Publié le 25 sep 2024Lecture 10 min
Ce qui change dans la prise en charge du syndrome des ovaires polykystiques
Denise CARO, d’après les communications du Pr Sophie Catteau‐Jonard (CHU de Lille), du Pr Anne Bachelot (Paris) et du Dr Maëliss Peigné (Bondy)
Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est le trouble gynéco-endocrinien le plus fréquent. C’est la première cause de dysovulation ou d’anovulation, d’hyperandrogénie et d’infertilité féminines. Il concerne 7 à 15 % des femmes dans le monde(1). Son diagnostic et sa prise en charge ont grandement évolué, marqués par la publication de nouvelles directives en 2023(2), 20 ans après les premières recommandations du consensus de Rotterdam(3).
Une première partie des recommandations de 2023 est consacrée au diagnostic de SOPK. Comme en 2003, les experts ont estimé que la présence de deux des trois principaux critères de SOPK permettait d’affirmer le diagnostic, après que les autres causes de troubles du cycle et d’hyperandrogénie ont bien sûr été éliminées. Les trois critères en question sont :
– une oligo‐ovulation ou anovulation;
– une hyperandrogénie clinique ou biologique ;
– des ovaires polymicrokystiques détectés à l’échographie et/ou du fait d’une augmentation de l’hormone anti‐müllerienne (AMH) qui a fait son apparition dans les recommandations de 2023.
Détecter l’oligo-ovulation et l’hyperandrogénie
L’oligo‐ovulation ne peut être prise en compte comme critère diagnostique que trois ans après la ménarche. Avant, elle est considérée comme un risque de SOPK chez l’adolescente, ce qui implique une surveillance régulière et la mise en place de mesures hygiéno‐diététiques pour éviter une prise de poids excessive.
L’hyperandrogénie se manifeste par une acné sévère, un hirsutisme, une alopécie et une augmentation de testostérone libre ou totale. La prise de pilule estroprogestative diminue l’hyperandrogénie ; elle doit être arrêtée 3 mois avant le dosage. De même, il faut demander un dosage de la 17‐hydroxyprogestérone pour éliminer un bloc enzymatique en 21‐hydroxylase.
La publication de 2023 précise que, en raison du caractère subjectif de l’appréciation de l’hyperandrogénie clinique, celle‐ci doit être évaluée au moyen de scores :
– le score de Ferriman et Gallwey pour l’hirsutisme (le poil doit mesurer au moins 5 mm pigmenté) ;
– la classification de Ludwig ou d’Olsen pour l’alopécie, acné présente sur au moins deux zones du corps.
« Si la patiente n’est pas gênée par les signes cliniques de l’hyperandrogénie, il convient de ne pas la traiter », a précisé le Pr Sophie Catteau‐Jonard (Lille).
Échographie et augmentation de l’AMH
À propos des critères échographiques, il est précisé qu’il faut qu’au moins un des deux ovaires ait un volume supérieur à 10 mL et/ou comporte au moins 20 microfollicules. Le nombre de follicules par ovaire (à rechercher sur tout l’ovaire) en début de phase folliculaire est le critère le plus pertinent. Encore une fois, chez l’adolescente, qui a souvent de gros ovaires riches en follicules, l’échographie n’est pas contributive. Enfin, les coupes IRM n’ont pas de place dans le diagnostic de SOPK.
Le dosage de l’AMH est l’une des principales nouveautés des recommandations de 2023. L’augmentation de l’AMH est un très bon reflet du nombre de petits follicules. Elle repère des follicules non visibles à l’imagerie et a une meilleure sensibilité que l’échographie(4). Le taux d’AMH augmente chez la fillette à partir de 8 ans, il est maximal chez la femme entre 20 et 25 ans, puis il décroît.
Encore une fois, l’augmentation de l’AMH n’est pas un critère valable chez l’adolescente ; elle ne l’est pas non plus chez les femmes sous pilule ou utilisant un anneau contraceptif, qui diminuent le taux d’AMH. Enfin, le seuil de la norme d’AMH n’est pas défini. Depuis 2015, les dosages sont automatisés, mais les résultats ne sont pas identiques dans tous les laboratoires. À titre d’exemple, le seuil choisi au CHU de Nantes est de 30 pmol/L ou 4,2 ng/mL.
Face à un diagnostic de SOPK, les recommandations de 2023 insistent sur l’importance de rechercher une intolérance au glucose ou un diabète, cela même chez l’adolescente (avant que le diagnostic soit confirmé) et quel que soit l’indice de masse corporelle (IMC). En effet, il y a quatre fois plus de diabète de type 2 chez les femmes avec un SOPK et celui‐ ci apparaît quatre fois plus tôt(5). Le bilan est à renouveler tous les 1 à 3 ans. De même, un bilan lipidique et une surveillance tensionnelle s’imposent. La mise en place de mesures préventives est très importante. Il convient aussi de rechercher un syndrome d’apnée du sommeil. Enfin, les experts soulignent la nécessité d’évaluer la qualité de vie, l’anxiété, la dépression pour une prise en charge globale des patientes.
Mode de vie et médicaments
L’intervention sur le mode de vie (exercice physique +/‐, régime alimentaire avec stratégies comportementales) est bénéfique même en l’absence de perte de poids. Une réduction de 5 à 10 % de l’IMC chez les patientes en surpoids ou obèses a un bénéfice à court terme avec une réduction de l’hyperandrogénie, une amélioration de la régularité et de la fonction menstruelles ainsi qu’un meil‐ leur taux de grossesse(6‐8). Un accompagnement psychologique peut être utile pour agir sur l’anxiété, un syndrome dépressif, un trouble du comportement alimentaire et un trouble de l’image corporelle. La metformine en monothérapie chez les patientes adultes avec un SOPK et présentant un IMC ≥ 25 kg/m2 améliore les paramètres anthropométriques et métaboliques (insulinorésistance, glycémie, profil lipidique) (hors AMM).
La metformine fait mieux que la contraception estroprogestative (COP) sur l’insulinémie à jeun, le cholestérol HDL et les triglycérides. La COP fait mieux que la metformine sur la régularité des cycles, le taux de testostérone totale, le taux de SHBG (Sex Hormon Binding Globuline) et le cholestérol LDL.
Il n’y a pas de différence entre les deux traitements, concernant l’hirsutisme, le poids, le rapport taille/hanches, l’HOMA, l’IMC, la glycémie à jeun et le cholestérol total(9‐11).
L’inositol, médiateur intracellulaire de l’action de l’insuline, est considéré comme un complément alimentaire(12). Selon une métaanalyse de 2024, les preuves de l’intérêt de son utilisation dans la prise en charge du SOPK sont limitées et non concluantes(13).
Les experts ont toutefois estimé que l’on peut l’envisager selon les préférences et valeurs individuelles, avec une nocivité limitée, un potentiel d’amélioration des mesures métaboliques mais peu de bénéfices cliniques, notamment sur l’ovulation, l’hirsutisme et le poids.
Enfin, une étude randomisée en ouvert a montré que la chirurgie bariatrique (sleeve) faisait mieux sur le poids et l’ovulation que les modifications du style de vie (régime, activité physique +/‐ médicament) chez des patientes obèses avec un SOPK(14). Selon la HAS, le SOPK est une indication de la chirurgie bariatrique chez les patientes en âge de procréer ayant un IMC compris entre 35 et 40 kg/m2, cela afin d’améliorer leur fertilité et l’efficacité de l’assistance médicale à la procréation (AMP).
Prise en charge de l’hirsutisme et de l’acné
Face à un hirsutisme modéré et/ou une acné chez une femme non ménopausée, le traitement de 1re intention repose sur la COP. En cas de résultat insuffisant, on associe la spironolactone (hors AMM). La spironolactone seule, sous couvert d’une contraception efficace, est le traitement de 3e intention en cas d’effets indésirables, de contre‐indication ou d’absence d’efficacité de la COP (hors AMM). En cas d’hirsutisme sévère invalidant, l’acétate de cyprotérone (ACP) associé à un estrogène est proposé en 1re intention (avec surveillance annuelle) en tenant compte de la balance bénéfice‐risque. L’acétate de cyprotérone n’est pas recommandé chez la femme ménopausée et l’enfant. Les nouvelles recommandations alertent sur le risque de méningiome. En 2e intention, on se tournera vers la spironolactone (hors AMM) associée à une contraception. Un traitement de 6 mois permet de juger de l’efficacité. Des mesures cosmétiques font partie de la prise en charge et accompagnent le traitement médicamenteux.
Traitements inducteurs d’ovulation
Même si le SOPK est la 1re cause de trouble du cycle et d’infertilité féminine, avant de lui attribuer la cause d’une infertilité il faut avoir vérifié l’intégrité des trompes chez la patiente et l’absence d’anomalie du spermogramme chez le conjoint. La prise en compte des troubles métaboliques, le contrôle du poids et les modifications du style de vie sont un préalable à la prise en charge de l’infertilité.
Le traitement de 1re intention repose sur le létrozole, un anti‐aromatase qui bloque la synthèse et l’action des estrogènes (hors AMM dans cette indication). Celui‐ci inhibe le rétrocontrôle négatif des estrogènes sur l’hypothalamo‐hypophyse, induisant la sécrétion de FSH qui déclenche le recrutement folliculaire de l’ovaire. Utilisé en début de phase folliculaire, il permet de recréer une « fenêtre de FSH endogène »(15). Il a l’avantage d’avoir une demi‐vie courte qui évite les ovulations multiples retardées.
En pratique, on induit des règles puis on prescrit 1 comprimé/jour de J2 à J6 et on surveille l’éventuel recrutement d’un follicule à l’échographie. Ensuite, soit on déclenche l’ovulation pour que le couple ait des rapports, soit on vérifie après 7 jours si la patiente a ovulé par un dosage de la progestéronémie. S’il n’y a pas eu d’ovulation avec 1 comprimé/jour, on passe à 2 comprimés/jour (sans jamais dépasser 3 comprimés/jour). Le traitement expose à un risque de grossesse multiple (recherchée à l’échographie). Le risque de cancer du sein ne concerne que les traitements au long cours. Enfin, concernant le risque tératogène, on n’a pas enregistré plus de malformations fœtales avec le létrozole qu’avec le clomifène ou à la suite d’une conception naturelle.
Le citrate de clomifène, anti‐estrogène hypothalamo‐hypophysaire, est proposé en 2e intention. Il réduit l’effet inhibiteur des estrogènes et rétablit la fenêtre FSH. Le schéma de prescription est le même qu’avec le létrozole. Sa demi‐vie de 5 à 7 jours expose à un risque de grossesse multiple du fait d’un recrutement folliculaire et d’une ovulation multiple retardés. Des troubles visuels sévères ont été signalés.
Le létrozole aboutit à un nombre plus important de naissances vivantes que le citrate de clomifène, probablement en raison d’un endomètre de meil‐leure qualité. En revanche, le taux d’hyper‐réponses, de fausses couches spontanées précoces et de grossesses multiples sont comparables avec les deux approches thérapeutiques(16). Toutefois, d’autres études ont montré un meilleur taux d’ovulation avec le létrozole qu’avec le citrate de clomifène.
Enfin, comme indiqué précédemment, la metformine améliore les chances de grossesse chez les femmes en surpoids ou obèses avec un SOPK (hors AMM). « Avant de l’utiliser, il convient d’avoir prévenu la patiente qu’il existe d’autres traitements inducteurs de l’ovulation plus efficaces, a indiqué le Dr Maëliss Peigné (Bondy). En revanche, la metformine a un intérêt en association avec le citrate de clomifène, dont elle majore l’efficacité. Enfin, il ne faut pas oublier d’associer au traitement médicamenteux des règles hygiéno‐diététiques. »
Autres options thérapeutiques
Si on n’a pas obtenu d’ovulation avec ces différents traitements, il est possible de se tourner vers les gonadotrophines. Celles‐ci n’ont pas fait l’objet de modifications dans les nouvelles recommandations. On utilise le step‐up low dose 25 à 50 UI/jour les 14 premiers jours, puis 50‐75 UI/jour les 7 jours suivants et ensuite si besoin 75‐100 UI/jour, et ce pour obtenir 1 à 2 follicules de plus de 10 mm ; puis on met en place un monitorage tous les 2 ou 3 jours jusqu’au déclenchement. Il faut faire attention aux petits follicules intermédiaires responables de grossesses multiples. On déclenche l’ovulation si on a 1 follicule dominant (2 au maximum) et on demande au couple d’avoir des rapports. Le problème de la stimulation avec des gonadotrophines chez les patientes avec un SOPK est de déterminer la bonne dose. Il faut augmenter lentement les doses. La frontière est étroite entre une hyper‐ et une hypo‐réponse. Ajouter des inséminations n’a aucun intérêt.
Reste à savoir combien de fois répéter un traitement inducteur de l’ovulation avant de passer à la fécondation in vitro (FIV). En pratique après 4 voire 6 cycles du citrate de clomifène, avec ou sans ovulation, n’ayant pas abouti à une grossesse, la poursuite du traitement a bien peu de chance de succès(17). On manque de données concernant le nombre de cycles à effectuer avant d’abandonner avec le létrozole et les gonadotrophines. Quoi qu’il en soit, le délai de 4 à 6 cycles infructueux semble raisonnable.
À noter que la FIV peut être proposée en 1re intention si on a détecté une pathologie tubaire chez une femme avec un SOPK ou une cause masculine chez son conjoint. La FIV a l’avantage de diminuer de façon drastique le risque de grossesse multiple. En revanche, on expose la patiente au risque d’hyperstimulation ovarienne ; par conséquent, il faut adapter le protocole.
Les antagonistes de la GnRH sont proposés en 1re intention en raison de leur risque faible d’hyperstimulation.
« Enfin, quelle que soit la façon dont la grossesse a été obtenue, une surveillance étroite du risque de diabète gestationnel et de l’HTA gravidique doit être mise en place chez les patientes avec un SOPK, a rappelé le Dr Maëliss Peigné. Et surtout, il ne faut pas oublier que les femmes avec un SOPK ne sont pas toutes infertiles. La régularité des cycles s’améliore avec l’âge, et on a de moins en moins de troubles de l’ovulation. »
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