Contraception
Publié le 07 jan 2019Lecture 9 min
Quand, où et comment parler de contraception pendant la grossesse ?
Nathalie TRIGNOL-VIGUIER, Centre d'orthogénie, CHU de Tours
Le retour à la fertilité après l’accouchement expose les femmes à une nouvelle grossesse, dont la prévention passe par une contraception adaptée à la vie sexuelle, aux attentes de la femme et/ou du couple. Le rôle des professionnels de santé qui gravitent autour de la femme pendant sa grossesse est essentiel pour l’accompagnement à ce choix : au cours des consultations prénatales, dans les temps de préparation à la naissance, en post-partum immédiat, seule ou en couple, sans occulter les aspects particuliers de la sexualité de cette période de vie, en étant exhaustif mais vigilant aux contre-indications liées au post-partum et aux pathologies sous-jacentes.
Grossesse et post-partum sont des moments particuliers dans la vie sexuelle des femmes, des hommes, des couples. La femme devenue mère, ou mère une nouvelle fois, avec un statut différent du précédent et un nouvel arrivant dans le couple parental connait des modifications physiques, psychiques, émotionnelles, sociales, professionnelles, conjugales, familiales…
La sexualité dans laquelle s’est inscrite cette grossesse va connaître des évolutions en cascade.
Les professionnels de santé qui gravitent autour des femmes à cette période de leur vie ont un rôle technique dans l’accompagnement de la naissance mais aussi, tout au long de la grossesse et du post-partum, un rôle de counseling dans la préparation à la parentalité.
La contraception y tient une place prépondérante, puisque la connaissance ou la compréhension des circonstances qui ont mené à cette grossesse sera un des points stratégiques du counseling à la contraception du post-partum. Aborder la contraception sans aborder la sexualité serait nier l’intrication entre ces deux entités, occulter la part du pulsionnel de la sexualité, la place des idées reçues et les aléas de la fertilité.
La meilleure contraception du post-partum sera celle que la femme et/ou le couple aura choisie après avoir éliminé les contre-indications médicales et, comme toujours en contraception, devra être réévaluée au cours de la vie sexuelle en fonction de l’évolution des besoins, des attentes et des contre-indications.
Quand peut-on ou doit-on parler de contraception pendant la grossesse ?
Chercher à répondre à cete question signifie que l’on s’interroge sur la pertinence d’aborder la contraception pendant la grossesse, seul moment de la vie des femmes où celle-ci n’a justement pas de place ! Alors que la sexualité occupe une place particulière pendant la grossesse, permettre aux femmes de s’exprimer sur leur vécu, leurs craintes et celles de leur(s) partenaire(s), les modifications anatomiques et physiologiques qu’elles vivent, peut être une transition pour rappeler que la sexualité future exposera à nouveau à une grossesse.
Les circonstances qui ont mené à cette grossesse sont sûrement le point de départ de cette question et peuvent être interrogées dès la première rencontre. Celles-ci sont multiples et permettront dans un deuxième temps de faire le lien avec la contraception du post-partum :
– la grossesse a fait suite à une période d’arrêt contraceptif, plus ou moins long, le projet de grossesse ayant été pensé, verbalisé et choisi par la femme seule ou en concertation de couple ;
– la grossesse s’est « invitée » sans qu’aucun projet n’ait pu être imaginé, exprimé, partagé : par absence de contraceptif ? par échec de contraception, aucune n’étant efficace à 100 %, y compris les contraceptifs indépendants de l’observance ? par mésusage de contraception ? par défaut d’information sur la physiologie du corps humain ? dans les suites d’un rapport non consenti ?
– la grossesse est l’aboutissement d’un parcours de procréation médicalement assistée, hantée par le spectre de l’hypoferilité ou dans un couple homosexuel ou chez une femme seule en dehors de nos frontières.
Chacune de ces circonstances entretient un lien différent avec la contraception, avec sa fiabilité, son efficacité et son intérêt. Ainsi, la connaissance de la contraception précédente ou de son absence permettra d’aborder avec la femme et/ou le couple la part de confiance, défiance, intérêt, expérience qu’elle (ils) lui acccorde(nt).
Chaque consultation du suivi de grossesse est l’occasion d’aborder la contraception future et peut être propice ou non, selon les femmes, selon le déroulement de la grossesse et la qualité de la relation affective et sexuelle du moment. Les grossesses pathologiques, les aléas affectifs du couple, la précarité sociale, la faible adhésion au suivi de grossesse sont autant de situations différentes qui ne permettront pas les mêmes opportunités à aborder ce sujet. Quelle que soit la période au cours de laquelle la contraception sera abordée, une réévaluation sera nécessaire puisque des contre-indications médicales, des évolutions conjugales ou des changements de choix devront être pris en considération.
Où parler de contraception ?
Cette question interroge à nouveau les condiions les plus favorables pour parler de contraception, conditions qui vont à nouveau être plurifactorielles et variables en fonction de chaque femme et/ou couple. La contraception renvoie à la sexualité et donc à l’intimité. Ainsi, on peut s’interroger sur la pertinence d’en parler dans le colloque singulier de la consultation, avec la femme seule ou avec le couple, lors de la préparation à la naissance et à la parentalité, en couple ou en séance collective.
Chacun de ces temps peut satisfaire aux attentes et aux besoins : impliquer le partenaire, s’il y est attentif et si la femme lui laisse cete place, permet d’élargir les propositions contraceptives tant féminines que masculines, d’aborder la physiologie du corps et de la reproduction avec le moment du retour à la fertilité, la physiologie de la sexualité de la grossesse et du post-partum. Aborder la contraception en groupe avec une place à l’information ainsi qu’une place aux questions et à l’échange permet à chaque femme/couple de bénéficier des interrogations et des réflexions qui nourriront le choix. Une prescription anticipée permet, si la femme le souhaite, notamment pour l’implant voire le DIU, une pose en suites de couches, mais surtout permet une prise en charge à 100 %, prise en charge qui permettra un accès plus sûr aux femmes sans couverture sociale ou mutuelle.
Comment parler de contraception ?
La multiplicité des contraceptions peut rendre leur présentation fastidieuse et longue et doit pourtant être exhaustive et neutre pour respecter au maximum le choix. Il existe différents moyens, tant à l’oral qu’avec un support écrit et à parir d’échantillons qui permettent de manipuler, s’approprier, dédramaiser, comprendre le fonctionnement et l’utilisation des contraceptifs.
On peut partir des connaissances de la femme/du couple pour faire émerger d’éventuelles fausses croyances, méconnaissances ou idées reçues. Puis la présentation peut se faire en fonction de :
– la galénique : comprimés, patchs, anneau, implant, injection intramusculaire, dispositif intra-utérin, clips tubaires ;
– la classe thérapeuique : estroprogestatifs, progestatifs, mécanique ;
– l’observance : efficacité dépendante de la prise : comprimé, patch, anneau ; efficacité indépendante de la femme : implant, dispositif intra-utérin ;
– le coût : remboursée ou gratuite, non remboursée, intervention de la mutuelle, place des génériques ;
– la culture ou la religion : aménorrhée inacceptable pour certaines patientes ;
– les possibilités de compréhension de la patiente, les obstacles de langue, un éventuel retard mental, etc. ;
– la réversibilité : contraception réversible, contraception définitive. Pour que la contraception choisie soit la plus efficace possible, il faut, en plus de l’observance, une persistance et une information sur le moment à parir duquel elle sera débutée puis efficace.
Des conseils sur la contraception d’urgence et les relais contraceptifs permettront d’en augmenter l’efficacité théorique. L’évaluation de la persistance pourra se faire à l’occasion de la consultation post-natale puis lors du suivi gynécologique ultérieur.
Des cas particuliers conduiront les femmes à ne pas souhaiter recourir à une contraception en post-partum :
– femmes ou couples homosexuels dont la grossesse est issue d’une PMA ou d’une fécondation « artisanale » ;
– femmes seules dont la grossesse est issue d’un rapport non consenti, ou poursuivie après une séparation ;
– femmes ayant un autre projet de grossesse à court terme ;
– femmes hétérosexuelles dont la grossesse est issue de la PMA : une atention particulière est à porter à ces femmes pour leur expliquer l’existence d’un risque de grossesse spontanée, si faible soit-il, et donc la nécessité d’une contraception en cas de non-désir d’une nouvelle grossesse.
Enfin, un nombre croissant de femmes exprime le souhait de recourir à une contraception dite « naturelle ». Cette proportion de femmes tend à s’accroître et une connaissance par les professionnels de ces méthodes est nécessaire pour accompagner ce choix. Ces contraceptions dites « naturelles » sont plus efficaces qu’une absence de contraception et la capacité des professionnels à en parler dans le respect des convictions de la femme ou du couple permet de dispenser des informations éclairées sur les limites de leur efficacité mais aussi sur la façon la plus opportune de les uiliser pour en optimiser l’efficacité. Une méthode dite « naturelle » bien observée sera plus efficace qu’une contraception médicale, dont l’indice de Pearl théorique sera supérieur, si celle-ci ne recueille pas l’adhésion nécessaire (tableau 1). Un bémol quant à la période du post-partum : toutes les méthodes basées sur l’observation du cycle et les calculs sont inutilisables, a fortiori chez la femme allaitante, compte tenu de la reprise aléatoire des premières ovulations. Une place particulière est à donner à la contraception d’urgence dans ce cas : en effet, une prescription anticipée de lévonorgestrel, d’acétate d’ulipristal ou d’un DIU au cuivre peut permettre, en cas de prise de conscience d’un risque de grossesse, d’en éviter la survenue. Les données du Centre de référence des agents tératogènes (CRAT) sont rassurantes quant à la capacité à utiliser les contraceptions d’urgence hormonales en cas d’allaitement maternel avec un passage dans le lait maternel < 4 %.
Quand commencer une contraception en post-partum ?
Nous ne parlerons que du post-partum physiologique après un accouchement par voie basse ou par césarienne non compliquée, chaque pathologie ayant ses spécificités en ma ière de contraception. Nous différencierons la femme allaitante et la femme non allaitante (tableau 2).
Les contre-indications liées à une pathologie s’ajoutent aux contre-indications liées au post-partum ou à l’allaitement maternel. Des contre-indications transitoires s’appliquent en cas d’éclampsie, diabète gestationnel et cholestase gravidique après élimination de facteurs de risque résiduels (normalisation de la pression artérielle, des glycémies, du bilan hépatique).
La reprise des rapports sexuels se situe entre la 6e et la 8e semaine selon l’OMS et selon l’ANAES telle que précisé dans la figure.
Figure. Reprise des rapports sexuels après l'accouchement (source : ANAES 2012).
Les 42 premiers jours du postpartum correspondent à une période où le risque thromboembolique est élevé et la première ovulation ne survient pas avant le 21e jour : ainsi, la contraception semble inutile dans les 21 premiers jours.
Toutefois, si la 1re ovulation survient à J 21, le démarrage de la pilule à cette date ne la bloquera pas : un intervalle de 7 jours est à respecter entre le début de la prise de pilule et le blocage ovarien. De même, tout rapport non ou mal protégé dans les 5 à 7 jours précédant J21 peut exposer à une grossesse compte tenu de la durée de vie des spermatozoïdes. Il serait donc prudent de recommander l’usage des préservatifs dès J15 en attendant l’efficacité de la contraception hormonale, ou commencer une contraception microprogestative orale ou sous-cutanée dès la sortie de la maternité (pas de contre-indication formelle, usage possible selon les recommandations de l’OMS).
Ne pas oublier que la grossesse expose plus au risque thromboembolique que la pilule, y compris estroprogestative : le risque relatif est multiplié par 2 à 3 avec les estroprogestatifs et par 4 à 6 avec la grossesse !
Les contraceptions de longue durée ont un indice de Pearl nettement plus faible que les contraceptions dont l’efficacité est dépendante de l’observance. La période du post-partum est propice à une observance aléatoire compte tenu de la plus faible implication des femmes dans la sexualité au profit d’un surinvestissement du rôle de mère.
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