Publié le 12 oct 2021Lecture 4 min
Hémorragies du post-partum : peuvent-elles être dues à une dégradation de l’ocytocine utilisée ?
Daniel ROTTEN, Paris
Les publications des Français dans les revues internationales
Parpex G et al. Postpartum hemorrhage : could oxytocin be the cause? Results from a morbidity and mortality review to enhance quality, safety, and relevance of care. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2021 ; 258 : 299-303.
Juillet 2018, troisième semaine d’un été caniculaire. Au cours du traditionnel « staff » quotidien consacré à l’analyse de l’activité de la salle de travail dès les 24 heures qui précèdent, l’équipe obstétricale de la maternité René-Dubos à Pontoise constate une forte augmentation de l’incidence des hémorragies du post- partum (HPP). Une première enquête élimine les causes structurelles éventuelles : absence de changement dans la constitution de l’équipe ou dans le nombre d’intervenants présents, pas de changement récent des protocoles utilisés, pas d’équipement nouveau, pas de recours à de nouveaux fournisseurs d’agents pharmacologiques. Les facteurs médicaux classiques de survenue des HPP ne sont pas plus élevés chez les patientes qu’il n’est habituel. Et pendant le travail, les protocoles de prévention ont été correctement appliqués. Thèse : en cet été affecté d’une vague de chaleur, peut-il s’agir d’une altération de l’ocytocine utilisée ? Il s’agit en effet d’une molécule thermolabile qui doit être conservée entre 2 °C et 8 °C. À titre conservatoire, tout le lot d’ocytocine en stock est écarté, et remplacé par un nouveau lot. La situation se normalise presque immédiatement. L’épisode fait par la suite l’objet d’une analyse de morbidité-mortalité.
• Méthodologie de l’analyse
Le laboratoire pharmaceutique qui fournit l’ocytocine à l’hôpital réalise un audit de la chaîne logistique d’approvisionnement, depuis le lieu de production en Grèce, en passant par le transport, le stockage extra- puis intra-hospitalier, et enfin la distribution. Aucune rupture de la chaîne du froid n’est repérée. Parallèlement, une étude cas-témoins rétrospective portant sur trois périodes de 8 jours est réalisée. Dans le groupe 1 sont incluses les patientes ayant accouché pendant les 8 jours à incidence élevée d’HPP de juillet 2018 (patientes « exposées », n = 111). Le groupe 2 comporte les patientes qui ont accouché pendant les 8 jours qui ont suivi cette première période à incidence élevée (patientes « non exposées », n = 92). Enfin, les patientes ayant accouché pendant une durée de 8 jours à la même date calendaire que le groupe 1, mais un an auparavant, forment un groupe de référence (n = 119).
• Résultats
La perte sanguine moyenne des patientes du groupe « patientes exposées » est de 890 ml (intervalle de confiance à 95 % : 318 ml). Au cours de la deuxième période, on observe une baisse rapide et significative du nombre d’HPP observées. Il passe de 20,7 % à 7,6 % (tableau). Il était de 5,8 % pendant la période de référence 1 an auparavant. Une vingtaine de caractéristiques démographiques pertinentes pour le risque d’HPP sont analysées, parmi lesquelles on peut citer la parité, le terme, le nombre d’utérus cicatriciels, de jumeaux, de maturations, de déclenchements du travail, de direction du travail avec utilisation d’ocytocine, durée du travail et de la phase d’expulsion, délivrances dirigées, etc. Les taux ne diffèrent pas entre patientes des groupes « exposées » et « non exposées ». Également, aucun de ces paramètres n’est associé à la survenue d’une HPP, en dehors d’un seul, un antécédent d’HPP. Une nouvelle HPP est survenue chez 13,3 % des femmes ayant un antécédent d’HPP contre 0,6 % chez celles qui n’en avaient pas eu auparavant (p < 0,01).
• La faute à l’ocytocine ?
L’hypothèse que l’inflation d’HPP pendant une période critique de 8 jours en juillet 2028 soit due à une altération de l’ocytocine par la chaleur semble confirmée. Le lot ne peut être incriminé en tant que tel, mais on ne peut écarter une attention insuffisante lors de la manipulation des ampoules d’ocytocine une fois qu’elles sont sorties du réfrigérateur où elles sont normalement conservées. La preuve directe de la perte d’efficacité biologique de la molécule n’est pas apportée.
La méthodologie de l’étude implique plusieurs biais possibles. Le premier est le choix des bornes de l’intervalle d’étude, qui privilégie un intervalle à haute incidence. Deuxième biais possible, l’amélioration des résultats peut être attribuée non au changement de lot d’ocytocine, mais au fait que les participants savent qu’ils sont une période d’observation et travaillent différemment (ce biais est parfois appelé effet Hauthorne).
• Conclusion
Cette étude souligne l'intérêt du monitorage des effets adverses pour repérer rapidement les déviations et l’intérêt d’organiser des revues de morbidité-mortalité pour les analyser et les corriger.
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