Publié le 08 jan 2017Lecture 7 min
Modalités de traitement des CIN3
J.-J. BALDAUF, C.Y. AKLADIOS, E. BAULON, E. FALLER, T. BOISRAME, Hôpital de Hautepierre, CHU de Strasbourg
Le choix de la méthode thérapeutique des CIN3 doit être fait avec le double souci de la meilleure efficacité et de la moindre iatrogénie. La colposcopie préalable est essentielle pour ce choix et pour le juste dimensionnement de la conisation qui constitue la méthode de référence.
Les néoplasies intra épithéliales cervicales de grade 3 (CIN3) sont des lésions asymptomatiques. Leur traitement n’est justifié que pour éviter leur évolution vers un cancer. La conisation à l’anse diathermique (CAD) permet d’obtenir des taux de guérison proches de 95 %. Compte tenu de la diminution de l’âge moyen de survenue des CIN et, parallèlement, de l’augmentation de l’âge moyen des femmes enceintes, une proportion de plus en plus importante de femmes devant être traitées pour une CIN présente encore un désir de grossesse. Le choix de la méthode thérapeutique doit par conséquent être fait avec le double souci de la meilleure efficacité et de la moindre iatrogénie.
Données épidémiologiques et enjeux
Les données épidémiologiques récentes suggèrent une augmentation de l’incidence et de la prévalence des CIN3 et une diminution de la moyenne d’âge des patientes porteuses de la lésion. Une analyse des données de huit registres de cancer départementaux français a montré qu’en 2009, les femmes âgées de 25 à 34 ans ont le taux spécifique d’incidence de lésions pré-invasives le plus élevé (83,8 nouveaux cas pour 100 000 femmes). Dans cette tranche d’âge, une augmentation annuelle du taux d’incidence de l’ordre de + 2,5 % a été observée entre 2004 et 2009. Pour les patientes porteuses d’une CIN3, le risque de développement d’un cancer au bout de 30 ans est estimé entre 31 % et 50 % en l’absence de traitement et de 0,7 % chez les patientes traitées.
Les délais de développement de cancer à partir d’une CIN3 varient en moyenne entre 5 et 19 ans, mais des évolutions plus rapides sont régulièrement rapportées et plus particulièrement en cas d’infection par HPV16.
Les données épidémiologiques récentes suggèrent une augmentation de l’incidence et de la prévalence des CIN3 et une diminution de la moyenne d’âge des patientes porteuses de la lésion. Le choix de la méthode thérapeutique de ces lésions doit, par conséquent, être fait avec le double souci de la meilleure efficacité et de la moindre iatrogénie.
Les différentes méthodes de traitement
Une analyse publiée en 2013 dans la Cochrane Database et portant sur 29 essais randomisés a montré qu’aucune méthode de traitement des CIN n’apparaît significativement plus efficace en termes de fréquence des lésions résiduelles(1). Il convient toutefois d’insister sur l’inconvénient majeur de l’ensemble des méthodes de traitement destructeur qui concerne l’absence de pièces opératoires. En effet, l’impossibilité de réaliser un examen histologique prive le thérapeute de deux renseignements essentiels : celui concernant le caractère complet ou non du traitement et celui concernant l’existence d’un foyer micro-invasif ou invasif occulte, non repéré précédemment à la colposcopie. Entre 0,5 et 8 % de cancers sont ainsi découverts à l’examen des pièces d’exérèse. La non-reconnaissance de l’exérèse incomplète ou du cancer infraclinique constitue une des explications possibles de la majoration significative du risque de survenue d’un cancer après un traitement initial des CIN par cryothérapie par rapport aux conisations (risque relatif ajusté 2,98 [2,09-4,26](2)).
La conisation à l’anse diathermique
La conisation à l’anse diathermique (CAD) a connu une formidable expansion en raison de son coût faible, de son apprentissage facile et de la simplicité de sa mise en œuvre. La rapidité de la procédure est l’un de ses principaux avantages. Elle permet la réalisation de ce geste dans la très grande majorité des cas sous anesthésie locale en consultation externe ou dans une unité de chirurgie ambulatoire. La forme et la taille de l’anse doivent être adaptées à la lésion afin d’obtenir une exérèse complète et une épargne maximale de tissus cervicaux sains. Une résection endocervicale complémentaire avec une anse de petit diamètre peut s’avérer nécessaire lorsque la hauteur de l’exérèse à réaliser est supérieure au diamètre des anses. Globalement, les conisations des lésions CIN2+, aboutissent à 18 % de lésions résiduelles lorsque les résections initiales sont non saines, et 3 % lorsqu’elles sont en limites saines.
À l’inverse, le taux d’accouchements prématurés chez les patientes conisées varie selon les études entre 6,5 % et 25,5 %. Dans 14 études sur 18 analysées dans une revue de la littérature récente, la CAD est responsable d’une augmentation significative du risque d’accouchement prématuré (RR compris entre 1,4 et 7,0 selon les études)(3). Il existe dans la littérature un consensus quasi unanime pour désigner la profondeur de l’exérèse comme un facteur directement corrélé au risque d’accouchement prématuré et de rupture prématurée des membranes. Ce risque augmente de 6 % à 7 % avec chaque millimètre de profondeur d’exérèse supplémentaire au-delà de 10 à 12 mm. Pour obtenir une efficacité thérapeutique maximale, tout en minimisant l’impact obstétrical du traitement grâce à l’épargne optimale des tissus sains adjacents, des travaux récents ont montré l’intérêt de réaliser la conisation sous contrôle colposcopique(4). Pour améliorer l’appréciation du caractère complet de l’exérèse, certains préconisent un curetage endocervical associé à la conisation plutôt qu’une recoupe endocervicale, afin de limiter la hauteur de l’exérèse. La sensibilité du curetage endocervical peropératoire pour le diagnostic d’une éventuelle lésion résiduelle varie entre 39 et 75 %(5) et la fréquence des lésions résiduelles passe de 38 % si uniquement les marges sont histologiquement non saines à 67 % si en plus un curetage endocervical est positif.
La conisation à l’anse diathermique permet d’obtenir une guérison dans 97 % des exérèses en limites saines et dans 82 % des exérèses en limites non saines. À l’inverse, le taux d’accouchements prématurés est globalement doublé chez les patientes conisées. La réalisation du geste opératoire sous contrôle colposcopique maximise l’efficacité thérapeutique tout en minimisant l’impact obstétrical.
Les méthodes destructrices
Le traitement destructeur ne doit être entrepris qu’en l’absence de signes de gravité colposcopique, pour des lésions de petite taille totalement visibles et en cas de colposcopie satisfaisante. En pratique, une application de lugol permet de repérer les limites
externes de la lésion que le traitement destructeur comme l’exérèse doit déborder avec une marge de sécurité d’environ 3 mm. Deux méthodes, la vaporisation laser et la cryothérapie, sont plus fréquemment utilisées. Les métaanalyses et revues de la littérature montrent soit une absence d’augmentation de la morbidité ou mortalité périnatale après traitement destructeur, soit une augmentation très faible du taux de prématurité avec un risque relatif ajusté en fonction de l’âge, de la parité et du tabagisme, égal à 1,5 (1,3-1,7)(3). Très peu d’études concernent des résultats à long terme de la vaporisation des CIN3. Dans un travail récemment publié, le taux de récidives cumulées atteint 22,6 % à 12 mois et 42,5 % à 38 mois(6). La faible propagation de l’énergie cantonne les dégâts thermiques à 0,1-0,5 mm et favorise la précision du geste et la qualité de la cicatrisation. La cryothérapie repose sur l’application d’une cryode pendant environ 3 minutes. Deux phases de congélation séparées par un intervalle de 5 minutes sont préconisées pour optimiser la cryonécrose tissulaire dont la profondeur est inférieure à 5 mm. Les avantages de cette méthode sont le faible coût et le faible risque d’hémorragie peropératoire. Ses principaux inconvénients sont l’absence de contrôle de la profondeur de la destruction et la difficulté d’application des cryodes en cas de remaniement cicatriciel ou de lésion jonctionnelle. De nombreux auteurs réservent cette méthode aux petites lésions sans extension endocervicale, conformément aux recommandations de l’OMS. Une métaanalyse concernant 77 études, dont 15 essais randomisés, et portant sur 28 827 CIN montre une guérison de 85 % des CIN3 traitées par cryothérapie(7). Le traitement destructeur ne doit être entrepris qu’en l’absence de signes de gravité colposcopique, pour des lésions de petite taille totalement visibles et en cas de colposcopie satisfaisante. Deux méthodes : la vaporisation laser et la cryothérapie sont plus fréquemment utilisées. On leur reconnaît une morbidité périnatale faible, voire nulle.
L’hystérectomie
En traitement de première intention, l’hystérectomie apparaît à la fois excessive et inadaptée. Elle comporte un risque de soustraitement en cas de lésions micro-invasives ou invasives méconnues au bilan préopératoire et ne garantit ni l’absence de récidives vaginales ni la survenue d’un cancer du vagin.
Surveillance post-thérapeutique nécessaire
L’incidence des cancers invasifs apparaît 6 fois plus élevée après traitement d’une CIN que dans un groupe témoin. Par conséquent, la surveillance post-thérapeutique est indispensable quelle que soit la méthode de traitement des CIN3 pour détecter les lésions résiduelles et/ou récurrentes avant qu’elles n’évoluent vers un cancer. Ces lésions surviennent en général dans les premières années postopératoires et l’augmentation d’incidence existe même chez les patientes hystérectomisées.
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