Publié le 06 mai 2015Lecture 7 min
Trachélectomie élargie : pourquoi, pour qui et comment ?
J.-S. KRAUTH, J. DUBUISSON, F. GOLFIER, D. RAUDRANT, CHU Lyon Sud, Pierre Bénite
La trachélectomie élargie (ablation chirurgicale du col de l’utérus) par voie vaginale est une intervention chirurgicale arrivée à maturité. Elle offre une sécurité sur le plan carcinologique pour les cas sélectionnés de cancer du col précoce. En cas de grossesse après trachélectomie élargie par voie vaginale, le taux d’enfants nés vivants avoisine les 70 %. Cependant, plus de 50 % des patientes ne recherchent pas de grossesse. L’avenir de la technique est menacé par une remise en cause de la radicalité de la chirurgie des stades précoces.
Le concept d’une chirurgie conservatrice pour les cancers du col précoces est ancien. Les techniques chirurgicales développées par Novak à la fin des années 1940 (abord vaginal), puis par Aburel dans les années 1950 (laparotomie) n’avaient pas permis d’obtenir les résultats espérés sur le plan de la fertilité. Le succès est arrivé à la fin des années 1980, lorsque Daniel Dargent a développé à Lyon la technique chirurgicale de la trachélectomie élargie par voie vaginale. Les premiers résultats encourageants ont été communiqués en 1994. Depuis, la technique a connu un engouement mondial. Sa diffusion a été favorisée par une demande de la part des patientes en raison du recul de l’âge à la première grossesse, par l’amélioration de la sélection préopératoire des patientes et par la collaboration de plusieurs équipes dynamiques. Actuellement, on estime à plus de 900 le nombre de procédures réalisées par voie vaginale (VRT) et à plus de 200 le nombre de procédures par voie abdominale (ART). La VRT a rendu possible plus de 370 grossesses et 215 naissances. L’ART a permis plus de 35 grossesses et 21 naissances. Résultats oncologiques La sécurité de la technique sur le plan carcinologique est assurée. Les taux de récidives, inférieurs à 5 %, et de décès, inférieurs à 3 %, sont similaires à ceux de la chirurgie de référence. Ces patientes nécessitent un suivi rapproché et prolongé en raison de la découverte de récidives tardives ou de second cancer et la question d’une chirurgie de complément après obtention des grossesses mérite d’être posée. Le facteur de risque principal de récidive est représenté par une taille tumorale de > 2 cm. La présence d’emboles lymphovasculaires n’est pas une contre-indication à la chirurgie conservatrice ni un facteur de risque de récidive, mais correspond à un facteur prédictif d’échec de la procédure. Si les emboles sont nombreux sur la pièce opératoire, un traitement adjuvant sera préconisé. Une marge chirurgicale minimale de 10 mm est conseillée. La question est débattue, mais une reprise chirurgicale est indispensable en cas de marge de < 5 mm pour un cancer épidermoïde et de 10 mm en cas d’adénocarcinome. Résultats sur le plan de la fertilité En cas de grossesse après VRT, le taux d’enfants nés vivants est proche de 70 %. Le taux d’infertilité post-procédure est évalué à 15 %, mais le taux d’infertilité préopératoire est rarement rapporté dans les séries. En moyenne, seules 40 à 50 % des patientes recherchent une grossesse après VRT. Indications Une sélection optimale des cas est nécessaire et une prise en charge dans un centre expert est indispensable. La patiente doit être motivée et désireuse de préserver sa fertilité. Elle sera informée de l’alternative de la chirurgie radicale, des complications chirurgicales et des complications obstétricales induites. L’abord vaginal doit être possible en cas de VRT et un délai de 4 à 6 semaines après la conisation doit être respecté. La trachélectomie élargie est réservée aux cancers invasifs épidermoïdes et glandulaires aux stades IA2 et IB1 de < 2 cm. L’IRM préopératoire permet de préciser le diamètre tumoral (< 2 cm), l’atteinte endocervicale (idéalement inférieure à la moitié de la hauteur stromale) et l’absence d’adénopathie. Trachélectomie élargie par voie vaginale Elle est bien décrite dans la littérature. Le premier temps chirurgical consiste à réaliser une laparoscopie avec cytologie péritonéale et curage ganglionnaire pelvien ou prélèvement du ganglion sentinelle. L’abord vaginal permet, dans un deuxième temps, l’exérèse du col, d’une collerette vaginale et des paramètres sectionnés à l’aplomb de l’uretère. Les vaisseaux utérins sont préservés et la section du col se fait à 1 cm de l’isthme. Un examen extemporané d’une tranche de section cervicale est préconisé. Un cerclage isthmique est réalisé en fin d’intervention. Trachélectomie élargie par voie abdominale Nous n’en avons aucune expérience. Les auteurs y voient un bénéfice en termes de radicalité d’exérèse des paramètres. Cependant, pour les petites tumeurs l’exérèse des paramètres est actuellement débattue et la tendance est plutôt à en limiter l’étendue. Par ailleurs, cette technique nécessite une section de l’artère utérine à son origine et est génératrice d’adhérences, ce qui peut compromettre la fertilité ultérieure. Elle semble connaître un regain d’intérêt à l’heure de la chirurgie robotique, mais les premiers résultats sont décevants. Complications Mis à part les échecs immédiats de procédure, majoritairement en cas d’envahissement ganglionnaire (10-15 %), certaines patientes feront l’objet d’un traitement complémentaire par radio-chimiothérapie en cas d’envahissement ganglionnaire ou d’emboles nombreux à l’examen histologique définitif. Les patientes ayant des marges limites feront l’objet d’une reprise chirurgicale par une conisation si possible ou une hystérectomie. L’infertilité secondaire est essentiellement d’origine cervicale et une grossesse est majoritairement possible dans ces cas. Une érosion sur cerclage survient dans 10 à 15 % des cas. Une interrogation subsiste : pourquoi plus de 50 % des patientes opérées d’une trachélectomie ne recherchent-elles pas de grossesse alors qu’elles en exprimaient initialement le désir ? S’agit-il d’une mauvaise sélection des cas ? En réalité, ce phénomène pourrait être expliqué par les troubles non négligeables de la sexualité et de la qualité de vie chez les patientes opérées, rapportés par plusieurs publications récentes. Suivi des grossesses après trachélectomie Ces grossesses sont à haut risque et doivent être suivies en conséquence. La surveillance du col se fera au mieux par échographie endovaginale. En cas de raccourcissement et de béance cervicale précoce, une fermeture de l’orifice cervical sera proposée selon la technique de Saling qui a pour but de limiter les risques d’infection ascendante. Avenir de la trachélectomie L’avenir de la trachélectomie élargie est menacé car l’intérêt de la paramétrectomie en cas de petit cancer du col est actuellement très débattu. L’envahissement paramétrial est exceptionnel (< 1 %) en cas de tumeurs de < 2 cm sans envahissement ganglionnaire. Par ailleurs, plusieurs publications, portant néanmoins sur de petites séries, font état d’un intérêt de la chimiothérapie pour ces petites tumeurs. Cela pourrait inciter à diminuer les indications de trachélectomie élargie pour les tumeurs de < 2 cm ou à les élargir aux tumeurs de > 2 cm. Conclusion La trachélectomie élargie est une intervention arrivée à maturité selon son abord vaginal. Il faut se satisfaire du nombre de grossesses obtenues à ce jour avec une sécurité carcinologique démontrée. La sélection des cas doit être stricte et la stratégie thérapeutique conservatrice doit pouvoir être remise en question après obtention des résultats anatomopathologiques extemporanés ou définitifs. La trachélectomie par voie abdominale ne semble pas répondre aux exigences d’une chirurgie souhaitant préserver la fertilité. À l’avenir, il faudra résoudre la question de l’intérêt réel de la paramétrectomie dans les cancers du col précoces et réfléchir aux bénéfices que peut apporter la chimiothérapie néoadjuvante.
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