Publié le 20 aoû 2012Lecture 7 min
Le THM est-il acceptable ou souhaitable après traitement d’un cancer gynécologique pelvien ?
C. JAMIN, Paris
La perte de la fonction ovarienne est quasiment la règle après traitement d’un cancer gynécologique pelvien du fait des traitements par chirurgie et/ou chimiothérapie et/ou radiothérapie. La ménopause qui en résulte se caractérise par sa brutalité. Outre l’importance de cette carence hormonale, il faut prendre en considération l’âge de survenue de cette ménopause, bien souvent chez des femmes n’ayant pas atteint l’âge de la ménopause naturelle, ce qui en majore les conséquences psychologiques. La ménopause est ici vécue comme une punition supplémentaire (double peine), se surajoutant aux difficultés liées à l’acceptation, au vécu du cancer et des traitements, ainsi qu’à la perte de fertilité. En outre, les problèmes sexuels sont accrus par les séquelles de la chirurgie ou de la radiothérapie. C’est dire que la question de la substitution hormonale est importante, d’autant plus que les cancers gynécologiques pelviens traités à un stade précoce ont une excellente survie.
L’ovariectomie, facteur de risque de morbi-mortalité L’ovariectomie, quelle qu’en soit la cause, s’accompagne d’une augmentation de la mortalité globale, de la mortalité coronarienne et du risque d’ostéoporose( 1). Le risque relatif (RR) d’événement coronarien est de 2,6 après castration chirurgicale ; il est de 4,55 chez les femmes âgées de moins de 50 ans comparativement aux femmes de plus de 50 ans ovariectomisées( 2). L’ovariectomie est délétère pour la survie, même si elle est pratiquée après la ménopause naturelle, y compris jusqu’à 70 ans. La morbi-mortalité associée à l’ovariectomie peut s’expliquer par l’insulinorésistance et l’hyperinsulinémie consécutives à la carence estrogénique. La réticence des médecins à prescrire une hormonothérapie substitutive est principalement liée à la peur de stimuler des cellules tumorales résiduelles hormonodépendantes. Certains, en particulier outre-Atlantique, craignent aussi d’augmenter le risque thromboembolique mis en évidence dans l’étude WHI avec les estroprogestatifs ou les estrogènes administrés par voie orale. Or, si la prescription d’un traitement substitutif est justifiée, acceptable et souhaitable, selon les indications, c’est le plus rapidement possible après l’ovariectomie qu’il faut le mettre en route car c’est à cette période que le syndrome climatérique est le plus intense. Cancer de l’endomètre Les trois quarts des cancers de l’endomètre intéressent des femmes ménopausées, 5 % avant l’âge de 40 ans, et la survie à 5 ans est de 85 %. L’ovariectomie est systématique et vise à prévenir la survenue de métastases ovariennes qui compliquent 5 % des cancers de l’endomètre. • Les cancers endométriaux de type I sont majoritairement estrogénodépendants, de bas grade et de bon pronostic. Ils sont favorisés par l’hyperestrogénie absolue (obésité) ou relative (traitement estrogénique sans progestatif). Les cancers de type II, moins différenciés et non hormonodépendants (ER-) sont de plus mauvais pronostic. L’effet promoteur des estrogènes seuls sur les tumeurs endométriales pose toutefois question. En effet, dans les études autopsiques chez des femmes décédées de toutes causes, le RR de cancer de l’endomètre infraclinique est identique à celui associé à la prise d’estrogènes. Les estrogènes pourraient donc n’être que des révélateurs d’un cancer sousjacent présent chez de très nombreuses femmes. Nous n’avons donc pas de preuve solide démontrant une augmentation du risque de cancer de l’endomètre conférée par les estrogènes seuls, comparativement au risque spontané infraclinique. Deux études prospectives et six études rétrospectives ont évalué le risque de récidive chez les femmes recevant une hormonothérapie substitutive après traitement d’un cancer de l’endomètre à un stade précoce. Aucune de ces études n’a montré d’augmentation des récidives ou de la mortalité, y compris lorsque l’hormonothérapie était débutée 6 mois après l’intervention ; certaines études suggèrent même une amélioration de la survie. Il n’y a, par ailleurs, pas de preuves que l’adjonction d’un progestatif associé soit bénéfique sur les récidives (aucune étude n’a évalué la progestérone). La seule étude randomisée versus placebo chez environ 1 200 patientes traitées pour un cancer de l’endomètre stades 1 et 2 a été interrompue avant son terme prévu, suite aux résultats de l’étude WHI ; toutefois, ses résultats intermédiaires ne montrent pas d’effet délétère des estrogènes (3). • Les sarcomes utérins, tumeurs rares, non hormonodépendantes, ne justifient pas systématiquement une ovariectomie. Dans les rares études ayant évalué l’effet des traitements hormonaux, il n’a été mis en évidence d’effet délétère que dans le sarcome stromal de bas grade, RE+ avec une augmentation des récidives. Cancer de l’ovaire Deux métaanalyses regroupant des études observationnelles ont analysé le risque de cancer de l’ovaire lié à la prise d’un traitement hormonal substitutif avec des résultats divergents : pas d’augmentation dans l’une, et une petite augmentation du risque dans l’autre (RR 1,3 à 10 ans). En l’absence de certitude, on ne peut conclure qu’à un doute sur un surrisque éventuel, mais de faible amplitude. Cinq études ont évalué l’effet des estrogènes après traitement d’un cancer de l’ovaire, sans montrer d’effet défavorable. Une étude randomisée versus placebo sur un petit effectif (n = 59) et de courte durée (2 ans), et une étude prospective (n = 649 ; 5 ans) n’ont montré aucun effet délétère. Chez les femmes ayant eu une ovariectomie prophylactique en raison d’une mutation BRCA1, le THM n’augmente pas le risque. Il n’existe donc aucun argument pour refuser un traitement hormonal à une femme ayant eu un cancer de l’ovaire. Cancer du col La majorité de ces tumeurs sont des cancers épithéliaux SCC (80 %), 15 % sont des adénocarcinomes et 5 % des formes mixtes. La conservation ovarienne est la règle dans les stades 1 – 2b. Toutefois, la radiothérapie est délétère pour l’ovaire, malgré la transposition ovarienne qui s’accompagne d’une ménopause dans 30 % des cas. En outre, les séquelles vaginales liées au traitement sont importantes. Aucune étude n’a mis en évidence un effet délétère de l’hormonothérapie locale ou générale après traitement d’un cancer du col. Le traitement hormonal substitutif est donc légitime, à l’exception des adénocarcinomes qui sont hormonodépendants. Un travail récent a montré une relation entre la prise d’estroprogestatifs à dose pharmacologique et le cancer du col utérin, en particulier chez les femmes ayant une infection à HPV, ce qui ferait des estrogènes à dose pharmacologique des cofacteurs des HPV dans la genèse des cancers du col, en particulier des adénocarcinomes. Le cancer du col reste donc le seul cancer dont l’augmentation puisse encore être attribuée à la pilule contraceptive, dans la mesure où les arguments en faveur de son effet sur le cancer du sein s’amenuisent. En revanche, les estrogènes à dose physiologique ne sont pas responsables d’une augmentation du risque de récidive. Cancer de la vulve et du vagin Ces cancers plus rares (5 % des cancers gynécologiques et 0,3 % pour les cancers de la vulve et du vagin, respectivement), sont le plus souvent des tumeurs épithéliales SCC. Il n’y a pas de contre-indication à une hormonothérapie substitutive ou à un traitement local, à l’exception des cancers postdiéthylstilbestrol. En conclusion Chez les femmes traitées pour un cancer gynécologique pelvien de bon pronostic, il paraît légitime de proposer un traitement hormonal substitutif, malgré le manque de preuves solides issues d’études contrôlées. C’est particulièrement le cas des cancers de l’endomètre de stade bas, des tumeurs SCC du col, de la vulve et du vagin, et de certains cancers de l’ovaire. Il n’en est pas de même des adénocarcinomes endométrioïdes, qui posent problème, en particulier dans les stades avancés.
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