Actualité
Publié le 13 oct 2021Lecture 8 min
Intérêt du carboxyméthyl bêta-glucane dans la prise en charge des lésions cervicales de bas grade
Les papillomavirus sont des virus très répandus et très contagieux qui favorisent la prolifération des cellules qu’ils infectent. La majorité des individus – au moins 80 % des femmes au cours de leur vie – rencontrent les HPV par simple contact, lors des rapports sexuels. La majorité des infections à HPV sont asymptomatiques et rapidement indétectables. Cependant, certaines persistent, le virus étant contrôlé par le système immunitaire, sans que l’on puisse distinguer entre les deux situations : clairance totale et latence des virus HPV. Une piste thérapeutique prometteuse consiste à renforcer les défenses immunitaires locales au moyen d’un traitement topique afin de favoriser la clairance virale, de promouvoir la cicatrisation des lésions de bas grade et d’éviter la progression des lésions dysplasiques.
La majorité des infections à HPV sont transitoires, près de 90 % des sujets infectés éliminent le virus (1). La persistance du virus dépend du génotype viral, de l’intégrité des muqueuses génitales, des capacités du système immunitaire et de l’équilibre du microbiote vaginal. La défaillance de la réponse immunitaire innée se traduit par la persistance du virus et le développement de l’infection avec un risque d’évolution vers des lésions dysplasiques de bas grade, susceptibles d’évoluer vers une dysplasie plus sévère. Parmi les lésions précancéreuses, les CIN1 régressent spontanément dans 60 % des cas, les CIN2 dans 40 % des cas et les CIN3 dans les 30 % des cas (1).
Selon les nouvelles recommandations de la HAS en cas de test HPV+ et cytologie anormale (ex. : ASC-US ou LSIL), une colposcopie doit être réalisée afin de diagnostiquer la présence de lésions au niveau du col et, le cas échéant, procéder à une biopsie. La prise en charge des lésions de bas grade est initialement de surveiller et attendre la régression naturelle, néanmoins elle peut nécessiter la réalisation d’un geste d’exérèse si celle-ci persiste au-delà de 2 ans. Les traitements chirurgicaux sont notamment grevés par diverses complications ; la conisation peut être responsable d’accouchements avant terme et donc d’une augmentation de la morbimortalité néonatale.
Certains traitements biologiques topiques sont capables de retarder la croissance tumorale et de simuler la réponse immunitaire antivirale, permettant une régression des lésions CIN (A.B. Mutombo et coll.).
Bêta-glucanes : une longue histoire
Les bêta-glucanes forment une famille de polymères de bêta-glucose, relativement hétérogènes, car ils diffèrent par leurs structures primaire, secondaire ou tertiaire ou leur solubilité. Ces molécules exercent néanmoins des réactions immunologiques proches. Elles appartiennent au groupe des modificateurs de la réponse biologique, comme certains agents pathogènes tel que le bacille de Calmete et Guérin, et elles agissent en potentialisant la réponse immunitaire. L’exploitation des effets thérapeutiques de certaines maladies infectieuses dans la lutte contre les processus malins remonte au milieu du XIXe siècle. L’histoire des polysaccharides uitlisés comme immunomodulateurs a débuté dans les années 1940. Parmi ces derniers, les bêta-glucanes ont été identifiés et leurs propriétés étudiées dans les années 1960 et 1970. Ainsi, il a été montré que le zymosan, un mélange de polysaccharides isolés des parois cellulaires de Saccharomyces cerevisiae, induit la libération par les neutrophiles de plusieurs cytokines, principalement l’interleukine 8 ; l’analyse détaillée du zymosan a déterminé que le bêta-glucane est responsable de cet effet. Au Japon, la recherche s’est orientée vers l’étude des propriétés biologiques de différents champignons médicinaux ; les bêta-glucanes ont été identifiés comme principalement responsables de l’action immunomodulatrice de leur effet antiprolifératif dans les processus malins.
Les bêta-glucanes peuvent être isolés à partir de plusieurs sources, principalement les parois cellulaires de S. cerevisiae mais aussi des algues, des bactéries et des céréales. Leur structure est néanmoins très différente en fonction de leur origine, de même que leurs propriétés physico-chimiques qui conditionnent leur activité biologique et leur intérêt en santé. Les bêta-glucanes sont utilisés comme immunothérapie des cancers depuis 1980, principalement au Japon. Une autre activité démontrée des bêta-glucanes depuis le milieu des années 1980 est leur capacité à stimuler l’hématopoïèse à l’instar des GM-CSF. En plus de leur activité en cancérologie, les bêta-glucanes exercent un effet protecteur à l’égard des infections bactériennes et à protozoaires, et ils potentialisent l’efficacité des anibiotiques. Les bêta-glucanes fongiques sont aussi capables d’absorber les myco-toxines.
L'activité biologique des bêta-glucanes dépend de leurs caractérisiques physico-chimiques, telles que la solubilité, la structure et le poids moléculaire. Ainsi, la carboxyméthylation qui consiste à remplacer les groupes hydroxyles par des groupes carboxyles sur le polysaccharide induit une modification structurelle qui augmente la solubilité de la molécule et diminue sa viscosité, mais elle n’altère pas ses propriétés immunomodulatrices (Novak, 2008).
Un effet immunomodulateur
Pour expliquer l’effet immunomodulateur des bêta-glucanes, l’hypothèse avancée est que ces molécules simulent la phagocytose et la prolifération des cellules immunocompétentes, première ligne de défense de l’hôte contre les agents infectieux et les processus cancéreux, via leur liaison aux récepteurs cellulaires, spécifiques des macrophages, les récepteurs de l'immunité innée (PPR) tels que TLR-2, dectine-1 et CR3 (Volman, 2008). De nombreuses études in vitro et in vivo réalisées chez l’animal et chez l’homme viennent appuyer le mécanisme d’action des bêta-glucanes fongiques. Leurs effets démontrés sur le processus de cicatrisation tissulaire illustrent bien le bénéfice de cette approche thérapeutique immunomodulatrice (figure) (Majtan, 2018).
Intérêt des bêta-glucanes dans la prise en charge des CIN de bas grade
Une des pistes thérapeutiques explorées dans la prise en charge des néoplasies cervicales intraépithéliales consiste à renforcer l’immunité innée afin de favoriser la clairance des HPV. L’un des traitements les plus prometteurs à cet égard est l’utilisation de bêta-glucanes.
P. Stentella et coll. ont réalisé une étude multicentrique rétrospective cas-contrôle en incluant toutes les patientes prises en charge dans les services de colposcopie de quatre hôpitaux à Rome (Italie) de mai 2011 à mai 2013. Les patientes traitées par un gel vaginal en spray de carboxyméthyl bêta-glucane (appliqué 1 fois par jour par voie vaginale, 20 jours par mois, pendant 2 mois) ont été comparées aux patientes n’ayant pas reçu cete prescription. Toutes les femmes avaient bénéficié d’une biopsie sous contrôle colposcopique, éventuellement suivie d’un traitement et d’un suivi par cytologie et colposcopie tous les 6 mois pendant deux ans.
Les patientes ont été réparties en quatre groupes selon la cytologie, l’histologie et les résultats de la colposcopie :
groupe 1 : ASC-US (cellules malpighiennes atypiques de significations indéterminées) ou LSIL (lésion malpighienne intraépithéliale de bas grade) et absence d’anomalie colposcopique ;
groupe 2 : ASCUS/LSIL, colposcopie positive, CIN1, suivi ;
groupe 3 : ASCUS/LSIL, colposcopie positive, diagnosic histologique de CIN1, traitement par ablation ;
groupe 4 : HSIL ou LSIL avec colposcopie positive et diagnostic histologique de CIN2+, traitement par électrocoagulation à l’anse diathermique.
Au total, 999 paientes (âge moyen 32 à 41 ans) ont été incluses dans l’étude. À 6 et 12 mois, on a observé un taux de régression plus élevé des anomalies cytologiques et/ou colposcopiques dans les groupes 1 et 2 chez les patientes traitées par le gel vaginal en spray de carboxyméthyl bêta-glucane comparativement au groupe contrôle : 96,8 % et 95,7 % versus 78 % et 71 % respectivement (p = 0,0204) à 6mois; 98 % et 95,7 % versus 71 % et 79 %à 12 mois. Chez les patientes diagnostiquées CIN1 (groupe 2), 95,70 % des lésions ont régressé à six mois dans le groupe traité comparativement à 71 % dans le groupe contrôle à 12 mois, l’écart restait significatif : 95,7 % de régression dans le groupe traité versus 79 % dans le groupe contrôle. La récidive de CIN1 après traitement ablatif dans le groupe 3 était de 8-10 % à six mois et de 4-5 % à douze mois dans les groupes traités et contrôles, sans différence significative entre les deux groupes, des résultats qui sont cohérents avec ceux de la littérature. Dans le groupe 4, après électrocoagulation, aucune patiente traitée et 2/98 patientes du groupe témoin ont présenté une récidive à six mois, 3-4 % dans les deux groupes à douze mois, sans différence significative. Aucun effet indésirable n’a été observé.
Les bêta-glucanes, non seulement renforcent les défenses immunitaires locales mais exercent aussi des effets bénéfiques sur l’équilibre du milieu vaginal et, en cela, favorisent la résolution des lésions induites par l’infection HPV. La persistance virale est en effet corrélée avec le déséquilibre du microbiote vaginal, qui lui-même module les défenses immunitaires locales.
Une étude réalisée par G. Lavitola et coll. a évalué les effets du carboxyméthyl bêta-glucane sur l’épithélialisation cervicale et le microbiote vaginal chez 725 patientes présentant une infection HPV ou un CIN1, dans le cadre d’une étude rétrospective monocentrique comparant un groupe traité par le même gel vaginal en spray à base de carboxyméthyl bêta-glucane 1 fois par jour, 20 jours par mois, pendant trois mois à un groupe témoin non traité.
Il a été observé chez les patientes du groupe traité une amélioration significative du profil de l’ectopie et un plus grand nombre de cas de métaplasie en phase de maturation avec une augmentation significative de la prise de lugol. De même, une amélioration significative du pH, davantage de négativité des Whiff tests (tests à la potasse/odeur à poisson) et une résolution de la leucorrhée ont été notés dans ce groupe. Une réduction des résultats positifs du Pap test et du test HPV, de 37,1 % et 39,9 % respectivement, a été observée chez les patientes traitées, comparativement à -15,2 % et -16,5 % dans le groupe témoin à six mois. Ces résultats se sont accompagnés d’une amélioration des résultats colposcopiques et histologiques favorables.
L’ensemble de ces résultats confirment le bénéfice du gel vaginal en spray à base de carboxyméthyl bêta-glucane sur la santé vaginale, laquelle favorise la résolution des lésions HPV induites.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :