Cancérologie
Publié le 02 oct 2018Lecture 14 min
Chimiothérapies des cancers du sein : moins et mieux. Essai TAILORx
D. ZARCA, M. BOLLET, M. SPIELMANN, M.-D. BENJOAR, A. RAFII Institut Français du Sein, PARIS
La publicaion récente des résultats de l’essai TAILORx(1) a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans le milieu de l’oncologie mammaire.
TAILORx confirme et amplifie ce que nous savons depuis des années(2) : des milliers de chimiothérapies inuiles pourraient être évitées en France si l’emploi de la signature génomique Oncotype Dx® se généralisait.
Cette évaluaion a cependant été vigoureusement réfutée par certains, qui ont lu dans cete publicaion une simple mise à jour des connaissances ne nécessitant pas une modificaion de fond des modes de décision des équipes de cancérologie.
À l’heure où la hAs s’interroge sur l’intérêt médical de chaque signature génomique (ce qui ne sera pas sans conséquences sur les condiions de leur remboursement), le débat nécessite d’être exposé.
À partir de 2005, la prise de décision en oncologie mammaire (en particulier son versant traitement médical adjuvant), s’est essentiellement ordonnée à partir des données publiées dans la métaanalyse de l’EBCTG(3).
Globalement, l’usage d’une chimiothérapie diminue le risque métastatique pour toutes les formes de tumeurs et pour toutes les catégories de patientes (N+, N-, RH+, RH-, < 50 ans, > 50 ans, etc.). Cette publication a logiquement entraîné une inflation d’indications de chimiothérapies. En reprenant le détail, on pouvait cependant constater que bon nombre de patientes, qui n’avaient pas reçu de chimiothérapie, se portaient bien 5, 10 ou 15 ans après le diagnostic.
L’identification des patientes qui pouvaient se passer de chimiothérapie a constitué un sujet oncologique majeur du début de ce siècle. L’utilisation de données de la génomique (c’est-à-dire la mesure de l’expression de certains gènes) a constitué un tournant. De nombreuses signatures ont été développées, basées sur des concepts biologiques divers.
En France, 4 signatures, qui possèdent des niveaux de validation et d’utilisation variables, sont désormais accessibles. Ces 4 signatures utilisent des technologies différentes, explorent des gènes différents et classent les patientes de manière différente. Il est donc impossible d’extrapoler les résultats d’une signature vers une autre(4).
L’essai TAILORx, dont les résultats étaient très attendus, montre la précision des indications fournies par l’une d’entre elles : Oncotype Dx®.
Oncotype Dx®
Développée par la société californienne Genomic Health, Oncotype Dx® est une signature qui explore le niveau d’expression de 21 gènes. Oncotype Dx® est exclusivement indiquée pour les tumeurs RE+ et HER2-(5).
Ce test est actuellement le plus utilisé dans le monde (plusieurs centaines de milliers d’analyses ont été réalisées) et s’effectue de manière centralisée (en Californie), à partir d’échantillons de tumeur inclus en paraffine.
Il est disponible en France dans certaines structures et peut bénéficier d’un remboursement dans le cadre d’un dispositif transitoire financé par la DGOS (ministère de la Santé) : le RIHN.
Les résultats rendus (en une dizaine de jours) comportent un élément principal, le Recurrence Score (RS), exprimé de 0 à 100, qui évalue le risque de récidive. Plus le score est élevé, plus le risque est important.
Sont également rendus les niveaux d’expression de gènes codant pour les récepteurs hormonaux et HER2.
L’essai TAILORx
Bien conduit et de très grande ampleur (plus de10 000 patientes incluses), TAILORx a été supervisé par le National Cancer Insitute (NCI), qui est un organisme dépendant du gouvernement fédéral des USA.
TAILORx étudie, à l’aune du test Oncotype Dx®, le devenir de patientes âgées de 18 à 75 ans, traitées pour un cancer du sein non-métastatique, < 5 cm, sans envahissement ganglionnaire axillaire, RE et/ou RP positifs, HER2 négatif (T1-T2, M0, N0, RH+, HER2-).
Compte tenu des conditions de la réalisation de l’essai, de sa taille et de son design, les résultats publiés sont probants pour la détermination des patientes qui bénéficieraient d’une hormonothérapie seule ou associée à une chimiothérapie.
Ces résultats confèrent à l’utilisaion d’Oncotype Dx®, dans les condiions de TAILORx, le niveau de preuves maximal : Ia.
Dans l’essai TAILORx, les patientes étaient réparties en 3 groupes de risque en fonction du RS (tableau 1).
• Bas risque
Pour les 1 619 patientes du groupe 1 dont le RS est < 11, le traitement standard consistait en une hormonothérapie isolée (tamoxifène ou ani-aromatase) pour une durée minimale de 5 ans.
Les premiers résultats sur ce groupe à bas risque, publiés en 2015, ont été confirmés par cette nouvelle publication. Le pronostic est excellent et le demeure avec le recul (97 % de survie sans métastase à 9 ans) : définitivement, les patientes dont le RS est < 11 n’ont pas besoin d’une chimiothérapie adjuvante.
• Haut risque
Pour les 1 389 patientes du groupe 3 dont le RS est > 26, le traitement standard consistait en une associaion chimiothérapie - hormonothérapie (77% de survie sans métastase à 9 ans).
• Risque intermédiaire
Les 6 711 patientes du groupe 2, dont le RS était compris entre 11 et 25, ont été randomisées : 3 399 ont été traitées par une hormonothérapie seule et 3 312 ont été traitées par une associaion chimiothérapie - hormonothérapie.
Résultats de l’essai
En dépit de l’ampleur de l’essai, les résultats sont simples à appréhender :
• 6 662/9 716 (69 %) patientes > 50 ans
Pour ces patientes > 50 ans : aucun bénéfice à l’utilisation d’une chimiothérapie n’a été retrouvé lorsque le RS est < 26 (figure 1).
• 3 054/9 716 (31 %) patientes ≤ 50 ans
Pour ces patientes < 50 ans, il convient de placer le seuil d’une discussion sur la chimiothérapie plus bas (à partir de RS ≥ 16 et, plus nettement encore, à partir de 21) :
– RS 16-20 : bénéfice de la chimiothérapie = 1,5 % de diminution du taux de métastases (à 9 ans) :
– RS 21-25 : bénéfice de la chimiothérapie = 7 % de diminution du taux de métastases (à 9 ans).
Globalement, cela signifie que, pour cette population de patientes RH+/HER2-/N0, une chimiothérapie est inutile dans plus de 50 à 60 % des cas.
Population concernée en France
Faute de registre parfaitement tenu, il est impossible de connaître précisément la situation en France. Quels types de cancers du sein traitons-nous ? comment les traitons-nous ? sont des questions sans réponses nettes. Aussi, pour avoir une idée du nombre de nos patientes qui entreraient chaque année dans les critères de l’essai TAILORx (N0, RH+, HER2-), devons-nous extrapoler en compilant des données éparses.
• Première manière d’extrapoler : utiliser les résultats d’un essai européen récent, très remarqué, l’essai MINDACT(6). Beaucoup de patientes de MINDACT ont été recrutées en France. L’essai MINDACT cherchait à connaître l’impact d’une autre signature génomique Mammaprint (signature de 70 gènes) sur les décisions de traitement. Les critères d’inclusion dans l’essai MINDACT étaient beaucoup plus larges que ceux de TAILORx : toutes les patientes non métastaiques HER2-, RH+ ou RH- qui avaient moins de 4 ganglions axillaires ateints pouvaient être recrutées. Sur ce vaste groupe, une grande majorité (63 % des patientes) correspondait aux critères de TAILORx (N0, RH+, HER2-).
Autre enseignement de l’essai MINDACT, 69 % des patientes de ce groupe N0, RH+, HER2- étaient considérées à bas risque clinique (évaluation à partir de l’algorithme Adjuvant Online modifié), pourcentage tout à fait similaire à celui observé dans l’essai TAILORx (68 %).
Les Européens et les Nord-Américains traitent des populations semblables, majoritairement NO, Rh+, hER2-.
• Autre manière d’extrapoler, s’accrocher aux estimations publiées par l’INCa basées sur les données du réseau FRANCIM (dernières années évaluées : 2009 - 2012) : 65 % des patientes < 75 ans, traitées initialement par chirurgie, seraient T1-T2/N0.
Nous ne possédons pas de renseignements sur les caractéristiques histologiques et biologiques de ces tumeurs. Mais il y a lieu de penser que celles-ci sont semblables à celles de MINDACT avec une majorité de tumeurs RE+/HER2- (et donc compatibles avec l’utilisation du test Oncotype Dx®).
Ainsi, nous pouvons raisonnablement en conclure que sur les 59 000 nouveaux cancers traités chaque année en France, environ 25/30 000 seraient éligibles au test Oncotype Dx®.
Nous connaissons, par les données du PMSI (source INCa), le nombre de séjours pour chimiothérapies effectués dans le cadre des traitements du cancer du sein. En 2012, ils représentaient un total d’un peu plus de 520 000 unités (nombre auquel il faut ajouter quelques chimiothérapies effectuées dans le cadre de l’HAD).
En revanche, nous ignorons le nombre de patientes concernées et les indications de traitements (adjuvant, néo-adjuvant, récidive). Le nombre de chimio - thérapies effectuées pour les patientes (N0, RH+, HER2-) est également inconnu.
À la lumière de l’essai TAILORx, nous allons cependant tenter d’analyser les conséquences de l’introduction partielle ou totale d’Oncotype Dx® dans la prise de décision.
Trois éclairages :
– le risque clinique (tel qu’évalué dans l’essai MINDACT) ;
– un référentiel initié par les équipes des Instituts Gustave-Roussy et Curie(7) et utilisé par de nombreuses équipes d’Île-de-France (par commodité, nous le nommerons par son ancienne appellation : REMAGUS). Il s’agit ici de la dernière version (2016 – 2017) « publique » mise en ligne après la publication des premiers résultats de l’essai TAILORx (octobre 2015) qui portaient sur le groupe à bas risque (RS 0-10), mais ne tenant pas compte de la seconde publication (juillet 2018) sur le groupe de RS 11-25 (figure 2). Notons que REMAGUS est un outil non contraignant, soumis en permanence à la réflexion des utilisateurs et à l’actualisation de leurs connaissances. La référence à son usage est ici purement dialectique et ne présage pas des décisions effectivement prises au cours des diverses réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) ;
– enfin, nous verrons au travers de l’observatoire PONDx les changements de pratique observés au décours de l’utilisation d’Oncotype Dx®.
Appréciation du « risque clinique » par l’algorithme Adjuvant Online (AOL) modifié (tableau 2)
Cet algorithme a été utilisé pour la randomisation dans l’essai MINDACT.
Il prend en compte la taille tumorale, l’analyse des ganglions, le grade tumoral ainsi que le niveau d’expression des récepteurs hormonaux et de l’HER2.
Pour les tumeurs N0, RH+, HER2-, celles de l’essai TAILORx, le haut risque est ainsi défini :
– pour les tumeurs grade 1 : taille tumorale > 3 cm,
– pour les tumeurs grade 2 : taille tumorale > 2 cm,
– pour les tumeurs grade 3 : taille tumorale > 1 cm.
L’algorithme a été appliqué aux patientes incluses dans TAILORx :
– 72 % des patientes classées à haut risque clinique ont un RS < 26 ;
– 9 % des patientes classées à bas risque clinique ont un RS > 25.
De manière claire, le risque clinique défini par AOL modifié est inutilisable pour définir la population à traiter par chimiothérapie. L’algorithme se trompe dans les 2 sens en surtraitant énormément de patientes et en sous-traitant certaines.
Référentiel REMAGUS
Définition du risque (figure 2)
Pour les patientes N0, RH+, HER2- : 3 niveaux de risque sont définis. Les tumeurs T3-T4 sont considérées à haut risque et les tumeurs T1a (≤ 5 mm) sont à bas risque.
Les prises en charge prévues sont les suivantes :
– bas risque : hormonothérapie exclusive,
– haut risque : chimiothérapie et hormonothérapie,
– le risque intermédiaire amène à recommander l’utilisation d’un test génomique afin d’aider à la décision. Le type de test à utiliser n’est pas précisé.
Le risque intermédiaire y est globalement défini de la manière suivante :
• Tumeurs de grade 1 :
– T2 (T1 : bas risque)
• Tumeurs de grade 2 :
– T1c (1-2 cm) + Ki67 > 20 et/ou présence d’emboles ; (T1b et T1c + Ki67 < 20 et sans emboles : bas risque).
– T2 (T3 et T4 : haut risque)
• Tumeurs de grade 3 :
– T1 (T2 : haut risque). Le Ki67 et la présence d’emboles ne sont pas des critères utilisés pour la sélection des tumeurs de grade 3.
Analyse des indications de tests génomiques
• Pour les tumeurs de grade 1 :
TAILORx : 89/2 512 (3 %) tumeurs de grade I ont un RS > 25. Ainsi, pour les tumeurs de grade 1, limiter l’emploi du test aux T2 et essentiellement pour les patientes < 50 ans apparaît raisonnable.
• Pour les tumeurs T1c de grade 2 :
REMAGUS s’ordonne donc autour de la présence ou non d’emboles vasculaires et/ou lymphatiques (ILV) et de l’évaluation du Ki67 (cut off = 20).
• Emboles lymphatiques et vasculaires
Il s’agit de l’évaluation de la présence de cellules tumorales dans les vaisseaux lymphatiques ou sanguins péritumoraux. La présence d’emboles est un facteur pronostique indépendant et fort pour le risque de récidive locale et dans, une moindre mesure, pour le risque métastatique. Ce n’est pas un facteur prédictif d’efficacité d’un traitement (en l’occurrence d’une chimiothérapie).
Afin d’évaluer la corrélation entre la présence ou non d’emboles et le RS, nous pouvons nous référer aux données de la National Cancer Database (années 2010-2012)(8).
– RS < 11 : 807/8 919 (9 %)
– RS 11–25 : 875/12 062 (7,2 %)
– RS > 25 : 1 118/6 704 (16,6 %)
La présence d’emboles (ILV+) est ainsi retrouvée chez 1 682/20 981 (8 %) des patientes avec un RS < 26 contre 1 118/6 704 (16,6 %) : RS > 25.
Le référentiel REMAGUS, comme outil unique de décision, amène ainsi à surtraiter certaines tumeurs T2, grade 2, ILV+.
La présence d’emboles n’apparaît donc pas prédictive du Rs.
• Ki67
Le Ki67 est une protéine du noyau, présente lorsque la cellule entre en division, absente en phase de quiescence. La valeur pronostique de sa mesure est importante pour le risque métastatique ; sa valeur prédictive pour l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante est faible (meilleure avant une chimiothérapie néoadjuvante).
Afin d’évaluer la pertinence du Ki67 et de son cut off à 20, l’analyse des résultats de l’essai allemand PlanB(9) est intéressante (figure 3). PlanB évalue l’impact du RS pour des patientes à moyen et haut risque clinique (grade 2-3 et/ou T2 et/ou N+ et/ou âge ≤ 35 ans). Dans PlanB, 752 (33 %) des patientes incluses avaient une tumeur dont le Ki67 se situait dans la tranche 20-40. Dans cette tranche 20-40, la corrélation avec le RS est médiocre : près de 75 % des tumeurs de cette tranche avaient un RS < 26. De plus, 10 % des patientes incluses dans PlanB Ki67 < 20 avaient un RS > 25 ; REMAGUS amène ainsi à sous-traiter quelques tumeurs T1 grade 2.
• Pour les tumeurs de grade 3 :
TAILORx : 995/1 676 (60 %) des patientes de grade 3 ont un RS < 26. Le référentiel REMAGUS, comme outil unique de décision, amène ainsi à surtraiter de nombreuses tumeurs T2 grade 3.
Sur cette première partie, en n’indiquant pas de tests génomiques pour l’ensemble des tumeurs T2 grade 3, T2 grade 2 et T1 grade 2, on peut estimer que le référentiel REMAGUS, comme outil unique de décision, amène à surtraiter environ 10 % de l’ensemble des patientes de l’effectif de TAILORx (T1-T2, N0, RH+, HER2-) et à en sous-traiter environs 2 à 3 %.
Appréciation du risque génomique intermédiaire
En préambule, il faut noter que pour Oncotype Dx®, deux cut off ont été régulièrement utilisés pour la détermination de la borne basse du risque intermédiaire, RS = 11 et RS = 18. REMAGUS ne précise pas son cut off.
Lorsqu’un test génomique est réalisé, REMAGUS indique une chimiothérapie pour les risques intermédiaire et élevé. Seules les tumeurs de bas risque génomique permettent d’éviter une chimiothérapie.
Dans TAILORx : 6 711/9 716 (69 %) ont un RS 11-25.
– patientes > 50 ans : 6 662/9 716 (68,5 %) pour lesquelles il n’y a pas de bénéfice à traiter par chimiothérapie les patientes dont le RS < 26 ;
– patientes ≤ 50 ans : 3 054/9 716 (31,5%) pour lesquelles il n’y a pas de bénéfice à traiter par chimiothérapie les patientes dont le RS < 16, (bénéfice faible RS : 16- 20, important RS : 21-25).
Ainsi REMAGUS, en indiquant une chimiothérapie pour les patientes du groupe de risque intermédiaire pour Oncotype Dx® (quel que soit le cut off) aboutit à surtraiter certaines patientes.
PONDx et impact décisionnel
PONDx est un observatoire, en vie réelle, de l’impact de l’introduction d’Oncotype Dx® dans la prise de décision en cancérologie mammaire ; 53 centres publics ou privés français y ont participé.
Sans entrer dans des détails qu’on trouvera ailleurs, PONDx, à la suite d’autres études d’impact décisionnel françaises ou internationales, montre un taux de changement des décisions de RCP qui dépasse 40 % en fonction de l’introduction ou non d’Oncotype Dx®. Cela signifie globalement 35 % de diminution des indications de chimiothérapie.
Décision de traitement : logique booléenne ou logique fixe
En matière de traitement du cancer, les décisions se prennent selon 2 logiques : logique booléenne et logique floue.
En logique booléenne, une proposiion est vraie ou fausse. Ce qui, en cancérologie mammaire, se traduit (très schématiquement) de la manière suivante : présence de récepteurs hormonaux = hormonothérapie ou bien absence de récepteurs hormonaux et tumeur ≥ 10 mm = chimiothérapie.
Les éléments de décision pris en compte usuellement pour la RCP : âge, stade, grade SBR, évaluation de la prolifération (index mitoique et/ou Ki67), évaluation de l’expression des récepteurs hormonaux et de l’HER2, présence d’emboles, sont des états ou des données numériques. Ils se prêtent donc parfaitement à l’application d’une logique booléenne.
La décision de chimiothérapie adjuvante pourrait ainsi se prendre en utilisant des algorithmes, sans nécessiter d’avis ou de discussions d’expert.
Ce n’est pas le cas : les décisions de chimiothérapie échappent partiellement à la logique booléenne pour entrer dans le champ de la logique floue, c’est-à-dire, non plus sur l’utilisation d’états ou de variables numériques, mais sur l’appréciation de variables qualitatives (grand, petit, moyen, loin, près, fort, jeune, vieux, fatigué, sportif, etc.). En parcourant les référentiels de cancérologie, on trouve ainsi des recommandations vaporeuses du type : « à discuter en fonction de… » ; « en tenant compte de… ».
En logique floue, lorsque le réglage des paramètres d’un système est fin, les performances sont bonnes. Mais si le réglage manque de précision, les performances sont médiocres. En cancérologie, ce manque de précision dans les réglages se manifeste par des prises de décision hétérogènes selon les RCP avec, dans certains cas, des variations vertigineuses(10).
Les raisons de ce glissement partiel d’une logique booléenne vers une logique floue sont à chercher dans trois directions qui sont, chacune, porteuses d’incertitudes majeures :
– les reproductibilités de l’évaluation du grade et de la prolifération sont sujettes à fortes interrogations. L’essai PlanB nous en donne une nouvelle illustration (tableau 3) ;
– les niveaux de preuve des facteurs histo-biologiques (grade, Ki67, index mitotique, emboles, etc.) utilisés pour une décision de chimiothérapie sont inconsistants et leur association n’est guère plus probante. Des nomogrammes nombreux existent, mais aucun n’a passé le cap d’un essai contrôlé. Au final, il s’agit d’éléments pronostiques, mais aucun n’est prédictif de l’efficacité d’une chimiothérapie ;
– l’hétérogénéité des référentiels utilisables qui, pour une même situation, peut aboutir à des décisions différentes.
Conclusion
Pour une frange importante de patientes atteintes de cancers du sein, l’essai TAILORx nous fournit des outils précieux. Il ne répond pas aux questions sur les patientes N+ (ce sera l’objet d’un essai international : RxPONDER) et ne nous dit pas si certaines patientes > 50 ans pourraient éviter une chimiothérapie si le RS est compris entre 26 et 31. Mais il nous permet de nous affranchir d’éléments de décisions imprécis et non probants pour les substituer par des données précises et probantes ; d’abandonner un pan important du champ de la logique floue.
Concrètement, cette évolution nécessite d’utiliser le test Oncotype Dx® pour une proportion importante de patientes N0/RH+/HER2-. À l’exception des tumeurs classées T1 grade 1 et, à l’autre bout du spectre, des tumeurs dont le Ki67 > 40, le test est utilisable partout.
Comme cela a été montré par une étude médico-économique (basée sur un coût d’OncotypeDx® non-négocié)(11), cette attitude ferait économiser un peu à l’Assurance maladie, beaucoup à la société dans son ensemble et, ajoutons, énormément aux patientes qui pourraient ainsi éviter une chimiothérapie inutile ou en recevoir une, susceptible de leur sauver la vie.
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