. En réalité, l’efficacité intrinsèque est sensiblement identique pour toutes les contraceptions. Ce qui les différencie, c’est l’efficacité réelle qui dépend principalement de la persistance, elle‐même liée, entre autres, à la tolérance et aux bénéfices non contraceptifs (figure 3)(3).
Figure 3. Taux de continuation par méthode contraceptive dans la cohorte(3).
La tolérance est elle‐même majoritairement liée au contrôle du cycle. Celui‐ci pose un problème particulier dans le SOPK, puisque parmi les critères de Rotterdam, le trouble du cycle est l’un des critères majeurs de la trilogie de la définition (figure 4).
Figure 4. Critères diagnostiques.
Les femmes sont donc particulièrement attachées psychologiquement à l’obtention de cette régularité du cycle. Un autre critère important pour la persistance de la prise d’une contraception est la présence de bénéfices non contraceptifs. Ainsi la persistance est multipliée par trois lorsque existent des bénéfices non contraceptifs. Là encore, ils prennent une place tout à fait particulière dans le SOPK puisque dans les bénéfices non contraceptifs figure la prise en charge de l’hyperandrogénie qui elle aussi fait partie de la trilogie de Rotterdam (figure 4).
Il existe d’importantes disparités entre les produits contraceptifs en ce qui concerne leurs effets sur les symptômes du SOPK : régularité du cycle, prise en charge de l’hyperandrogénie, amélioration de la fertilité.
Contraceptions hormonales et contrôle du cycle
Les métrorragies varient en fonction de la composition des méthodes contraceptives, or on sait que plus la contraception hormonale a un apport d’estrogènes élevé, meilleur sera le contrôle du cycle donc la persistance. Les contraceptions progestatives pures (POP) entraînent des saignements imprévus dans un nombre non négligeable de cas, ce qui altère la persistance.
Cependant, on sait aussi que plus on augmente la quantité d’estrogènes artificiels (éthynil estradiol EE²), plus on augmente le risque thrombo‐embolique, ce qui n’est évidemment pas souhaitable (cf. infra). Si l’estrogène utilisé est naturel, soit sous forme d’estradiol (E²), soit sous forme d’estétrol (E4), les produits générés entraînent un bon contrôle du cycle avec des effets métaboliques moindres, ce qui est intéressant dans le SOPK (figure 5).
Figure 5. Incidence des saignements programmés, des saignements non programmés et de l’absence de saignement programmé(7).
Si l’on considère le contrôle du cycle sous estroprogestatifs, on sait que le progestatif exerce un effet antiestrogène endométrial, en particulier par l’intermédiaire de la stimulation de l’enzyme 17 bêta hydroxystéroïde déshydrogénasse (figure 6).
Figure 6. Action sur l’endomètre(8).
Cette caractéristique des progestatifs participe à l’augmentation des saignements. Il faut noter que cette enzyme n’est pas active sur E4 ni sur EE². Ainsi, pour ce qui est du contrôle du cycle, si l’on compare à progestatif équivalent, les pilules sans estrogène avec celles contenant E², EE² et E4, les deux dernières donnent les meilleurs résultats.
Contraceptions hormonales et hyperandrogénie
L’obtention d’un effet sur l’hyper‐androgénie est l’un des objectifs majeurs de la contraception hormonale du SOPK. On peut obtenir cet effet anti‐androgène par deux mécanismes :
– en augmentant la protéine porteuse de la testostérone (Sex Hormone binding Globuline [SHBG]) qui diminue ainsi la testostérone libre (biodisponible), c’est‐à‐dire active ;
– en utilisant un progestatif compétitif au niveau de la fixation de la di‐hydrotestostérone (DHT) sur son récepteur.
Cet effet compétitif s’observe avec un certain nombre de progestatifs dits « antiandrogènes » (figure 7).
Figure 7. Mécanisme d’action des androgènes(9).
Le plus connu d’entre eux est l’acétate de cyprotérone, mais on a aussi cet effet antiandrogène, moindre cependant, avec d’autres progestatifs, en particulier le diénogest (DNG), la drospirénone (DRSP) et l’acétate de chlormadinone (figure 8).
Figure 8. Activité antiandrogénique des progestatifs(10).
L’élévation de la SHBG est liée au ratio des effets estrogène/androgène au niveau du foie : les estrogènes augmentant les protéines hépatiques, dont la SHBG, alors que les androgènes, donc certains progestatifs dits « de seconde génération », la diminuent. Cependant, cette élévation de la SHGB est corrélée à l’augmentation des facteurs de coagulation dont la résistance à la protéine activée (CRP) est un des témoins de l’effet thrombogène de l’apport des stéroïdes sexuels. Ceci explique que les produits comportant une association qui élève fortement la SHBG (EE² et les progestatifs non androgéniques) ont un fort effet d’élévation de la SHBG entraînant un effet antiandrogène fort. Par ailleurs, ces produits augmentent davantage le risque thrombo‐embolique. (cf. l’affaire dite « des pilules de 3e et de 4e générations « pill scare ») (figure 9).
Figure 9. Élévation de la SHBG suivant le type de progestatif(11).
Contraceptions hormonales, SOPK et fertilité
Les effets antiandrogènes d’une contraception dans l’ovaire polykystique apportent un autre bénéfice : en effet il a été prouvé qu’un traitement au long cours antiandrogène chez les femmes SOPK diminuera ultérieurement le temps nécessaire à l’obtention d’une grossesse (figure 10).
Figure 10. Probabilité de premier accouchement par conception spontanée dans l’ensemble de la population(12).
SOPK et risques thromboemboliques
Le revers de la médaille de l’utilisation de contraceptifs à fort effet estrogénique et faible effet progestatif androgénique est (cf supra) l’élévation de la SHBG et de la résistance à la protéine C activée (RPCA), donc le risque thrombo‐embolique. Mais l’on sait par ailleurs que les femmes SOPK ont un risque thrombembolique supérieur aux femmes non SOPK, et ceci indépendamment du poids. L’explication de ce surrisque thrombo-embolique dans le SOPK pourrait être lié à une inflammation chronique chez ces femmes, elle‐même corrélée à l’insulino‐résistance (cf. infra). Il faut donc rechercher un effet anti‐androgène qui n’augmentera pas le risque thrombo‐embolique naturel du SOPK, donc un effet anti‐androgène qui ne passe pas par une élévation de la SHBG, mais par un effet direct du progestatif (figure 7). On sait par ailleurs que les estrogènes naturels comme E2 et E4 ont un effet très nettement moins estrogénique sur le foie que EE² et n’augmentent pas ou peu les facteurs de coagulation et leur témoin, la SHBG.
Synthèse
• Il faut donc plutôt utiliser une contraception hormonale avec un estrogène pour améliorer le contrôle du cycle et ne pas abaisser la SHBG par un effet anti‐ gonadotrope isolé (figure 11).
Figure 11. Incidence des saignements programmés, des saignements non programmés et de l’absence de saignement programmé(7).
• Cet estrogène ne doit pas être trop puissant pour ne pas élever la SHBG : il faut donc préférer un estrogène naturel E2, E4.
• Il faut rechercher les effets antiandrogènes par un effet direct du progestatif comme le diénogest ou la drospirénone, non associés à EE².
Si l’on considère l’effet des différentes contraceptions disponibles, la préférence ira vers l’association E4/drospirénone et E²/nomégestrol acétate (NOMAC) ou valérate de E²/diénogest en seconde ligne du fait d’un contrôle du cycle qui semble être un peu moins efficace (figure 11), bien que nous ne disposions pas d’études de comparaison directe et E²/E4 sur le contrôle du cycle et l’effet antiandrogène.
Les études cliniques observationnelles montrent nettement moins d’effets néfastes des estrogènes naturels comparés à EE² sur le risque thrombo‐embolique de l’estradiol ou du valérate d’estradiol, et des données biochimiques très convaincantes sur l’absence d’effet de l’estradiol, du valérate d’estradiol et de l’estétrol sur les facteurs de coagulation, comme la résistance à la protéine C activée.
Contraceptions hormonales et risques carcinologiques, métaboliques et cardiovasculaires
Les femmes SOPK ont des risques métaboliques, cardio‐vasculaires et carcinologiques plus élevés que la population générale, en particulier avec l’âge. Ces surrisques entrent dans le cadre du syndrome métabolique associé à une insulino‐résistance très fréquente chez ces femmes. Les risques carcinologiques touchent entre autres l’endomètre, le sein et le pancréas.
Les femmes SOPK ont un risque plus élevé d’hypertension artérielle, de diabète de type 2, d’hyper cholestérolémie et par la même une augmentation du risque d’accidents vasculaires cérébraux et de coronaropathie. On s’attachera donc à utiliser des produits contraceptifs qui n’ont pas d’effets d’insulinorésistance. Il a été montré que les estroprogestatifs classiques contenant EE2 augmentent l’insulino‐résistance chez les femmes SOPK. Ceux contenant E2 et E4 ne créent pas de troubles de la glycorégulation, en particulier de l’insulino‐résistance, chez les femmes saines. Nous ne disposons pas d’étude chez les femmes SOPK.
En conclusion, on peut confirmer que les femmes qui ont un SOPK nécessitent une contraception lorsqu’elles ne veulent pas de grossesse, car leur fertilité à terme est normale. Les contraceptions hormonales ne doivent pas augmenter le surrisque thrombo‐embolique naturel du SOPK. Il faudra donc éviter les contraceptifs contenant de l’EE2. Dans ce but, on devra s’orienter vers l’utilisation de contraceptions hormonales contenant un estrogène métaboliquement neutre comme l’estradiol ou l’estétrol. L’hyperandrogénie sera combattue par l’utilisation de progestatifs antiandrogènes. Les POP (progestatives seules) ne seront pas choisies en première intention du fait d’un moins bon contrôle du cycle et d’une baisse induite de la SHBG provoquée par l’hypoestrogénie. En présence d’une contre‐indication aux estrogènes, on proposera cependant la contraception par drospirénone seule du fait de son effet anti‐androgène.
Figure 12. Comparaison de l’élévation de la SHBG sous E4/DRSP, EE/LNG et EE/DRSP(13).
Figure 13. Niveaux moyens de SHBG (nM/L) et intervalles de confiance à 95 % lors de l’utilisation de EE/LNG et E2V/DNG, subdivisés par jour de cycle(14).
Figure 14. Comparaison de l’élévation de la SHBG sous E2/nomégestrol acétate versus EE/lévonorgestrel(15).
Liens d’intérêt : consultant ponctuel pour les laboratoires Gédéon Richter et Exeltis.
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