Publié le 12 déc 2012Lecture 5 min
Comment traiter le prolapsus de la femme jeune ?
M. DEKER, Neuilly-sur-Seine
Le prolapsus concerne un faible pourcentage de femmes jeunes, en âge de procréer (< 10 %) et se manifeste essentiellement sous la forme d’un hystérocèle. La prise en charge doit tenir compte du retentissement fonctionnel et ne pas interférer avec la vie sexuelle et obstétricale de ces femmes.
En première ligne : rééducation et pessaire Le mécanisme de survenue d’une proportion importante des hystérocèles tient probablement à une altération des fascia et tissus vaginaux, davantage qu’à un traumatisme obstétrical. Le traitement devrait être le plus conservateur possible et faire appel à la kinésithérapie en premier lieu. En l’absence d’arguments convaincants, l’intérêt de la kinésithérapie a longtemps été sous-estimé. Toutefois, une étude récente sur de petits effectifs a montré une amélioration significative de la symptomatologie, en particulier dans les stades précoces et les formes modérées, alors que la kinésithérapie a peu d’effet dans les prolapsus très fortement extériorisés. La rééducation pelvienne pourrait donc retarder l’heure de la chirurgie chez des femmes jeunes ayant un désir de grossesse. L’utilisation de pessaires, habituellement proposés aux femmes âgées, n’a pas été évaluée chez les femmes jeunes. L’observance de ce traitement, qui varie de 50 à 75 % chez les femmes âgées, sera probablement meilleure chez les femmes jeunes. Les pessaires améliorent la symptomatologie et permettent de conserver une activité sexuelle (un retrait est néanmoins nécessaire avec les pessaires cubes). Ils sont peu efficaces sur l’étage postérieur, mais efficaces sur le col utérin, l’utérus et les cystocèles. Les difficultés que rencontrent les femmes âgées pour gérer ce traitement (retrait, nettoyage, etc.) et les complications (érosions, incarcérations, fistules vaginales) sont probablement moins fréquentes chez les femmes jeunes. Le frein principal à leur utilisation reste l’aspect psychologique de ce traitement. Une prise en charge initiale par rééducation et pessaire peut servir de test thérapeutique en permettant aux patientes de prendre conscience du bénéfice attendu de la chirurgie, en particulier chez les femmes algiques, qui ne sont pas toujours améliorées par la chirurgie. Cette solution provisoire peut être utilisée pendant quelques années, sans risque médical particulier, autorisant les patientes à avoir des rapports sexuels, mener une grossesse à terme et accoucher. En 2e ligne : une chirurgie provisoire Chez la femme jeune, la chirurgie doit conserver l’utérus et la possibilité pour la femme d’accoucher, éventuellement par voie basse, d’où un risque de récidive. Il ne s’agit donc pas d’une chirurgie définitive d’emblée, ce dont les patientes doivent être prévenues ; cette dernière ne pourra être envisagée qu’après qu’elles ont mené à bien leurs grossesses. Différentes techniques de suspension de l’apex vaginal existent, parmi lesquelles, l’intervention de Manchester et celle de Richardson. L’intervention de Manchester consiste en une résection du col utérin, suivie d’un croisement des ligaments utérosacrés suspendus à la face antérieure du col et souvent associée à une plicature vésicale. Cette intervention n’est pas adaptée au traitement des femmes ayant un désir de grossesse : la résection du col est parfois responsable de sténoses isthmiques, contraignant à faire une hystérotomie secondaire ; même en l’absence de sténose, la fertilité est altérée (fausses couches, prématurité). L’intervention de Richardson consiste en la dissection du ligament sacro-épineux dans la fosse pararectale, la mise en place de fils de suspension non résorbables et la suspension du col utérin soit directe soit par l’intermédiaire de petites bandelettes, en général unilatérales, vers les ligaments sacro-épineux. Cette intervention d’hystéropexie a un taux de récidives relativement faible. Son inconvénient est le développement de douleurs lombaires ou parfois pelviennes basses, en particulier lorsque la tension des fils de suspension est trop forte. Cette intervention est toutefois préférable chez des patientes jeunes, car elle permet la conservation de l’utérus, l’absence de cicatrice vaginale et de matériel prothétique. Des accouchements sont possibles par voie basse et les résultats peuvent perdurer après l’accouchement. Il faudra néanmoins souvent compléter la chirurgie après les accouchements. En cas de cystocèle associée, il faudra réaliser un geste chirurgical de colpopérinéorraphie antérieure, dont le taux de récidives est élevé (30-50 %). Ces interventions sans interposition de prothèses ont un taux de récidives plus élevé (37 % versus 11 % avec renfort prothétique). Chez les femmes jeunes, la promontofixation avec conservation utérine et utilisation de matériel prothétique (bandelette antérieure et postérieure) est souvent considérée comme l’intervention de choix (récidives < 10-15 %, taux de réinterventions < 6 % à 2-4 ans de suivi). Le risque de dyspareunie est moindre qu’après chirurgie conventionnelle par voie basse, mais cette intervention n’est pas envisageable chez une femme souhaitant une grossesse et un accouchement par voie basse. La chirurgie prothétique par voie basse est classiquement réservée aux femmes âgées ménopausées. Le taux de récidives est semblable à celui de la promontofixation, mais le risque de dyspareunie plus élevé. Conclusion Les indications de traitement chirurgical doivent tenir compte de l’âge de la femme et de son désir de grossesse. Chez une femme jeune, on préférera un traitement conservateur, dans un premier temps par rééducation et pessaire. Si la chirurgie est inévitable, une suspension type Richardson sans prothèse préserve les possibilités de grossesse. Au-delà de 35 ans, chez une femme sans désir de grossesse et ayant un prolapsus important, on peut discuter d’emblée d’une chirurgie avec renfort prothétique, type promontofixation. Dans l’état actuel des connaissances, la chirurgie prothétique par voie basse n’est pas indiquée chez la femme jeune.
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