Publié le 15 mai 2023Lecture 4 min
Impact des cloisons utérines chez la femme infertile
Pauline BOTTIN, Pôle Femmes-Parents-Enfants, Centre d’assistance médicale à la procréation, CHU de la Conception, APH de Marseille
Les malformations utérines concernent 1 à 4 % des femmes en population générale. En cas d’infertilité ou de fausse couche à répétition, la prévalence est estimée entre 8 et 12 %. La cloison utérine est la plus fréquente et représente selon les auteurs jusqu’à 35 % des malformations utérines. Nous aborderons les principales classifications utilisées ainsi que leurs conséquences cliniques chez les patientes
La classification de l'American Fertility Society (AFS) a longtemps été la plus reconnue et la plus utilisée du fait de sa simplicité et de la corrélation des différentes anomalies avec les risques obstétricaux(1). Les utérus cloisonnés sont les anomalies utérines AFS de classe V, divisées en cloison complète ou partielle. Des critères plus précis ont été proposés par l’American Society for Reproductive Medicine (ASRM) en 2016 et définissent les utérus cloisonnés par une indentation interne supérieure ou égale à 1,5 cm, un angle inférieur à 90° et une indentation externe fundique inférieure à 1 cm(2). Les utérus arqués sont considérés comme normaux. Certaines anomalies n’étant pas prises en compte par la classification de l’ASRM, la European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE) et la European Society for Gynaecological Endoscopy (ESGE) ont proposé une nouvelle classification en 2013, mise à jour en 2016(3).
Les utérus cloisonnés font partie de la classe ESHRE/ESGE U2 et divisés en U2a cloisonnés partiels et U2b cloisonnés complets. Ils sont définis par une indentation interne supérieure à 50 % de l’épaisseur du mur utérin et une indentation externe inférieure à 50 % de l’épaisseur du mur utérin. Une partie des utérus arqués deviennent alors pathologiques avec cette classification, alors que les conséquences cliniques ne sont pas les mêmes pour les patientes.
À la suite des critiques sur leur sous-estimation (ASRM) ou leur surestimation (ESHRE/ESGE) de la fréquence des utérus cloisonnés, un comité d’experts a proposé la classification CUME (Congenital Uterine Malformation by Experts). Elle concerne uniquement les utérus cloisonnés et a pour but de mieux différencier les utérus normaux/arqués et les « vrais » utérus cloisonnés. L’utérus cloisonné est alors défini avec une indentation interne supérieure ou égale à 1 cm et une indentation externe inférieure à 1 cm(4).
Ludwin et coll. ont estimé, dans leur étude prospective concernant 261 patientes ayant consulté dans une clinique spécialisée dans la prise en charge des malformations utérines, que 32 % des femmes présentaient les critères diagnostiques d'utérus cloisonné selon une des trois classifications précédemment décrites, bien que seulement 2,7 % des patientes réunissaient les critères des trois classifications. Ainsi, le surcoût du surdiagnostic lié à la classification ESHRE/ESGE pourrait être évalué à près de 200 milliards de dollars sur 5 ans dans le monde(5).
Les principales classifications utilisées pour les utérus cloisonnés sont celle de l'ASRM, celle de l'ESHRE-ESGE et celle de la CUME. Les utérus arqués doivent être considérés comme une variante normale.
Conséquences cliniques des cloisons utérines
Dans sa métaanalyse publiée en 2011, Chan et coll. retrouvent un risque de fausse couche du premier trimestre (RR 2,89 [2,02-4,14] p < 0,00001), d’accouchement prématuré (RR 2,14 [1,48-3,11] p < 0,00001) et de malposition fœtale (RR 6,24 [4,05-9,62] p < 0,00001) plus élevé chez les patientes porteuses d’un utérus cloisonné, que la cloison soit partielle ou totale, avec des taux de grossesse comparables(6).
Plus récemment, Novanta et coll. ont publié une métaanalyse étudiant l’impact des cloisons en population infertile ou avec antécédent de fausse couche à répétition. Les patientes présentant un utérus cloisonné avaient un fort surrisque de fausse couche spontanée (OR 4,29 ; IC 95% : 2,90−6,36 ; p < 0,0001) et d’accouchement prématuré (OR 2,56 ; IC 95%: 1,52−4,31 ; p = 0,0004) par rapport aux patientes-témoins(7). Les taux de grossesse (OR 0,45, 95% IC 0,27−0,76 ; p < 0,0001) et de naissance vivante (OR 0,21 ; IC : 95% ; 0,12−0,39 ; p < 0,0001) étaient plus faibles chez les patientes porteuses d’un utérus cloisonné que chez les patientes-témoins.
Enfin, l’étude chinoise rétrospective de Qiu incluant 411 patientes présentant une anomalie utérine congénitale et 14 936 patientes- témoins prises en charge par transfert d’embryon congelé obtenu par FIV/ICSI a mis en évidence un surrisque de fausse couche précoce chez les patients présentant un utérus cloisonné (OR 2,05 ; IC : 95 % ; 1,18-3,58; P = 0,010) et un taux de naissance vivante plus faible (OR 0,57 ; IC : 95 % ; 0,41-0,79 ; p = 0,001) mais pas de différence des taux d’implantation embryonnaire et des taux de grossesse(8). En revanche, il n’avait pas été mis en évidence plus de complications obstétricales chez les patientes présentant un utérus cloisonné après FIV. De même, on ne retrouve pas de différence entre les patientes présentant une cloison complète ou une cloison partielle(6,7).
Les données de la littérature s'accordent pour mettre en évidence un risque de fausse couche plus élevé chez les patientes porteuses d'un utérus cloisonné, en particulier en cas d'infertilité.
Le traitement chirurgical des cloisons utérines a pour objectif principal de diminuer le risque de fausse couche. Il est à discuter chez les patientes infertiles ou en cas de fausse couche à répétition(7,8).
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