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Thérapeutique

Publié le 25 sep 2024Lecture 7 min

Traitements contre le CMV congénital : des certitudes mais pas que…

Mélinda BÉNARD, service de néonatologie, Hôpital des enfants, Toulouse ; Infinity INSERM UPS, Toulouse

L’infection congénitale à cytomégalovirus (CMV) touche chaque année 0,5 à 1 % des nouveau­-nés en France(1). Elle est la première cause d’atteinte neurosensorielle acquise. L’infection fœtale est la résultante d’une séroconversion, d’une réinfection ou d’une réactivation maternelle. Le CMV est présent dans tous les fluides corporels, notamment la salive, les urines, les larmes des nourrissons qui sont les principaux pourvoyeurs de séroconversion maternelle. La transmission materno­fœtale est transplacentaire. Elle est d’autant plus fréquente que l’infection maternelle survient tardivement pendant la grossesse, mais c’est aussi à ce moment que les séquelles neurosensorielles seront moins sévères(2). On estime en effet que le risque de séquelles est quasi nul au­delà du premier trimestre de grossesse.

Traitements   Traitement anténatal Il repose sur trois niveaux de prévention. La prévention primaire a pour objectif d’éviter la séroconversion maternelle, la prévention secondaire d’éviter l’infection fœtale et la prévention tertiaire cherche à prévenir les séquelles chez le fœtus infecté.   • Prévention primaire Elle repose sur l’application de règles hygiéniques. En effet, la contamination se faisant au contact de la salive et/ou des urines, il a été montré que se laver les mains, porter des gants lors des changes, éviter d’échanger les couverts, ou d’embrasser un nourrisson sur le visage permettent de réduire significativement la contamination des femmes séronégatives(3,4). L’application de ces mesures, démontrée pour éviter les séroconversions, n’a pour autant pas été étudiée pour la prévention des infections secondaires. Les candidats vaccins sont nombreux (vivants atténués, vaccins recombinants, à ARNm, peptidiques), bien tolérés dans les études de phase I‐II.   • Prévention secondaire Deux RCT ont étudié les perfusions d’immunoglobulines (HIG). Hughes et coll.(5) ont évalué chez 399 femmes ayant fait une séroconversion avant 24 semaines d’aménorrhée, la perfusion d’HIG (100 UI/kg/mois) de 6 semaines après la séroconversion à l’accouchement vs placebo. Il n’a pas constaté de différence sur la prévalence de l’infection à la naissance ou le décès néonatal. Dans l’étude de Devlieger et coll.(6) les femmes séronégatives étaient randomisées avant 14 SA dans le bras HIG (200 UI/kg x 2 à 3/14 jours) vs contrôle. Ainsi, 45 femmes sur les 4 800 inclues dans le groupe HIG ont fait une séroconversion (11‐35 SA), et 35 autres sur les 4 735 du groupe contrôle ont fait une séroconversion (34‐38 SA). À la naissance, 35,6 % des enfants du groupe HIG vs 46,4 % du groupe contrôle étaient infectés (p = 0,46). Le ganciclovir est le traitement de référence de l’infection à CMV. Toutefois et contrairement à l’aciclovir, le ganciclovir semble être tératogène, ce qui contre‐indique son utilisation en cours de grossesse. Le valaciclovir (VAC) est la prodrogue de l’aciclovir, plusieurs études ont évalué son utilisation à fortes doses en cours de grossesse. Shahar‐Nissan et coll.(7) ont randomisé 92 femmes ayant eu une séroconversion en périconceptionnel ou au premier trimestre dans le groupe VAC (4 g/12 h) versus placebo jusqu’à l’amniocentèse réalisée 7 semaines après l’infection, en moyenne à 21‐22 SA. Ainsi, 11 % des 45 femmes du groupe VAC et 30 % des 47 du groupe contrôle avaient une amniocentèse positive (p = 0,027). Deux études de cohorte ont corroboré ces résultats. Faure‐Bardon et coll.(8) ont comparé une cohorte de femmes traitées par VAC jusqu’à l’amniocentèse, réalisée 8 semaines après la séroconversion et à partir de 17 SA aux femmes d’une cohorte historique. Au total, 12 % de celles traitées et 29 % des celles non traitées ont eu une amniocentèse positive. Egloff et coll.(9) ont montré dans une étude de cohorte que 19 % des enfants de femmes traitées vs 40 % des enfants de femmes contrôles avaient une PCR CMV positive à la naissance. D’autres molécules comme le letermovir, validé en prévention chez les patients séropositifs pour le CMV greffés ou le maribavir en cours d’étude de phase III pourraient supplanter le VAC compte tenu de leur meilleure efficacité, tolérance et modalité d’administration. L’utilisation du valaciclovir semble réduire la transmission materno‐fœtale au prix d’un traitement contraignant (1 g par prise toutes les 6 heure, surveillance de la fonction rénale bimensuelle), prolongé (jusqu’à l’accouchement en cas d’amniocentèse positive) et aux effets mal connus chez le fœtus sur le long terme à une telle posologie.   • Prévention tertiaire La prévention des séquelles neurosensorielles est très peu décrite. Elle repose sur une étude(10) portant sur 43 femmes dont les fœtus étaient infectés (amniocentèse positive) et présentaient des signes échographiques (cérébral et extra‐cérébral) ou biologiques pathologiques. Elles étaient traitées par VAC et ont été comparées à 47 femmes contrôles issues d’une revue de la littérature (trois études). Au total, 34 nouveau‐nés étaient asymptomatiques (82 %) à la naissance et à 12 mois dans le groupe VAC vs 20 (43 %) dans le groupe contrôle. Pour autant, les évidences manquent pour préconiser une telle prise en charge. Le valaciclovir initié en prévention secondaire pourrait permettre de réduire les séquelles chez le fœtus, mais aucune étude ne supporte la mise en place d’une prophylaxie tertiaire.   Traitement postnatal Le traitement post‐natal repose sur le gancyclovir ou sa prodrogue, le valgancyclovir (VGC). Il est indiqué chez l’immuno‐déprimé en prévention ou traitement de l’infection à CMV. Son utilisation lors de l’infection congénitale est hors AMM. Pour autant, Kimberlin et coll.(11) ont montré le bénéfice d’un tel traitement sur le pronostic auditif à 6 et 12 mois ainsi que sur le pronostic langagier.   • Indications Les indications du VGC sont les atteintes multiviscérales (thrombopénie, cytolyse hépatique, hépato splénomégalie, pneumopathie, etc.), les atteintes neurosensorielles (microcéphalie, ventriculomégalie, hyperéchogénicités périventriculaires, malformations corticales ou cérébelleuses, choriorétinite). L’indication en cas d’atteinte auditive isolée est débattue. Compte tenu des controverses, la décision de traiter doit reposer sur un avis pluriprofessionnel.   • Posologie Le ganciclovir doit être utilisé à la posologie de 6 mg/kg/ 12 heures en perfusion, en cas d’impossibilité d’utilisation de la voie entérale. Le VGC doit être administré per os à 16 mg/ kg/12 heures. La durée du traitement recommandée est de 6 mois.   • Surveillance Le (val)ganciclovir est bien toléré mais peut générer des neutropénies, résolutives à l’arrêt du traitement, des anémies et cytolyses hépatiques, ce pourquoi une surveillance biologique hebdomadaire est requise. Le valganciclovir, 16 mg/kg/ 12 heures pendant 6 mois, réduit, lors d’infection congénitale symptomatique chez le nouveau‐né, les séquelles auditive et langagière. Les indications sont restreintes et une surveillance biologique à la recherche d’une neutropénie est requise. Son efficacité n’est pas démontrée quand il est initié en dehors de la période néonatale.   Suivi postnatal • Qui ? L’infection congénitale à CMV est la première cause d’atteinte neuro sensorielle acquise. Les infections survenant avant 14 SA sont les plus à risque de séquelles sur le long terme. Néanmoins, la datation de l’infection maternelle, en l’absence de dépistage systématique en France, reste difficile et, dans de nombreux cas, il s’agit d’infection secondaire. Les enfants symptomatiques en anténatal, notamment ceux présentant une microcéphalie, des anomalies de la gyration, de la substance blanche, une thrombopénie, etc. sont les plus à risque de développer une atteinte neuro sensorielle et devront être inclus dans un réseau de suivi des nouveau‐nés vulnérables. A contrario, la normalité de l’échographie anténatale, surtout si elle est corroborée par une IRM à 32 SA normale, a une valeur prédictive négative (VPN) proche de 100 % pour le risque de séquelles ultérieures. Le suivi de ces enfants pourra être allégé, surtout si l’infection est tardive (après 14 SA).   • Quoi ? L’atteinte neurosensorielle justifie une surveillance pluriprofessionnelle. Seront surtout recherchés les troubles neuromoteurs, les retards de langage, les troubles du comportement et les difficultés praxiques. Sur le plan ORL, le suivi sera axé sur l’audition qui peut être atteinte dès la naissance ou ultérieurement, de façon uni‐ ou bilatérale. Un suivi vestibulaire est également requis surtout si des troubles moteurs sont présents. Sur le plan ophtalmologique, les lésions les plus fréquentes sont les choriorétinites. Sur le plan biologique, les cholestase, l’anémie, la thrombopénie sont transitoires et régressent en général en quelques mois.   • Comment ? Le suivi se fait au sein d’un réseau de périnatalité, de manière précoce et prolongée. La surveillance pluriprofessionnelle au sein d’un réseau de suivi d’enfants vulnérables est requise si l’infection est survenue au premier trimestre de grossesse et/ou en cas d’infections symptomatiques en anté‐ ou postnatal. Une infection tardive, une normalité des examens complémentaires anté‐ et postnataux doivent permettre de rassurer la famille et de simplifier le suivi.

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