Publié le 09 juin 2016Lecture 7 min
Cure de la colpocèle postérieure : les recommandations de la FDA ont-elles modifié la donne ?
P. DEBODINANCE, Centre hospitalier, Dunkerque
En juillet 2011, les décisions de la FDA faisaient l’effet d’une bombe dans le petit monde des implants de renfort prothétique utilisés dans la cure du prolapsus uro-génital. Qu’en est-il exactement, et plus particulièrement dans le traitement de la colpocèle postérieure ?
Quels sont les principes de la réparation ? La rectocèle moyenne de niveau 2 fait appel aux : • techniques gynécologiques : colpotomie postérieure, dissection du vagin et du rectum, interposition entre vagin et rectum soit d’un tissu autologue soit d’un matériel exogène hétérologue ou synthétique ; • techniques proctologiques : endo-anale classique ou avec agrafage technique de Longo-Starr, et technique transpérinéale. Quels sont les arguments avancés par la FDA ? C’est l’augmentation des événements indésirables dans la base Maude qui a déclenché la réflexion. La base Maude notait 1 503 rapports en 3 ans, soit 0,7 %. Qu’a dit la FDA en janvier 2011 ? Après analyse de 110 études et 11 785 femmes, la FDA dit que : – les prothèses restaurent mieux l’anatomie de l’étage antérieur (la cystocèle), mais qu’il n’y a aucun bénéfice clinique pour la patiente ni un taux abaissé de réintervention pour récidive ; – les prothèses ne restaurent pas mieux l’apex ou l’étage postérieur ; – les techniques conventionnelles ont un taux plus élevé de complications ; – le taux d’extériorisation des prothèses par voie vaginale est de 10 % en 12 mois et plus d’une extériorisation sur deux nécessite une ou plusieurs réinterventions avec parfois des séquelles ; – les rétractions de prothèse s’accompagnent souvent de douleurs et de dyspareunies ; – les prothèses posées par voie abdominale (promontofixation) s’accompagnent d’un taux d’extériorisation plus faible, de 4 % avec un recul de 23 mois. En conséquence, la FDA a requalifié les prothèses vaginales de la classe 2 (processus 510 k) à la classe 3 (processus 522 k), obligeant à des études importantes avant mise sur le marché et au suivi prolongé après mise sur le marché. En décembre 2007, l’AFNOR avait déjà donné des recommandations sur les implants de renforts vaginaux pour que ces implants mis en place par voie vaginale pour cure d’incontinence d’effort et/ou prolapsus des organes pelviens puissent se soumettre à l’exigence des essais précliniques et essais cliniques. La Cochrane database de 2013 concluait : “There is no evidence to suggest that the addition of any graft (biological or synthetic) material at the posterior compartment repair resulted in improved outcomes”. En 2012, les recommandations de la MHRA (équivalent de la HAS en France) (ROCG-BSUG-BAUSSNNUU-NICE) étaient les suivantes : – mise en place d’un registre unique des implants vaginaux en utilisant les registres existants des sociétés scientifiques ; – incitation de l’industrie aux études précliniques et cliniques ; – développer et délivrer des conseils sur les prothèses en complément des guides du NICE ; – développer et publier des recommandations pour choisir les implants et maintenir un audit de qualité ; – conseiller les patientes sur les centres de référence prenant en charge les récidives et complications ; – informer les professionnels de la santé ; – responsabiliser les parties concernées, page web, déclarations des complications et ne pas vendre de produits aux chirurgiens mal formés qui en font mauvais usage. La littérature retrouve un taux assez bas de récidive pour la réparation postérieure. En effet, la réparation traditionnelle antérieure par colporraphie note des récidives de 43 à 70 %, la colporraphie postérieure note des récidives de 7 à 13 % alors que la réparation transanale note des récidives de 30 à 65 %. La prévalence des symptômes après réparation de prolapsus postérieur note un taux de dyspareunies de 12,5 à 33,3 % pour la colporraphie postérieure, de 0 à 18,2 % pour la réparation transanale et l’on ne retrouve pas d’incontinence fécale. Concernant les symptomatologies de novo après cure de prolapsus postérieur comparant la sacrocolpopexie abdominale à la sacrospinofixation par voie basse, le taux d’incontinence urinaire est de 9 % dans le premier cas, de 33 % dans le deuxième cas. Les taux d’urgence mictionnelle et d’instabilité vésicale sont respectivement de 33 et 21 % et le taux de dyspareunie est de 11 à 18 %. Le consensus du CNGOF En décembre 2013, le collège national des gynécologues obstétriciens français a proposé un consensus d’experts sur la cure de rectocèle. La conclusion a été qu’en dehors de quelques situations particulières (rectocèle récidivée), la mise en place par voie vaginale d’une prothèse synthétique entre le rectum et le vagin n’est pas justifiée en première intention. Si de nombreuses agences de santé européennes ont fait des propositions et des recommandations, la HAS, en France, est restée muette depuis 2008, malgré la demande réitérée des sociétés savantes françaises. Le CNGOF a fait 10 propositions à l’issue de ce consensus d’experts. Concernant plus particulièrement l’étage postérieur, et de façon générale, il est recommandé que : – avant toute intervention chirurgicale pour prolapsus génital, la patiente doit être informée des différentes techniques existantes (chirurgie abdominale et vaginale, avec ou sans prothèse), des raisons pour lesquelles le chirurgien propose la mise en place des prothèses synthétiques et également des autres traitements chirurgicaux du prolapsus (rééducation et pessaire) ; – une intervention pour prolapsus doit être précédée d’une évaluation des symptômes pelviens, urinaires, digestifs et sexuels, ainsi que de la gêne occasionnée, au moins par des questionnaires de qualité de vie et de symptômes ; – en cas d’indication de cure de prolapsus génital par voie vaginale, il convient d’éviter des interpositions prothétiques chez les femmes présentant des douleurs pelvipérinéales chroniques ou des dyspareunies préopératoires ; – en dehors de quelques situations particulières (rectocèle récidivée essentiellement), la mise en place par voie vaginale d’une prothèse synthétique entre le rectum et le vagin n’est pas justifiée en première intention ; – tout chirurgien souhaitant pratiquer la mise en place d’une prothèse synthétique par voie vaginale doit avoir reçu une formation concernant la technique considérée ; – le chirurgien devra mettre en œuvre des mesures préventives établies qui permettent de diminuer le risque de complications. Qu’en est-il du marché des prothèses postérieures ? Sur une dizaine de prothèses proposées, seules deux ont fait l’objet d’étude.... Que proposer actuellement à nos patientes pour le prolapsus postérieur ? Devant l’absence de recommandations et de mises à jour de la part de la HAS, nous pouvons nous fier aux avis du Collège en les respectant, fournir aux patientes, après explications, une fiche d’information très détaillée sur la technique proposée, sur ce qu’est réellement le prolapsus, les buts de la chirurgie avec les bénéfices possibles, les complications spécifiques à l’utilisation des prothèses, les effets à long terme de cette intervention avec éventuellement prothèse, mais également ne pas omettre d’indiquer les complications et les effets des réparations avec tissus natifs et de terminer par les autres possibilités de traitement conservateur. En cas de très volumineuse rectocèle grade 3 ou 4 avec symptomatologie fonctionnelle ou en cas de récidive, on pourra proposer la mise en place d’une prothèse synthétique en privilégiant les prothèses qui ont fait l’objet d’études préclinique et clinique avec un nombre suffisant de cas, en évitant les nombreuses prothèses proposées sans aucune information sur les résultats de la mise en place de ces prothèses.
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