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Obstétrique

Publié le 04 oct 2016Lecture 9 min

Le dépistage combiné du 1er trimestre : passé ou avenir ?

F. MULLER, S. DREUX, I. CZERKIEWICZ, C. NGUYEN, B. ALLAF, Laboratoire de biochimie-hormonologie, Hôpital Robert-Debré, Paris Université Versailles Saint-Quentin

Le dépistage de la trisomie 21 est proposé à toutes les femmes enceintes quel que soit leur âge. La méthode de choix qui doit être proposée est la combinaison de la mesure de la clarté nucale réalisée au 1er trimestre de la grossesse avec le dépistage sanguin au 1er trimestre, mais le dépistage au 2e trimestre est possible avec ou sans mesure de clarté nucale. Si la patiente présente un risque accru, un geste invasif lui est proposé. La réalisation du caryotype fœtal reste la méthode de diagnostic. Cependant, dans moins de 1 % des cas, ces gestes invasifs peuvent conduire à la perte fœtale. Le dépistage non invasif par l’ADN fœtal dans le sang maternel pour le dépistage de la trisomie 21 présente indiscutablement des performances bien supérieures à toutes les autres méthodes de dépistage. Son intégration dans la politique actuelle du dépistage est au cœur des discussions.

Le dépistage de la trisomie 21   Actuellement, le dépistage de la trisomie 21 consiste à cibler les patientes présentant un risque accru et pour lesquelles un prélèvement invasif pour réalisation d’un caryotype fœtal sera proposé. La procédure de dépistage ne se limite pas à la réalisation du test utilisé, mais constitue un processus dynamique impliquant la prise de décisions successives : décision de recourir ou non au dépistage, décision d’avoir recours ou non à l’examen invasif permettant le diagnostic prénatal de trisomie 21, et enfin, décision d’interrompre ou non la grossesse en cas de trisomie 21 fœtale. Ces décisions placent la femme ou le couple face à des dilemmes très anxiogènes qu’ils n’auraient pas souhaité avoir à affronter. Toutes ces étapes impliquent qu’une information claire, loyale et appropriée soit donnée à chaque patiente, obligation compliquée par la nécessité d’une parfaite coordination entre les différentes équipes médicales impliquées dans le dépistage et le diagnostic (médecin généraliste, gynécologue, obstétricien, centre multidisciplinaire de médecine fœtale, laboratoire de biochimie agréé pour ce dépistage, laboratoire de cytogénétique agréé pour le diagnostic prénatal, laboratoire de fœtopathologie).   Le dépistage par les marqueurs sériques maternels   Avant 1997, le dépistage de la trisomie 21 reposait sur deux critères, l’âge maternel ≥ 38 ans et la présence d’anomalies morphologiques fœtales aux échographies réalisées à 11, 22 ou 33 semaines d’aménorrhée. La mise en évidence de marqueurs biochimiques sanguins chez les patientes portant un fœtus atteint de trisomie 21 (augmentation de l’hCG et effondrement de l’AFP) ont conduit à proposer à partir de 1997 le dépistage sérique maternel de la trisomie 21 à toutes les femmes enceintes, quel que soit leur âge. De 1997 à 2010, quatre critères de dépistage étaient ainsi utilisés, l’âge maternel ≥ 38 ans, la mesure de clarté nucale élevée au 1er trimestre de la grossesse, le dépistage sérique maternel au 2e trimestre et les signes échographiques aux 2e et 3e trimestres. Chaque année, ce dépistage conduisait à réaliser 80 000 amniocentèses pour caryotype fœtal permettant de dépister 1 900 cas de trisomie 21 fœtale. À partir de 2010, la combinaison des marqueurs sériques avec la mesure de clarté nucale a été recommandée. Au total, six critères sont actuellement utilisés pour le dépistage de la trisomie 21 : – la mesure de clarté nucale à l’échographie du 1er trimestre avec un seuil à 3,5 mm est une indication à elle seule à réaliser un prélèvement invasif ; – les marqueurs sériques du 1er trimestre (PAPP-A et hCGβ) combinés en un calcul de risque à la mesure de clarté nucale et à l’âge maternel (seuil à 1/250) ; – les marqueurs sériques du 2e trimestre (AFP et hCGβ) combinés en un calcul de risque à la mesure de la clarté nucale et à l’âge maternel (seuil à 1/250) ; – les marqueurs sériques du 2e trimestre (AFP et hCGβ combinés en un calcul de risque à l’âge maternel (seuil 1/250) ; – l’âge maternel seul en cas de non-réalisation du dépistage par les marqueurs sériques ; – et l’antécédent de trisomie 21. Les résultats des marqueurs sont exprimés en multiple de la médiane ou MoM. Une valeur à 1 MoM est parfaitement normale, une valeur > 2,5 MoM est anormalement élevée, une valeur < 0,5 MoM est anormalement basse. L’ensemble de cette politique a conduit à diviser par deux le nombre de gestes invasifs (45 000 chaque année) tout en conservant le même dépistage de la trisomie 21, 1 900 cas dépistés par an. Ce dépistage est très encadré et très réglementé : les échographistes qui réalisent la mesure de la clarté nucale doivent avoir un numéro d’identifiant attribué par les réseaux de périnatalité et doivent s’engager dans une démarche qualité. Chaque semestre, l’Agence de la biomédecine communique aux réseaux les analyses statistiques de ces mesures qui doivent répondre à des critères qualité définis avec les professionnels. Les laboratoires de biologie médicale doivent être autorisés par les ARS ; ils sont au nombre de 85 sur les 3 000 laboratoires français. Les laboratoires de cytogénétique doivent être autorisés. Les centres pluridisciplinaires de médecine fœtale (CPDPN) sont au cœur du dispositif de prise en charge des patientes en cas de décision d’interruption de la grossesse.   À quoi servent les marqueurs sériques maternels du dépistage de la trisomie 21 ?   Ce dépistage est pris en charge par l’assurance maladie, son coût est de 50 € pour MSM1T et 32 € pour MSM2T sans intégration de la mesure de clarté nucale. La grande majorité des femmes enceintes (85 %) bénéficient de ce dépistage sérique. Le nombre de gestes invasifs générés est de 16 300 par an. Il permet de dépister 815 cas de trisomie 21. Les patientes choisissent d’interrompre leur grossesse dans 95 % des cas. En dehors du calcul de risque de trisomie 21, les marqueurs sériques sont aussi des indicateurs de la santé fœtale. Un article récent résume la conduite à tenir dans les différentes situations(1). Actuellement, le dépistage de la prééclampsie par les marqueurs sériques est mis en place dans de nombreux pays.   Le dépistage prénatal non invasif (DpNi)   Depuis plus de 30 ans, différentes techniques ont été étudiées afin d’identifier des cellules fœtales dans le sang maternel. Ces techniques ont finalement été abandonnées en raison de leur manque de sensibilité et de spécificité. En 1997, les techniques se sont orientées sur l’étude de l’ADN fœtal. Dix années ont été nécessaires à l’équipe de Dennis Lo pour mettre au point la technique utilisée à ce jour : massive parallele sequencing (MPS) ou next generation sequencing (NGS) ou shot gun. • Ce que l’on sait à ce jour concernant l’ADN fœtal : l’ADN fœtal représente 3 à 6 % de l’ADN total ; l’ADN fœtal est présent dès 7 semaines ; il est rapidement dégradé, sans persistance d’une grossesse précédente, contrairement aux cellules fœtales. À ce jour, 700 000 grossesses ont été étudiées par cette méthode pour le dépistage de la trisomie 21. On observe une sensibilité de quasi 100 % et une spécificité de 98 %. Mais ces patientes étaient principalement des patientes sélectionnées car présentant un risque élevé de trisomie 21. Les performances de ce dépistage dans la population générale sont encore mal évaluées, bien qu’une publication récente rapporte d’excellents résultats(2). Les limites de ce dépistage sont connues, la principale étant les échecs de résultats qui peuvent atteindre 10 %, mais aussi les faux positifs. Les échecs de résultats sont liés à l’obésité maternelle, à un prélèvement réalisé avant 10 semaines, à une quantité faible d’ADN fœtal. Les faux positifs sont liés à la présence d’un jumeau évanescent ou à des situations beaucoup plus rares telles qu’une mosaïque maternelle, ou un cancer. Une autre limite est la sensibilité moindre pour la trisomie 18 et la trisomie 13. Aussi, ce dépistage ne semble-t-il pas adapté aux patientes les plus à risque de ces aneuploïdies. L’avantage considérable de cette méthode est de conduire à une diminution massive du nombre de gestes invasifs, puisqu’un résultat normal donne un risque résiduel de trisomie 21 très faible, et qu’un résultat anormal conduit à réaliser le geste invasif pour confirmer l’existence d’une anomalie fœtale. La limite actuelle à sa généralisation repose d’une part sur le coût de l’examen, 600 €, et d’autre part sur le très petit nombre de laboratoires français en mesure de le réaliser. Actuellement, seuls deux laboratoires le font, le laboratoire CERBA (examen non pris en charge financièrement) et le laboratoire de cytogénétique de Necker Enfants-Malades (examen pris en charge dans le cadre d’une étude scientifique). En Europe, le nombre de laboratoires est également très limité : un seul en Allemagne. Les autres laboratoires qui proposent l’examen les envoient aux États-Unis ou à Hong-Kong. Cela pose la question des contrôles de qualité de ces laboratoires et de leur statut.   DpNi et/ou marqueurs sériques ?   Différentes stratégies sont mises en place selon les pays, elles sont évolutives et dépendent à la fois des critères de coût, de disponibilité de la technique et des méthodes de dépistage déjà mises en place. Le DPNI permet d’éviter les amniocentèses inutiles et présente une excellente sensibilité et spécificité. La technicité complexe et coûteuse limite le nombre de laboratoires. Aujourd’hui, ce dépistage n’est pas pris en charge financièrement, il est de 350 à 600 €. Il n’est réalisé que chez les patientes qui présentent un risque accru de trisomie 21, soit en raison de leur âge maternel, soit en raison d’un risque supérieur à 1/250 par les marqueurs sériques maternels. Ce dépistage n’est pas réalisé si le fœtus présente une anomalie à l’échographie, et il n’est pas réalisé pour convenance personnelle. Une consultation de génétique est souhaitable afin d’expliquer les limites de ce dépistage. En France, en dehors de l’aspect financier, il faut prendre en compte l’aspect organisationnel avec les effets potentiellement délétères liés à la suppression d’examens réalisés depuis de nombreuses années par de nombreux professionnels et pour un grand nombre de patientes. Quatre stratégies peuvent être discutées en supposant que le coût élevé du DPNI est résolu par le transfert des moyens des amniocentèses et des caryotypes évités et également des moyens dédiés aux MSM s’ils sont supprimés. • Hypothèse 1 : DPNI réalisé en mode de dépistage conditionnel, c’est-à-dire faisant suite au dépistage par les MSM1T, pour les patientes les plus à risque de trisomie 21 (1/100-1/1 000). • Hypothèse 2 : DPNI réalisé en mode conditionnel c’est-à-dire faisant suite aux MSM1T mais en utilisant à la fois le risque calculé de trisomie 21 et les MoM des marqueurs sériques (on ajoute ainsi les profils atypiques). • Hypothèse 3 : le DPNI est réalisé à la place des MSM1T qui disparaissent totalement. • Hypothèse 4 : on supprime à la fois les MSM1T et l’échographie du 1er trimestre.   Que faire aujourd’hui ?   Actuellement, à l’échelon mondial, aucun professionnel ne considère que le DPNI puisse être proposé comme première étape de dépistage, mais tous considèrent qu’il doit être réalisé secondairement aux marqueurs sériques. Le dépistage de la trisomie 21 tel qu’il est réalisé en France est bien encadré et concerne toutes les patientes, et est pris en charge financièrement. Il permet de dépister 85 % des cas de trisomie 21, mais au prix de 5 % de gestes invasifs.   En pratique Le dépistage actuel de la trisomie 21 concerne 85 % des femmes enceintes, il permet de dépister 85 % des cas de trisomie 21, mais génère 5 % d’amniocentèse. Le DPNI a une très bonne sensibilité et spécificité et permet d’éviter un très grand nombre d’amniocentèses. Il n’est cependant pas encore disponible pour toutes les patientes en raison de son coût élevé et de la technologie lourde. Les différents aspects des marqueurs sériques avec la prise en compte des MoM des marqueurs et le dépistage de la prééclampsie sont encore d'actualité.  

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