Publié le 13 mar 2023Lecture 20 min
Le périnée féminin
Ina RAHZI, Bruno DEVAL - Département de chirurgie gynécologique fonctionnelle et oncologique, hôpital Privé Geoffroy Saint-Hilaire, Ramsay Santé, Paris
Le périnée est le plancher des organes pelviens. La vessie, le rectum, l’utérus et le tiers supérieur du vagin reposent sur le périnée. Croisée des chemins du gynécologue, du proctologue, du médecin rééducateur, du neurologue, de l’urologue, du sexologue, du kinésithérapeute, de l’ostéopathe, de la sage-femme, le périnée de la femme suit le méandre de plusieurs spécialités médicales.
Ce texte s’adresse aux médecins de notre discipline mais aussi aux médecins généralistes ou d’autres disciplines tant le périnée de la femme est le lieu de convergence d’horizons professionnels différents. Il est peut-être temps pour nous, gynécologues de France, de reprendre la main d’un pan de notre discipline que nous avons laissé à l’urologie.
Souvenons-nous de Burch, père de la colposuspension, de Ulf Ulmsten, père de la TVT (Tension-free Vaginal Tape), de Raoul Palmer, père de la laparoscopie, de Jacques Huguier père de la sacrocolpopexie… Tous étaient gynécologues-chirurgiens mais avant tout gynécologues-obstétriciens.
La semaine de l’incontinence parfaitement organisée voilà près de 20 ans par l’Association française d’urologie (AFU) a conduit les patientes souffrant d’incontinence urinaire (IU) à se diriger en première intention vers nos collègues urologues. Il s’agit d’une réalité française. En Europe centrale, les femmes souffrant de troubles pelvi-périnéaux sont prises en charge en première intention par les gynécologues ; aux États-Unis, en Océanie, en Asie, il semblerait que l’activité soit équitablement distribuée ; au Moyen-Orient, seuls les urologues sont habilités à traiter les femmes souffrant de troubles de la statique pelvi-périnéale.
Une question est souvent posée par les organismes de presse : quel médecin consulter devant une IU de la femme ? Il est peut-être temps de reprendre le lead d’une discipline qui a été abandonnée ces 20 dernières années. Quelles solutions proposer ?
• Par le volume de l’activité clinique en tout premier lieu, devenir incontournable protège des aléas de la concurrence.
• Par la participation aux sociétés savantes internationales, nos gynécologues juniors doivent être membres de la IUGA (International Urogynecologic Association) et de l’ICS (International Continence Society), nos amis étrangers ne sont pas avares de critiques vis-à-vis de « Frenchies » au sympathique accent mais peu présents.
• Par l’organisation de l’enseignement et par une meilleure définition des sous-spécialités de notre discipline. Nous étions quelques-uns à militer pour la création d’une discipline propre aux dysfonctionnements pelvi-périnéaux de la femme ; ces vœux de Bernard Jacquetin étaient dans les années 2000 restés lettre morte.
• Création de stages validants, enseignements spécifiques aux troubles de la statique pelvi-périnéale, mobilité internationale dans des stages anglo-saxons sont des pistes.
Enfin, quand va-t-on en finir avec cette mainmise de l’académisme hospitalier publique à la formation de nos internes ? Là encore, il convient de former nos jeunes internes – qui, de l’avis de tous, sont trop nombreux dans leurs services hospitaliers publics. La création de docteurs juniors doit permettre l’ouverture à l’universitarisation de structures privées prédéfinies.
Nous nous battons depuis plusieurs années pour que les hôpitaux privés parisiens deviennent terrains de stage, c’est paraît-il aussi le vœu des jeunes spécialistes de notre discipline de venir voir et apprendre dans des secteurs d’activité libérale. Nous sommes encore et encore bloqués, comme du temps de notre ami Bernard Jacquetin. Que faut-il faire pour que nous soyons entendus ? Le conseil d’État pourrait être la solution ultime. Alors, de grâce, que cette main tendue depuis de longues années puisse enfin être prise en considération ! Il n’est pas trop tard, il n’est jamais trop tard.
Ce texte sur le périnée de la femme est un bref résumé du livre qui vient d’être publié aux éditions du Rocher.
Alex BETHOUX, père du colpocystogramme et attaché l’Hôpital Broca dans les années 1950 l’avait « pré-dit », le XXIe siècle sera celui du périnée de la femme. Donnons-lui raison.
B. DEVAL
D’un point de vue fonctionnel, le périnée de la femme a plusieurs rôles. Il contrôle la continence urinaire et la miction mais aussi la continence anale et l’exonération ; il soutient les éléments pelviens (vessie, utérus, rectum) et participe au bien-être sexuel. De fait, le périnée doit être actif, travaillé, entretenu et surveillé. Il est le garant d’une vie soutenue, continente et sensuelle. Toute femme doit se l’approprier, accéder par son anatomie à ses fonctions, découvrir ses zones de faiblesses et ses points forts, savoir quand et qui consulter et quelles solutions trouver lorsque son périnée est en difficulté.
Anatomie succinte du périnée de la femme
Pour visualiser le périnée, dessinez un losange et tracez une ligne horizontale en son milieu. Deux triangles sont définis d’avant en arrière : le périnée antérieur – ou région uro-génitale – et le périnée postérieur – ou région anale. De la superficie à la profondeur, le périnée est organisé en 3 plans : le plan superficiel, le plan moyen et le plan profond. Le tout crée un hamac musculaire percé d’avant en arrière par 3 conduits : l’urètre relié à la vessie, le vagin relié à l’utérus et, enfin, le canal anal relié au rectum. Ces conduits s’ouvrent à l’extérieur par 3 orifices qui sont d’avant en arrière : le méat de l’urètre, le hiatus génital et l’anus. Le trajet suivi par l’urètre diffère chez la femme et chez l’homme. Il est de 4 cm de long(1), traverse le diaphragme uro-génital ; sa terminaison constitue le méat urinaire.
A l’entrée du vagin se situe la membrane hyménéale, fin tissu constitué, plus ou moins souple, parfois mal formé ; 10 % des petites filles naissent sans hymen ; elles peuvent aussi présenter un hymen rigide, un hymen double, un hymen perforé de petits ou de grands trous, etc. L’hymen peut rester intact même chez une personne ayant eu des rapports sexuels, comme il peut ne plus y avoir d’hymen chez une personne vierge (du fait de la pose de tampons, de la pratique du vélo, d’un traumatisme).
Deux glandes ouvrent leurs orifices à l’entrée du vagin et participent à sa lubrification : les glandes vestibulaires mineures para-urétrales de Skene et les glandes vestibulaires majeures de Bartholin situées dans le périnée superficiel (à 5 heures et 7 heures de l’entrée du vagin). Ces 2 glandes ont une forme ovale et ne dépassent pas un demi-centimètre. Elles sont reliées à des conduits s’ouvrant à hauteur de l’hymen, au niveau vaginal. Habituellement, les glandes de Bartholin disparaissent à la ménopause : toute masse dans cette zone, à cette période, est suspecte.
Autre composant du périnée superficiel : le clitoris. Il est situé dans la vulve et recouvert par les grandes lèvres. Il n’est pas réduit au petit bouton au-dessus de la vulve, tel un iceberg. Le clitoris est aussi composé d’une partie enfouie constituée d’un corps avec 2 piliers et 2 bulbes (complexe bulbo-clitoridien). Le gland est la seule partie visible du clitoris. Il est recouvert du capuchon, un repli cutané qui dépend des petites lèvres. La taille du gland avoisine le demi-centimètre. Dans le prolongement du gland se situe le corps du clitoris qui va se couder et dessiner un genou. Un ligament maintient le corps suspendu à la symphyse pubienne, le ligament suspenseur du clitoris. Lors de l’excitation, sous l’effet de l’afflux de sang, le corps du clitoris augmente de volume et durcit, mais ne se redresse pas comme le pénis. Les piliers sont constitués de cavités (comme dans le pénis, les corps caverneux se remplissent de sang lors de l’excitation). Des muscles permettent de chasser le sang en direction du corps du clitoris augmentant son volume.
Sur le versant postérieur, cette fois-ci, le rectum fait partie de l’appareil gastro-intestinal tout comme le canal anal. Il est à noter que la partie terminale du côlon sigmoïde se situe également dans la cavité́ pelvienne. Le canal anal s’abouche au périnée par l’anus. Lorsque celui-ci traverse le périnée et le diaphragme pelvien, il est entouré́ sur toute sa longueur des sphincters externe et interne qui maintiennent l’anus ferme(́2).
Périnée, grossesse et accouchement
La présence du futur nouveau-né dans l’utérus maternel entraîne une augmentation de la pression abdominale et des contraintes musculaires, osseuses et ligamentaires. La pression habituellement dirigée vers le coccyx en arrière se déplace en avant et pousse vers le périnée. Le hamac musculaire du périnée est alors soumis à rude épreuve. Il se tend et se distend.
En cours de grossesse, la future mère peut souffrir de fuites urinaires lors d’un effort ou parce qu’elle ne parvient pas à se retenir (1 femme sur 3 en souffre à cette période)
Fin de grossesse : rééducation quotidienne et automassage
Plus l’enfant est bas, plus les muscles du périnée superficiel et profond s’amincissent. Le hamac musculaire périnéal diminue des deux tiers de son volume et passe de 46 cm3 à 13 cm3. Il est de fait moins résistant et devra être renforcé par des séances de rééducation à partir de la 34e semaine de grossesse (8 mois) mais aussi par une autorééducation quotidienne. Quant à la pression abdominale, elle doit être déviée ou déplacée vers une zone de moindre risque. Cette pression ne doit plus s’exercer vers le bas. C’est à ce moment que la souplesse du diaphragme thoracique revêt une importance considérable. Il faut faire en sorte d’aspirer le futur nouveauné vers le haut par des mouvements d’expiration profonde et privilégier la position assise ou couchée.
En fin de grossesse, l’automassage est primordial. Il peut être réalisé à partir de la 34e semaine de grossesse (8 mois et demi), 5 à 10 minutes par jour. Il doit être réalisé avec le pouce (face palmaire) au contact de la fourchette postérieure de la vulve. Les mouvements en forme de U doivent être appuyés et lents, ils préparent les tissus à l’accouchement. Ce massage au quotidien est efficace puisqu’il diminue la fréquence des épisiotomies et des déchirures périnéales lors de l’expulsion du nouveau-né, il préserve de l’inconfort d’un périnée cicatriciel. Pour le massage périnéal, il est conseillé d’utiliser une crème de massage neutre ou une huile de massage végétale bio.
Activité physique et limitation de la prise de poids
En dehors de ces exercices ou de l’automassage, la première des protections pour le périnée est de limiter la prise de poids en cours de grossesse.
L’activité physique est recommandée. Tout est possible. Les femmes alpinistes, les marathoniennes, les judokas peuvent poursuivre leurs activités, au même titre que les avocates peuvent plaider ou les chirurgiennes peuvent opérer. L’évidence scientifique nous conduit à penser que le sport pendant la grossesse n’augmente pas le risque de prématurité ni de faible poids à la naissance ni de césarienne ni de fausse couche.
La Haute Autorité de santé conseille une activité physique régulière d’environ 3 heures hebdomadaires, d’intensité modérée, répartie sur 3 jours par semaine. Les activités les plus recommandées sont la marche, la natation, le vélo d’appartement ou l’aquagym.
Les vertus prouvées de l’activité physique d’intensité modérée pendant la grossesse sont : moins de diabète gestationnel (diminution du risque de 38 %), moins d’hypertension artérielle et de prééclampsie (réduction du risque de 40 %), moins de dépression (réduction du risque de 25 %), moins de lombalgies, moins d’incontinence urinaire pendant la grossesse et moins de risque de macrosomie.
Accouchement : limiter les lésions du périnée
Lors de l’accouchement, le nouveau-né va passer le périnée profond puis le périnée superficiel. Le risque périnéal est majeur à cet instant de l’expulsion. Heureusement, l’accouchement est encadré par une sage-femme ou un obstétricien, et il existe des recommandations permettant de limiter les lésions du périnée lorsque l’enfant naît.
. la présentation
À la naissance, la présentation doit être maintenue par une main extérieure. Il faut surveiller et veiller à ce que la peau du périnée reste intacte, à ce que la présentation de l’enfant soit en adéquation avec l’anatomie périnéale de la mère, et toujours avec le souci de limiter l’utilisation des forceps. Lorsque la peau du périnée souffre, il faut effectuer, avec l’accord de la mère, une épisiotomie qui doit être latérale.
Le premier accouchement est essentiel, il conditionnera les suivants. Dans la majorité des cas, tout se passe bien, le périnée reste intact. Parfois surviennent des déchirures périnéales qui peuvent être superficielles ou profondes et intéresser la peau, le tissu sous-cutané, les muscles du périnée superficiel et profond. Ces lésions peuvent être responsables de douleurs, d’incontinence urinaire (IU) ou anale, dans les suites immédiates ou à distance de l’accouchement. Peuvent survenir également des lésions neurologiques (du nerf pudendal, par exemple).
. l’épisiotomie
L’épisiotomie élargit le hiatus ou orifice vulvaire, et facilite la sortie du nouveau-né. Autrefois quasi systématique, elle est aujourd’hui plus restreinte et concerne environ 20 à 30 % des accouchements. Il était d’usage de penser que l’épisiotomie systématique lors du premier accouchement permettait d’éviter une déchirure périnéale superficielle et/ou profonde. Il n’en est rien : l’épisiotomie peut être associée à une lésion du sphincter anal ou à une désinsertion musculaire (avulsion). Qui plus est, les pertes de sang au cours d’une épisiotomie peuvent être équivalentes à celles d’une césarienne programmée et la cicatrisation aussi longue et douloureuse que celle d’une déchirure périnéale spontanée. La réalisation d’une épisiotomie systématique au premier accouchement est passée de mode et ne doit plus être réalisée. Malgré tout, il ne faut pas diaboliser l’épisiotomie, elle peut être salvatrice. Si l’accoucheur la propose – et il doit la proposer –, il est important de suivre son conseil au prix d’un délabrement périnéal lors de l’expulsion. La réparation de l’épisiotomie est essentielle et répond, elle aussi, à des standards chirurgicaux. Celle-ci peut être réalisée par une sage-femme, mais au moindre doute de lésion associée (déchirures périnéales, lésion du sphincter anal, lésion du rectum), la sage-femme devra appeler l’obstétricien de garde. Deux avis, dans ces circonstances, valent mieux qu’un...
. La césarienne
L’accouchement par césarienne exclut la lésion périnéale directe de l’accouchement par les voies naturelles. Malgré tout, le taux d’incontinence urinaire du post- partum après 3 césariennes est identique au taux d’IU du post- partum après accouchement par les voies naturelles, effet délétère de la grossesse sur un périnée mal préparé.
La technique de césarienne a changé, la durée opératoire est en moyenne de 30 minutes, le temps d’hospitalisation de 3 à 5 jours, mais la césarienne reste une intervention chirurgicale avec ses risques inhérents.
Il n’est pas question ici d’orienter vers l’une ou l’autre des voies d’accouchement et de mettre en difficulté mes collègues accoucheurs, ce d’autant que le débat reste en 2022 ouvert sur la protection périnéale de la césarienne. Donc, oui, la césarienne protège des déchirures périnéales, mais ne protège pas de troubles de la statique pelvipérinéale à distance de la grossesse et de l’accouchement.
Périnée féminin au quotidien
Le « capital périnée » est éprouvé par les grossesses et les accouchements, les mauvaises postures, certains sports, le surpoids ou l’obésité, la toux chronique, le port de charges lourdes, la constipation, etc. Face à ce quotidien délétère, allant de pair avec le vieillissement tissulaire naturel, le hamac périnéal finit parfois par céder. Et la solution tient en 2 principes de bon sens : réduire la pression périnéale et muscler le périnée.
Situation de surpoids ou d’obésité
Plus le poids est important, plus il exerce une pression sur le périnée. D’autre part, le surpoids ou l’obésité sont souvent associés à la présence d’un diabète, et donc plus d’infections urinaires. Les femmes dont l’IMC est supérieur à 30 ont un facteur de risque reconnu d’incontinence urinaire à l’effort (IUE) ou d’urgenturie, comparé aux femmes de poids normal. Une perte de 5 à 10 % du poids initial diminue la fréquence des fuites urinaires, mais ne les supprime pas. Pour la femme en situation d’obésité, le traitement de l’IU demeure dans un premier temps la réduction de son poids.
L’alcool peut être responsable de vessie irritable, ou d’hyperactivité de la vessie, en particulier les alcools blancs, le vin blanc et le champagne. Avec le vin blanc et le champagne, le nombre des mictions augmente avec en prime des difficultés à se retenir d’uriner.
Sport et périnée de la femme
Concernant le sport, il faut distinguer les disciplines à fort impact (gymnastique, athlétisme) de celles à impact faible (natation, cyclisme). Pour exemple, le poids appliqué au plancher pelvien est multiplié par 4 en course à pied, par 9 au lancer de javelot et par 16 au saut en longueur. Ainsi, la différence de fréquence de l’IU entre les sports à fort impact et ceux à faible impact est réelle : de 35,8 % à 4,3 %. Tous sports confondus, la fréquence de l’IU des sportives de haut niveau est de 36 %. Mais alors, quel traitement proposer aux athlètes ? Il n’existe aucun traitement médical, ni chirurgical, surtout pas chirurgical. Dans la majorité des cas, il faut donc les informer, et ce d’autant que le symptôme peut surprendre, inquiéter et nuire aux performances. En fait, la rééducation périnéale est le seul traitement pouvant être proposé à l’athlète.
Les sports recommandés pour le périnée se résument aux sports portés : natation, aquagym ou vélo. Les techniques de gymnastique comme le Pilate, la gymnastique hypopressive, la gymnastique de renforcement musculaire au sol, sans choc et sans mouvement brusque, sont bienveillantes pour le périnée féminin.
Les sports entraînant une hyperpression abdominale et de fait retentissant sur le plancher périnéal sont plutôt contre-indiqués : jogging, tennis, basket-ball, équitation, trampoline, activités cardio (step, Zumba, BodyCombat, etc.).
Rééducation périnéale
La rééducation périnéale peut être active ou passive. La rééducation est dite « active », car la femme contracte volontairement son périnée. Lors de cette rééducation active, le travail des muscles du périnée s’effectue avec un thérapeute, qui peut guider les contractions avec ses doigts ou avec une sonde enregistrant les contractions sur un écran (biofeedback). Lors de la rééducation passive, en revanche, la patiente est au repos, elle reçoit à l’aide d’une sonde vaginale une stimulation électrique indolore sur la sangle musculaire à rééduquer.
Existent 2 types de contraction musculaire : les contractions courtes (2 secondes) mobilisant les fibres rapides et les contractions longues mobilisant les fibres lentes (12 secondes). Les fibres rapides vont corriger les fuites urinaires à l’effort, les fibres lentes vont stabiliser les organes pelviens (vessie, rectum, utérus) mais peuvent aussi corriger les urgences mictionnelles, c’est-à- dire les envies fréquentes et irrépressibles d’uriner.
Rééducation active
• Le biofeedback périnéal consiste à enregistrer la contraction des muscles périnéaux à l’aide d’une sonde vaginale reliée à un écran. L’intensité des contractions est traduite sur l’écran par des courbes qui correspondent à la force appliquée sur la sonde vaginale. Cette technique de rééducation facilite la prise de conscience du périnée par des signaux visuels ou auditifs. Le biofeedback va donc permettre de visualiser et également de dissocier le périnée des muscles abdominaux, de travailler la tenue, la force et la vitesse des contractions, de différencier les contractions fortes et faibles, les courtes et les longues. Si cette méthode est privilégiée, la patiente est d’abord seule au cabinet du kiné ou de la sage- femme, puis chez elle où le thérapeute sera virtuel puisqu’il s’agit de l’écran de contrôle. Utilisables à domicile, les sondes de biofeedback peuvent être reliées au téléphone portable, et sont d’une grande flexibilité d’utilisation puisque disponibles à tout instant de la journée. Malheureusement, ces sondes (Perifit®, Emy®, Elvie®, URGO Mia®) ont un certain coût (120 euros en moyenne) et ne sont pas remboursées par la Sécurité sociale. Sur l’écran apparaissent des personnages animés qu’il faudra suivre par la simple force de la contraction périnéale (oiseaux, athlète, poisson). Différents programmes sont prédéfinis, pour lesquels la patiente peut effectuer des contractions longues, courtes, répétées ou espacées.
• Le cône vaginal est un dispositif introduit dans le vagin. Il provoque une contraction réflexe des muscles du périnée qui retiennent le cône pour éviter qu’il tombe lorsque la patiente se tient debout. Ces cônes de poids croissant (20 g, 40 g et 70 g) s’achètent en pharmacie ou sur Internet (Aquaflex, Vitacon). Ils peuvent être utilisés jusqu’à 20 minutes par jour. Leur efficacité dans le traitement de l’incontinence urinaire est réelle et permet d’obtenir des résultats similaires au travail manuel.
Rééducation passive
• La sonde d’électrostimulation. La stimulation du périnée est effectuée par une sonde placée dans le vagin de telle manière à ce que le matériel soit en contact direct avec les muscles du périnée superficiel et du périnée profond. Les électrodes délivrent une stimulation électrique indolore qui induit une contraction musculaire réflexe. La fréquence du courant délivré (mesurée en hertz) varie en fonction des symptômes de chaque femme (fuites urinaires, fuites anales, prolapsus). Dans tous les cas, l’électrostimulation est indiquée lorsque le muscle ne se contracte plus, soit parce qu’il n’est plus innervé, soit parce qu’il est détaché de l’os (avulsion) ou lorsqu’il existe une inversion de commande.
• Les chaises et les culottes électromagnétiques sont moins invasives que le doigt ou la sonde du rééducateur. Un courant électromagnétique est délivré à la femme en position assise, ou munie d’une culotte de cycliste. Le principe est toujours le même : le courant est d’une intensité constante, indolore, avec une fréquence élevée. La durée de la stimulation est de 20 à 30 minutes.
Troubles pelvi-périnéaux de la femme
Fuites urinaires à l’effort et urgences mictionnelles
Les fuites urinaires sont des pertes involontaires d’urine survenant dans 2 circonstances : lors d’efforts, ou bien du fait de l’impossibilité de se retenir. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une urgence mictionnelle pouvant être accompagnée ou non d’une fuite. Les premières fuites peuvent surprendre, elles peuvent être sources d’inquiétude ou d’un sentiment de honte. Que l’IU soit à l’effort ou par urgence, le traitement de première intention associe rééducation périnéale, éducation vésicale (consistant notamment à apprendre à uriner à heures fixes pour espacer les mictions), règles diététiques, traitement médical associant crèmes ou ovules à base d’œstrogènes, médicaments spécifiques et neuromodulation tibiale postérieure. Le traitement de première ligne guérit plus d’une femme sur deux.
Lorsqu’il s’agit d’une hyperactivité de vessie réfractaire aux traitements de première ligne, il est légitime de proposer d’autres traitements tel qu’un neuromodulateur présacré qui stimulera les racines S1-S2-S3, ou même l’injection intravésicale de toxine botulique.
Il n’existe rien de commun entre la toxine botulique produite par la bactérie Clostridium botulinum, autrefois à l’origine d’empoisonnements dans les conserves mal appertisées, et la substance purifiée à la base des préparations thérapeutiques ou cosmétiques. La neurotoxine agit comme un relaxant musculaire. L’effet est totalement réversible, d’où la nécessité d’y revenir tous les ans avec parfois la surprise qu’en cours de traitement les symptômes de vessie irritable disparaissent une fois pour toutes. Quant à la fuite urinaire à l’effort, son traitement de deuxième ligne est parfaitement assuré par la mise en place de bandelettes sous-urétrales qui ne sont pas interdites en France bien heureusement et dont le taux de succès après 20 ans de suivi est supérieur à 80 %. Il est maintenant possible de traiter les femmes incontinentes de manière efficace à long terme.
Prolapsus génital
Autre pathologie périnéale, le prolapsus génital est l’irruption de la vessie, de l’utérus ou du rectum dans le vagin. La femme ressent une boule, une pesanteur, un tampon vaginal en permanence, avant que la boule s’extériorise, la patiente la sente, puis la voie. Dans la population générale, 5 % des femmes vont souffrir de prolapsus génital. Pourquoi ? Quatre facteurs de risques sont communément décrits : l’âge, la grossesse, l’obésité et l’hystérectomie.
Les traitements de première ligne restent le pessaire et la rééducation périnéale. Le pessaire est un dispositif en silicone ou en latex, se présentant sous la forme d’un anneau ou d’un cube. Il est placé dans le vagin et permet de soutenir l’organe prolabé.
En seconde intention, il est légitime de proposer une prise en charge chirurgicale pour cure de prolapsus. Elle peut être réalisée par laparotomie, cœlioscopie ou par voie vaginale. Quand une hystérectomie est proposée, elle sera accompagnée de gestes de prévention par fixation des ligaments sur le fond vaginal afin de retrouver une statique pelvienne correcte.
EN CONCLUSION
Nous aurions aussi pu parler dans cet article de l’acquisition de la propreté de l’enfant, de la cosmétique vulvaire, de la transformation périnéale des sujets transidentitaires, de la douleur périnéale, des gestes mettant le périnée des patientes en danger, des malformations. Le sujet est extrêmement vaste et réduire le périnée à un muscle ou au périnée bien-être est un leurre. Il n’en reste pas moins vrai que le périnée féminin a longtemps été un sujet tabou, qu’il reste méconnu de la population générale. Il est pourtant d’une importance capitale au cours de la vie d’une femme, que ce soit au cours de la grossesse, de l’accouchement, de la vie sexuelle et de la ménopause. À chaque étape existent des solutions à des événements qui peuvent être invalidants et vécus comme de véritables humiliations.
Puissent la prochaine édition du salon de Gynécologie Obstétrique Pratique – du 15 au 17 mars 2023 – mais également celle du Choix des Armes, congrès organisé à Marseille par Bernard Blanc et Aubert Agostini – les 23 et 24 mars 2023 – ou celle du CNGOF, notre collège national, éclairer les zones d’ombre de la prise en charge des troubles du périnée de la femme.
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