Publié le 30 oct 2024Lecture 6 min
Adénomyose : quelle place pour les thérapeutiques mini-invasives ?
Denise CARO, d’après la communication du Pr Jean‐Pierre Lucot
Les ultrasons focalisés de haute fréquence et les microondes électromagnétiques à haute fréquence sont des thérapeutiques innovantes, très peu invasives, qui permettent une destruction très ciblée des tissus. Leur intérêt dans le traitement des lésions d’adénomyose a fait l’objet d’un certain nombre de travaux.
Les ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) génèrent une élévation de la température (entre 56 °C et 85 °C) qui détruit une petite parcelle de tissu de la taille d’un grain de riz. La sonde est déplacée afin de traiter un volume plus important. Le guidage se fait soit par IRM soit par échographie. Les lésions d’adénomyose sont traitées en moins d’une heure et demie. Il n’y a ni anesthésie si incision. Les complications sévères sont exceptionnelles. Les patientes signalent seulement une légère douleur au niveau du bas‐ventre qui cesse à la fin de la procédure. Le traitement des lésions postérieures peut entraîner des douleurs sciatiques et glutéales qui cessent également au terme de l’intervention mais qui font craindre un impact sur les organes de voisinage(1).
Selon une métaanalyse regroupant douze études asiatiques, les HIFU permettent une réduction de la dysménorrhée et des scores de saignements à 3, 6 et 12 mois. Leur association à un analogue GnRH et/ou à un DIU au lévonorgestrel améliore les résultats sur les symptômes jusqu’à 2 ans(2). Une publication de 2019 souligne l’intérêt de l’association HIFU + GnRHa + DIU‐LNG au long cours, avec un bénéfice sur la douleur et les saignements maintenu durant 5 ans, résultat prometteur en dépit de nombreux patients perdus de vue dans cette étude(3).
Des résultats qui dépendent du type d’adénomyose
Il existe plusieurs types d’adénomyose qui répondent différemment au traitement selon la localisation des lésions(4,5) :
– type I : la zone de jonction est atteinte et le myomètre est sain ;
– type II : le myomètre et la séreuse sont atteints, mais la zone de jonction est saine ;
– type III : le myomètre est atteint alors que la zone de jonction et la séreuse sont saines ;
– type IV : les lésions touchent l’ensemble de l’utérus.
Lorsque la zone de jonction et la séreuse sont saines (type III), l’efficacité des HIFU à 6 mois sur les saignements et la dysménorrhée est totale (100 %) alors qu’elle est estimée à respectivement 83 % et 89 %, tous types d’adénomyose confondus. Le traitement par HIFU permet une rémission complète d’environ 60 % des types III et de 20 % des autres types(5).
À côté du type d’adénomyose, d’autres facteurs conditionnent l’efficacité des HIFU. Une parité supérieure à deux, un volume utérin augmenté et le caractère diffus des lésions augmentent le risque de récidive. À l’inverse, une ablation de plus de 60 à 80 % des lésions est un gage de succès. Des publications asiatiques mettent également en avant le bénéfice de la médecine traditionnelle chinoise(6).
Outre les douleurs et les saignements anormaux, l’infertilité est l’un des symptômes pour lesquels les patientes consultent et espèrent un traitement.
La métaanalyse asiatique citée précédemment a répertorié : neuf naissances vivantes, neuf IVG, deux grossesses en cours et quatre fausses couches spontanées (FCS) après traitement par HIFU(2).
Une autre métaanalyse portant sur dix études qui ont suivi 557 femmes avec désir de grossesse pendant 3 à 60 mois (sept études > 12 mois) a retrouvé 51 % de grossesses en moyenne (de 23 à 80 %) dont deux tiers ont abouti à la naissance d’un enfant vivant et un tiers s’est soldé par une FCS(7). Les résultats de ce travail sont à prendre avec précaution en raison des nombreux biais qu’elle comporte. Enfin, un essai rétrospectif qui a comparé les grossesses obtenues après HIFU (n = 50) et après excisions chirurgicales par cœlioscopie (n = 43) a montré de meilleurs résultats après HIFU en termes de grossesses (52 % vs 30 %) mais pas de naissances vivantes (36 % vs 27,9 % NS). Les lésions du mur postérieur étaient associées à un meilleur taux de grossesses que celles du mur antérieur ou de la paroi latérale (respectivement 67,9 %, 30,8 % et 33,3 %). De même, les lésions focales avaient un pronostic plus favorable que l’adénomyose diffuse (70 % de grossesses vs 40 %)(8).
Quelques données sur le traitement par micro-ondes
Autre thérapeutique mini‐invasive proposée dans l’adénomyose, les micro‐ondes (MO) qui agitent les molécules d’eau et entraînent la destruction des tissus par la chaleur (> 150 °C). À noter que la chaleur se cantonne à l’extrémité de l’aiguille et ne risque pas de se propager dans les tissus. On intervient par voie transabdominale (cœlioscopie) ou transvaginale, toujours sous le contrôle d’un écho guidage. Un des inconvénients de la technique est que le dispositif ne comporte pas de signal indiquant qu’il faut arrêter la procédure (pas d’autostop) ; l’opérateur doit se fier pour cela à l’aspect visuel de blanchiment en échographie.
Un essai portant sur 70 interventions montre une amélioration de la dysménorrhée chez 84 % des femmes à 12 mois avec une EVA passant de 7 à 1,3(9). De même, l’analyse de 13 études regroupant près de 750 patientes fait état de 55 à 65 % de réduction du volume utérin, d’une amélioration de la dysménorrhée dans 50 à 81 % des cas et d’une réduction du score de sévérité de 20 à 60 %. Le risque de récidive reste mal évalué dans la littérature, il serait de 18 à 38 % à 2 ans. Les auteurs signalent également des douleurs modérées durant 4 heures à 3 jours après la procédure et une lymphorrhée durant une vingtaine de jours(10). Enfin, un travail récent montre que le traitement conjoint du myomètre et de l’endomètre par micro‐ondes donne de meilleurs résultats à 12 mois sur les douleurs et les saignements que celui du myomètre seul(11).
Quant à l’intérêt des micro‐ondes dans le traitement de l’adénomyose en vue de permettre une grossesse, il est mal évalué. Les seules données disponibles reposent sur l’extrapolation de la comparaison de la chirurgie avec les techniques non chirurgicales (HIFU, RFA, MO). Dans une série de 13 études portant sur 1 319 patientes avec une adénomyose, dont 795 avaient un désir de grossesse, il n’a pas été mis en évidence de différence entre chirurgie et traitements non invasifs (environ 70 % de naissances vivantes)(12).
Il est vrai que, en chauffant l'utérus, les MO risquent d’abîmer l’endomètre et de compromettre une grossesse. Pour cette raison, certains auteurs ont proposé de protéger l’endomètre par une irrigation intra‐utérine. Un travail récent a montré que cette façon de faire réduisait l’altération de la perfusion endométriale due aux MO, sans information sur les répercussions en termes de fertilité(13).
« Les techniques mini‐invasives pour traiter les symptômes d’adénomyose semblent donner des résultats intéressants bien que la qualité de l’évaluation reste assez pauvre. Nous avons obtenu le financement de la fédération des spécialités médicales pour tenir un registre que l’on a appelé MYOMA et qui va enregistrer toutes les myolyses de fibromes et d’adénomyoses. Cela nous permettra d’avoir des données françaises et, espérons‐le, d’avancer sur le sujet », a déclaré le Pr Jean‐Pierre Lucot (hôpital Saint‐Vincent de Paul, Lille).
D’après la communication du Pr Jean‐Pierre Lucot (GIHCL, hôpital Saint‐Vincent de Paul, Lille), 21es journées de chirurgie gynécologique et pelvienne (SCGP), septembre 2024.
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