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Cancérologie

Publié le 02 oct 2018Lecture 8 min

Revue des signatures génomiques : éléments de choix dans la décision des traitements

E. WAFO CH. de Marne-la-Vallée, Jossigny

À l’heure de la désescalade médicale, le rôle du médecin est de bien adapter les traitements aux spécificités des patients. Cette réflexion est d’autant plus vraie en cancérologie pour les indications de chimiothérapie dans les cancers du sein. Alors que nous assistons à des diagnostics de cancers du sein plus précoces, bien qu’en augmentation, nous avons depuis peu un accès difficile en France à des tests génomiques, complémentaires le cas échéant des facteurs histo-pronostiques pour déterminer le degré d’agressivité de la tumeur pour une patiente donnée. Le choix et l’utilisation de ces différents tests n’est malheureusement pas encore unanime en France contrairement aux États-Unis ou à d’autres pays d’Europe, alors qu’il est prouvé que nous pourrions éviter plus de 10 000 chimiothérapies aux patientes et limiter la morbi-mortalité. Nous ferons dans cet article une revue des différents tests génomiques actuels existants et verrons comment pouvoir les exploiter en pratique.

Nous assistons en France a une augmentation constante du cancer du sein avec 54 000 nouveaux cas en 2015 et 12 000 décès (source INCA) mais décelés à un stade plus précoce grâce à un dépistage organisé performant, notamment numérique. Les patientes s’investissent plus dans leur prise en charge et sont demandeuses d’informations claires et objectives. Notre devoir en tant que médecins, est de peser la balance bénéfice / risque entre des traitements les moins délétères possible mais efficients et adaptés à la patiente. Longtemps, la chimiothérapie a semblé correspondre au traitement incontournable des cancers du sein d’« aspect histologique » proliférant, mais ce traitement n’est pas dénué de risques et peut être pourvoyeur de décès. Aujourd’hui, grâce à une meilleure écoute des patientes, nous apprenons, à force de médiatisation et de polémiques, à être plus vigilants dans nos indications afin de traiter sans nuire. Facteurs pronostiques usuels Les facteurs pronostiques pour l’aide à la décision pour une chimiothérapie sont fondés sur la taille de la tumeur, l’atteinte ganglionnaire, le grade histo-pronostique, les emboles vasculaires, les récepteurs hormonaux, la surexpression d’HER2, le Ki67 et l’âge de la patiente. Ces critères clinico-pathologiques n’étaient pas toujours concordants et nécessitaient un autre outil pour cibler au mieux les tumeurs qui bénéficieraient réellement d’une chimiothérapie. L’introduction des tests génomiques La recherche en cancérologie a beaucoup progressé avec la classification moléculaire et l’étude des gènes de la tumeur qui a permis le développement des tests génomiques et facilité l’aide à la décision pour une chimiothérapie. Quatre tests génomiques sont utilisés à ce jour avec des validations cliniques différentes en termes de populations étudiées et de modalités d’études. • Oncotype Dx® (Genomic Health) et Mammaprint (Agencia) sont les tests de première génération. • Prosigna® (NanoString) et Endopredict® (Myriad) sont des tests de deuxième génération. Ces tests sont classés selon : – des facteurs pronostiques, donc d’absence de récidives à 5 ou 10 ans sous hormonothérapie ; – des facteurs prédictifs de bonne réponse au traitement de chimiothérapie ou de thérapie ciblée pour HER2. Les réponses attendues à l’utilisation de ces tests sont : – la validation, – la rigueur, – la correspondance entre les tests,  – la reproductibilité entre les différents tests délocalisés, – le panel de gènes utilisés : cycle cellulaire, invasion, angiogenèse et métastase, – la correspondance avec la classification moléculaire de la tumeur. Validation clinique des tests génomiques Oncotype Dx® La technique d’amplification des gènes de Oncotype Dx® est réalisée par qRT-PCR et est centralisée. Elle se base sur 21 gènes pour lesquels les valeurs respectives des gènes de prolifération (angiogenèse et invasion), de cycle cellulaire et de métastase (figure 1). La première étude prospective qui a permis la validation clinique du test Oncotype Dx® a été réalisée sur des échantillons du NSABP B-14. Les résultats obtenus ont été confirmés par d’autres études. Les patientes incluses dans ces études présentaient un statut pré- et post-ménopausique ; leur tumeur exprimait des récepteurs hormonaux positifs, un HER2 non surexprimé ; les patientes étaient initialement sans atteinte ganglionnaire. Afin d’élargir le test aux atteintes ganglionnaires, l’étude RxPonder en cours intègre l’atteinte d’au moins 3 ganglions envahis. Le recurrence score (RS) comprend 3 catégories de risque : élevé, intermédiaire et faible. La récente étude TAILORx permet de trancher sur la phase intermédiaire pour laquelle les résultats définitifs placeraient les bas risques à partir de 25 au lieu de 18 (figure 2). Figure 2. Résultats du RS d’Oncotype Dx. Un RS faible correspond à un faible risque de récidive, une sensibilité à l’hormonothérapie et un bénéfice minime voire nul de la chimiothérapie. Un RS élevé correspond à un risque de récidive plus élevé, une moindre sensibilité à l’hormonothérapie et un bénéfice plus important de la chimiothérapie (figure 3). Figure 3. Courbe Kaplan-Meier de survie sans récidive à 5 ou 10 ans pour Mammaprint. Mammaprint Le test Mammaprint se fonde sur 70 gènes par une technique de micro-array ADN réalisée, contrairement aux autres tests, en tissus frais. L’analyse est centralisée. L’étude principale et prospective de validation est MINDACT. Les patientes incluses étaient pré- et post-ménopausées, présentant de 0 à 3 atteintes ganglionnaires quels que soient les récepteurs hormonaux et l’expression d’HER2. Un risque génomique par Mammaprint et un risque clinique calculé sur la base d’Adjuvant ! On line ont permis de classer les patientes en bas ou haut risque de récidive. L’étude a permis de valider la survie sans récidive à 5 ans pour les patientes appartenant au groupe discordant ayant un risque clinique élevé et un risque génomique faible non traitées par chimiothérapie (figure 3). Prosigna® Le test pronostique d’expression génomique Prosigna® a été développé sur la base de la signature génique PAM50. Cette signature compare 50 gènes de la tumeur à la classification moléculaire selon les 4 sous-types luminal A et B, HER2+ et triple négatif sur une plateforme centralisée. Le test est réalisé par hybridation du mRNA sur des plateformes locales décentralisées. Les études de Prosigna® ABCSG8 réintègrent 46 de ces gènes à la taille de la tumeur afin de calculer le risque de récidive ROR (risk of recurrence) sur des plateformes délocalisées. L’enjeu des tests décentralisés est d’assurer une bonne reproductibilité, ce qu’a pu confirmer Prosigna® (figure 4). Figure 4. Validation de PAM-50 sur les sous-types moléculaires de cancers du sein. La validation clinique a porté sur des patientes ménopausées, pour lesquelles les tumeurs exprimaient des récepteurs hormonaux positifs, un HER2 non surexprimé, avec ou sans atteinte ganglionnaire. Le ROR classe les patientes en 3 groupes de risque : haut, intermédiaire et bas (figure 5). Figure 5. Courbe Kaplan-Meier de survie sans récidive à 10 ans pour Mammaprint. Endopredict® Le test Endopredict®, est fondé sur l’analyse en qRT-PCR sur des plateformes locales décentralisées à partir de la cohorte TransATAC sur la base des études ABCSG6 et 8. La validation clinique a intégré des femmes ménopausées avec récepteurs hormonaux positifs, HER2 non surexprimé et avec ou sans atteinte ganglionnaire. Le score EPclin est la résultante d’un algorithme intégrant le score moléculaire de 12 gènes associé à la taille et au nombre de ganglions envahis (figure 6 à 8). Figure 6. Poids des gènes dans le calcul du score EndoPredict®. Figure 7. Poids des critères cliniques dans le calcul du score EPclin. Le score de risque est classé en bas et haut risque. Endopredict® est en cours de validation du test sur les carcinomes lobulaires connus pour être moins sensibles à la chimiothérapie et pour les thérapies néo-adjuvantes. Utilisation en pratique L’objectif de ces tests génomiques est d’informer sur le pronostic des patientes, à savoir le risque de récidive sous hormonothérapie. Pour Mammaprint, il est à 5 ans et pour les autres tests à 10 ans. L’utilisation de la cohorte ATAC d’Oncotype Dx® a permis, en plus de la valeur pronostique du test et de la survie sans métastase, d’obtenir une donnée prédictive à savoir s’il existe un réel bénéfice à la chimiothérapie pour éviter une récidive à 10 ans. L’analyse Mammaprint a aussi été réalisée en prospectif ; elle permet de même d’obtenir une information sur la survie sans métastase à 10 ans et a une valeur prédictive. C’est donc grâce aux informations fournies par les validations cliniques que ces tests ont été classés par les sociétés savantes comme l’AJCC (American joint committee on cancer) selon les critères de l’EBM (Evidence-based medecine). Le test Oncotype Dx® a été intégré dans la classification des cancers du sein avec un stade IA pour une tumeur avec un RS < 11. La valeur prédictive de réponse à la chimiothérapie calculée sur le RS d’Oncotype Dx® correspond à niveau de preuve IB, le score de Mammaprint à un niveau II et ceux d’Endopredict® et Prosigna® à un niveau III (voire II pour Prosigna®) (figure 9 et tableau 1). Bien que les tests Endopredict® et Prosigna® soient rétrospectifs contrairement à Mammaprint et Oncotype Dx®, l’apport des critères cliniques dans le calcul du risque de rechute est une donnée complémentaire qui peut être utile pour les équipes. Conclusion Grâce à la détection plus précoce des cancers du sein et de l’augmentation de la durée de vie sans récidive nous devons être efficients et si besoin réaliser une désescalade thérapeutique qui ne grève pas le pronostic des patientes mais qui l’améliore, pour permettre une bonne qualité de vie après le traitement aigu du cancer. L’apport des tests génomiques nous permet de répondre à la question de l’utilité réelle de la chimiothérapie chez nos patientes et de sélectionner les vrais cancers agressifs nécessitant de la chimiothérapie. L’accès nous a été facilité en France par le remboursement aux RIHN depuis 2016 devant le gain en termes de santé publique de l’utilisation de ces tests et l’impact des traitements sur les patientes. Le choix de l’utilisation d’un test par rapport à un autre doit se faire sur des critères objectifs et scientifiques en corrélation avec les critères cliniques de la patiente et la validation de chacun des tests. Les équipes sont souvent prescriptrices d’un test par rapport à autre selon l’organisation, la proximité ou la logistique. Des études sont en cours pour élargir l’utilisation clinique de ces tests, comme pour le statut ganglionnaire pour Oncotype Dx® ou la validation sur les cancers lobulaires pour Endopredict®. De même, l’utilisation des tests pour toutes les patientes n’est pas encore validée. De même, l’utilisation des tests pour toutes les patientes n’est pas encore validée.

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