Publié le 13 avr 2017Lecture 6 min
Incontinence urinaire : quelle bandelette pour quelle patiente ?
Xavier DEFFIEUX, hôpital Antoine-Béclère, Clamart
Pour les femmes posant le problème d’une incontinence urinaire à l’effort pure et typique, les bandelettes sous-urétrales mises en place par voie transobturatrice représentent le choix de première intention après échec de la rééducation. En cas d’insuffisance sphinctérienne ou de récidive, la voie rétropubienne semble devoir être privilégiée. En cas d’incontinence urinaire mixte ou d’obésité modérée, la voie transobturatrice semble associée à de meilleurs résultats.
L'incontinence urinaire à l’effort (IUE) correspond à des fuites d’urines (non précédées d’un besoin), survenant lors d’efforts de toux, d’éternuement, la course ou le saut. Le syndrome d’hyperactivité vésicale (HAV) est défini par la survenue d’urgenturies avec ou sans incontinence urinaire sur urgenturies (IUU), habituellement associées à une pollakiurie ou une nycturie. L’incontinence urinaire mixte (IUM) est définie par l’association d’une IUE et d’une IUU. La rééducation périnéale est le traitement de première intention de l’IUE ou de l’IUM, éventuellement associée à une réduction pondérale. Des anticholinergiques peuvent être associés en cas d’IUM et une estrogénothérapie locale (crème et/ou ovules) est associée en cas d’IUM chez la femme ménopausée. En cas d’échec des règles hygiéno-diététiques et de la rééducation, la mise en place d’une bandelette sous-urétrale (BSU) peut être proposée en première ligne chirurgicale. Le traitement chirurgical par BSU est plus efficace que la rééducation périnéale. De multiples BSU (rétropubienne [RP], trans obturatrice [TO] et mini-BSU), sont actuellement disponibles, toutes constituées de polypropylène monofilament macro- poreux. L’objectif de cet article est de définir les indications spécifiques pour chaque type de bandelette.
Quelle BSU en population « générale » (IUE pure et typique) ?
Les deux principales voies d’abord (RP et TO) sont associées à une efficacité subjective équi- valente (qualité de vie et satisfaction globale) ; la voie RP est associée à de meilleurs résultats « objectifs » (test à la toux), mais à une incidence accrue de dysurie et de complications (plaie de vessie obligeant à une cystoscopie systématique en cours d’intervention, rares plaies digestives ou des gros vaisseaux)(1). La voie TO est associée à une incidence accrue de douleurs de la racine des cuisses qui sont en général temporaires (quelques jours à quelques semaines), mais qui peuvent exceptionnellement persister, s’il y a eu une lésion d’une branche du nerf obturateur. Au total, pour une femme présentant une IUE pure et typique, il est donc plutôt recommandé de mettre en place une BSU par voie TO. Il existe deux possibilités pour mettre en place une BSU par voie RP : la voie de dedans en dehors (« in-out ») et la voie de dehors en dedans (« out-in »). Les essais randomisés n’ont pas montré de différence en termes d’efficacité et de prévalence des complications entre ces deux voies.
Insuffisance sphinctérienne
En cas d’insuffisance sphincté rienne (PCUM < 20 ou 30 cm H2O et/ou VLPP < 60 cm H2O), la voie RP doit être privilégiée. En effet, dans un essai randomisé portant sur 164 patientes ayant une insuffisance sphinctérienne, la prévalence des réinterventions pour échec a été de 15/75 (20 %) dans le groupe TO, versus 01/72 (1 %) dans le groupe RP (RR 15 ; IC : 2-113 ; p < 0,001), avec 3 ans de suivi(2).
Incontinence urinaire mixte
En cas d’IUM avec HAD associée à la cystomanométrie du bilan urodynamique, la voie TO semble donner de meilleurs résultats. L’existence d’une hyperactivité détrusorienne (HAD) augmente le risque de persistance d’une hyperactivité vésicale postopératoire (OR 2,04 ; IC : 1,39-3,01). La voie TO diminue le risque de persistance des urgenturies (OR 0,61 ; IC : 0,39-0,94). Une métaanalyse a montré que les taux de succès sont moins bons pour ce groupe d’IUM comparativement au groupe IUE pure (30-85 % versus 85-97 %) ; par ailleurs, c’est uniquement dans le sous-groupe IUM et HAD que la voie TO est associée à de meilleurs résultats par rapport à la voie RP(3). Ceci est probablement lié au fait que la voie RP entraîne une obstruction plus fréquemment, donc qu’elle a plus de risque d’entraîner une hyperactivité de novo (ou persistante) du fait de l’obstacle créé.
Récidive d’IUE après première BSU
Les résultats de la littérature sont plus difficiles à interpréter car il n’existe pas d’essai randomisé et la plupart des séries mélangent des populations qui me semblent très différentes : des échecs de BSU (pas d’amélioration ou amélioration insuffisante à 2-6 mois d’une première BSU) et des récidives (réapparition d’une IUE 2 à 10 ans après une première BSU ayant été longtemps efficace). Le degré de mobilité urétrale n’est pas non plus souvent précisé. Or, en cas de récidive d’IUE après mise en place d’une première BSU, une nouvelle BSU peut être posée dès lors qu’il existe une bonne mobilité urétrale ; sinon, les chances de succès sont infimes en cas d’urètre immobile.
En cas d’échec immédiat d’une première BSU, il faudra d’abord se poser la question de l’indication de la BSU car, hormis les fautes techniques, si la première BSU n’a pas fonctionné, il est peu probable qu’une deuxième soit plus efficace, sauf si, en cas d’insuffisance sphinctérienne, c’est une BSU TO qui a été mise en place au lieu d’une RP. D’autres alternatives devront être discutées : colposuspension de type Burch, injections périurétrales, ballonnets périurétraux et sphincter artificiel. En cas de récidive vraie, après plusieurs années, les résultats ne semblent pas très différents entre voie RP et TO, mais il existe peutêtre une légère supériorité de la voie RP qui a donc ma préférence dans cette indication (79 % vs 65 % ; p = 0,002)(4).
Obésité
Il n’existe pas d’essai randomisé dans cette sous-population. L’efficacité semble similaire pour les voies TO et RP dans cette population. Il faut, en revanche, noter que l’efficacité des BSU chez les femmes atteintes d’obésité importante (IMC > 35 kg/m2) semble très diminuée (taux de satisfaction de 50 % si l’IMC > 35 kg/m2 vs 81 % si l’IMC < 35 kg/m2)(5). Ainsi, pour les femmes ayant une obésité morbide, la chirurgie bariatrique est associée à de meilleures chances de succès sur l’incontinence que les BSU.
Femmes sportives
Pour les femmes jeunes très sportives, même en l’absence d’étude spécifique dans cette souspopulation, j’ai tendance à privi légier la mise en place d’une BSU RP pour maximiser leurs chances de succès (meilleure efficacité objective) et minimiser le risque de douleurs de la racine des cuisses qui pourraient les gêner dans leurs pratiques sportives.
Mini-bandelettes
Par définition, les mini-BSU sont des bandelettes de longueur réduite, insérées par une incision unique (single incision sling)au lieu d’une extériorisation suspubienne ou à travers la racine des cuisses, comme c’est le cas pour les BSU « classiques ». Le caractère limité de la dissection pourrait favoriser une prise en charge plus fréquente en ambulatoire, mais ceci n’a encore jamais été montré. Une métaanalyse portant sur 9 essais randomisés (758 femmes) avec un suivi moyen de 9,5 mois, a montré que les résultats subjectifs et objectifs sont moins bons avec ces mini-BSU comparativement aux BSU classiques (voie RP ou TO) (RR : 0,83 ; IC : 0,70-0,99 et RR : 0,85 ; IC : 0,74-0,97)(6). Certes, la durée opératoire est légèrement plus courte et il y a un peu moins de douleurs postopératoires, mais le taux de réinterventions est plus important dans le groupe mini-BSU (RR : 6,72 ; IC : 2,39-18,89)(6). Aussi, en attendant d’obtenir un meilleur compromis entre efficacité et risque de complications, ces mini-BSU doivent être réservées aux études cliniques ou aux exceptionnelles contreindications aux BSU classiques.
Conclusion
Il apparaît indispensable de se former et de former les plus jeunes à tous les types de bandelettes sous-urétrales, afin de pouvoir proposer « la » bandelette la plus adaptée à chaque sous-groupe de patientes.
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