Cancérologie
Publié le 08 jan 2024Lecture 5 min
Cancers de l’ovaire - Tout savoir sur le test HRD : exemple du test GIscar
Raphaël LEMAN et coll., Laboratoire de biologie et de génétique du cancer, centre Francois-Baclesse, Caen, Inserm U1245, Cancer Brain and Genome, Normandie Université, UNICAEN, FHU G4 Génomique, Rouen
Les cancers ovariens séreux de haut grade présentant un déficit de réparation de l’ADN par recombinaison homologue sont particulièrement sensibles aux traitements d’entretien incluant un inhibiteur de PARP, l’olaparib. Il est donc essentiel d’identifier les patientes dont les tumeurs présentent ces déficits de réparation dès le diagnostic initial. Une nouvelle méthode de détection, GIscar (Genomic Instability Scar), a montré sa capacité à identifier les patientes qui peuvent bénéficier d’un traitement par l’olaparib. Grâce à ses performances, GIscar est d’ores et déjà déployé dans plusieurs laboratoires hospitalo-universitaires de biologie moléculaire.
Une nouvelle étape dans la prise en charge des cancers de l’ovaire
Les cancers de l’ovaire peuvent présenter un déficit de réparation de l’ADN par recombinaison homologue (Homologous Recombination Deficiency [HRD]). Ces défauts de réparation génèrent des cicatrices génomiques tumorales, correspondant à des remaniements chromosomiques(1,2). Cependant, la détection de ce statut HRD était d’abord limitée pour les tumeurs présentant des mutations inactivatrices de deux gènes très bien décrits dans cette voie de réparation de l’ADN : BRCA1 et BRCA2. Parallèlement, une nouvelle thérapie ciblée de la classe des inhibiteurs des poly(adénosine diphosphate– ribose) polymérases (PARP), avec en tête de file l’olaparib, a montré une efficacité majeure dans les cancers de l’ovaire ayant une mutation de BRCA1 ou de BRCA2(3,4).
L’essai clinique PAOLA-1 a montré pour la première fois que les tumeurs non mutées au niveau de BRCA1 ou BRCA2, mais présentant des cicatrices génomiques révélatrices d’un statut HRD étaient sensibles aux inhibiteurs de PARP(5). De plus, la proportion de tumeurs mutées BRCA1 et BRCA2 étaient de 29 % et celle des tumeurs non mutées mais HRD étaient de 19 %.
La définition du statut HRD permet donc d’augmenter de plus de 50 % le nombre de patientes pouvant bénéficier de l’olaparib. L’essai PAOLA-1 a ainsi démontré l’importance de rechercher ces cicatrices génomiques pour les cancers de l’ovaire.
GIscar, c’est quoi ?
GIScar (Genomic Instability Scar, « cicatrice d’instabilité génomique ») est l’un des tous premiers tests académiques de biologie moléculaire, développé en France pour la détection du statut HRD. Pour réaliser ce test, il est seulement nécessaire d’utiliser l’ADN extrait de blocs de tissus tumoraux inclus en paraffine. Ce prélèvement d’ADN est préparé pour un séquençage à haut débit d’un panel de gènes prédéfinis incluant aussi les gènes BRCA1 et BRCA2.
La recherche de mutations de BRCA1 et BRCA2 et le test GIScar sont réalisés sur les mêmes données de séquençage, évitant ainsi une double analyse. Les données de séquençages sont ensuite traitées bio-informatiquement pour détecter les cicatrices génomiques (figure 1A). À partir de ces données, nous pouvons calculer un score d’instabilité, et donc identifier les patientes pouvant bénéficier d’une thérapie ciblée par olaparib. Le test GIScar peut être aisément mis en œuvre dans les laboratoires de biologie moléculaire pour un coût maîtrisé.
Figure 1. Principe de réalisation du test GIScar. A. La mise en œuvre du test GIScar comporte deux paries principales, la première est le séquençage à haut débit d’un panel de gènes à partir de l’ADN extrait d’un bloc inclus en paraffine de la tumeur. La seconde parie est l’analyse bio-informatique pour identifier les cicatrices génomiques puis le calcul d’un score d’instabilité génomique. B. Collection de tumeur utilisée pour le développement de GIScar (n = 250 tumeurs). C. Collection de tumeurs issus de l’essai clinique PAOLA-1 utilisée pour la validation clinique de GIScar (n = 469 tumeurs).
Un test robuste et cliniquement validé
Nous avons collaboré avec 4 centres de lutte contre le cancer (CLCC) d’Angers, de Bordeaux, de Paris et de Lille ainsi qu’avec le centre hospitalo-universitaire la Pitié-Salpêtrière. Ces collaborations nous ont permis d’augmenter à 250 le nombre de prélèvements pour la validation technique de GIScar ainsi que d’évaluer sa robustesse sur des tumeurs séquencées par une autre plateforme (figure 1B). Nous avons pu montrer que le test GIScar obtenait les mêmes performances dans la classification des tumeurs que le séquençage soit réalisé dans notre laboratoire ou par un laboratoire extérieur.
Le test GIScar a été validé avec succès au niveau clinique grâce aux données de l’essai PAOLA-1 mises à notre disposition par l’équipe d’ARCAGY-GINECO. Nous avons reçu 469 prélèvements d’ADN tumoraux issus des tumeurs de patientes incluses dans cet essai (figure 1C). Les tumeurs HRD-positives détectées par GIScar ont eu une survie sans progression (progression free survival [PFS]) significativement meilleure sous traitement par olaparib que sous placebo. La PFS médiane (PFSm) était de 42,6 mois avec l’olaparib et de 19,5 mois avec le placebo (HR 0,45 ; IC 95 % : 0,33-0,62 ; log-rank p < 0,0001).
À l’inverse, les tumeurs HRDnégatives n’ont pas tiré de bénéfice significatif de l’olaparib, avec une PFSm de 16,6 mois dans le groupe olaparib contre 16,6 mois dans le groupe placebo (HR 1,02 ; IC 95 % : 0,74-1,40 ; log-rank p = 0,90). La performance du GIScar a été confirmée pour la survie globale (overall survival [OS]). Parmi les patients dont les tumeurs étaient HRD-positives selon le GIScar, la OS était significativement meilleure dans le groupe olaparib que dans le groupe placebo (OS médiane 75,2 vs 59,8 mois, respectivement ; HR 0,66 ; IC 95 % : 0,45-0,98 ; log-rank p = 0,037). En revanche, les patients présentant des tumeurs HRD-négatives selon le GIScar n’ont tiré aucun bénéfice de l’olaparib. En effet, dans ce sous-groupe, le traitement d’entretien par olaparib a donné des résultats plus délétères que le placebo, avec une OS médiane de 39,3 mois contre 46,3 mois, respectivement (HR 1,24 ; IC 95 % : 0,86-1,78 ; log-rank p = 0,25).
À traitement égal, les patientes ayant une tumeur HRD-positive voient leur médiane de survie globale presque doublée comparativement aux patientes ayant une tumeur HRD-négative (75,2 mois vs 39,3 mois).
En pratique comment bénéficier du test GIscar ?
Grâce aux résultats obtenus, le test GIScar peut être proposé aux patientes ayant un cancer de l‘ovaire séreux de haut grade nouvellement diagnostiqué. À l’heure actuelle, nous proposons le test GIScar pour les prélèvements tumoraux qui nous sont adressés dans le cadre de la pratique clinique. GIScar étant développé dans un but académique, la solution est accessible aux autres établissements de santé via la mise à disposition du logiciel GIScar par une solution SAAS (Software As A Service). Ainsi, sur un an d’activité, ce sont au global plus de 1 500 patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire qui ont bénéficié du test GIScar.
Notre test GIScar a également été publié par la revue internationale à comité de lecture Clinical Cancer Research(6).
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