Publié le 22 juin 2014Lecture 11 min
L’imagerie du sein après chirurgie plastique
R. KHAYAT, P. ADRAÏ, Imagerie Paris La Défense, Institut Curie, Villejuif, Hôpital René Hugunenin, Saint-Cloud
Depuis les premières mastectomies radicales réalisées par Halsted à la fin du XIXe siècle, aux dernières techniques de tumorectomies avec oncoplastie, la chirurgie reconstructrice et plastique du sein s’est intégrée progressivement dans le domaine de la sénologie. Ces actes chirurgicaux ont marqué un premier essor avec le développement des prothèses mammaires, et connaissent actuellement une nouvelle phase avec la réalisation de chirurgie de lambeaux et d’autres techniques diverses et variées comme le lipofilling. L’objectif de cet article est de rappeler de manière simple l’aspect en imagerie de différentes formes de chirurgie plastique réalisées actuellement, et d’analyser les complications existantes.
Prothèses mammaires On distingue schématiquement trois types de prothèses mammaires (figure 1) : – les prothèses en sérum physiologique ou salines, très radiotransparentes en mammographie ; – les prothèses en silicone, assez denses en mammographie ; – les prothèses mixtes, associant sérum physiologique et silicone, moins utilisées. Les prothèses mammaires peuvent être placées : – en situation rétroglandulaire, c’estàdire en arrière de la glande mammaire, mais en avant du muscle pectoral ; – en situation rétropectorale, en arrière du muscle pectoral ; – en situation souscutanée, en cas de mastectomie. Après la pose chirurgicale, autour de la prothèse se développe, normalement, une capsule fibreuse à l’origine d’une double enveloppe autour de l’implant (membrane de l’implant et capsule fibreuse). Figure 1 a. Mammographie droite en incidence de face. Prothèse mammaire en préremplie en gel de silicone en situation rétropectorale. La prothèse est dense en radiographie, traduisant la présence de silicone. Le pectoral (flèche) est bien visible en avant de la prothèse. b. Mammographie gauche en incidence d’oblique externe. Prothèse mammaire préremplie en gel de silicone en situation rétroglandulaire. Le pectoral (flèche) est bien visible en arrière de la prothèse. c. Mammographie gauche en incidence oblique externe. Prothèse mammaire saline, en situation sous cutanée, au cours d’une mastectomie. La prothèse est radioclaire, traduisant la présence de sérum physiologique. Aspect normal en imagerie À l’état normal, la double enveloppe est toujours superposée. La mammographie explore de manière non optimale l’état d’une prothèse. L’examen de première intention pour l’analyse de cette double enveloppe, reste l’échographie. À l’état normal (figure 2) : – une double ligne échogène est visible et doit être superposée ; – la prothèse doit être anéchogène. Un artefact de ligne de réverbération antérieure peut être visible, à l’origine d’une bande échogène à la partie antérieure de la prothèse. L’IRM est le meilleur examen pour l’analyse de la prothèse, mais doit être réservé aux cas difficiles ou douteux. Il retrouve toujours la double enveloppe superposée. Figure 2 a. Échographie mammaire d’une prothèse en silicone intègre. Notez les doubles lignes échogènes superposées signifiant que la prothèse est intacte. b. IRM en coupes axiales, en séquence T2 d’une prothèse en silicone normale. La double enveloppe est superposée, le silicone étant à l’intérieur de la prothèse. Particularités de l’examen sénologique L’implant mammaire masque une partie de la glande mammaire sur les incidences classiques. En cas de prothèse mammaire, une incidence complémentaire, à l’aide de la manœuvre d’Eklund, est réalisée permettant une analyse plus optimale de la glande mammaire en mammographie (figure 3). Cette manœuvre consiste à refouler la prothèse vers l’arrière et le haut. En pratique, en cas d’implant mammaire, on réalisera systématiquement : – une mammographie avec incidences d’Eklund face et profil ; – une échographie pour compléter l’exploration du parenchyme mammaire et pour rechercher une rupture de prothèse. Figure 3. Mammographies droites de face et profil, sans puis après incidences d’Eklund. Notez la présence d’une masse de forme ovale, de contours circonscrits de l’union des quadrants externes droits, visible uniquement grâce aux clichés en incidence d’Eklund. Procédures interventionnelles et prothèses mammaires Dans la majorité des cas, toutes les procédures interventionnelles sont réalisables en présence d’implants mammaires. Elles sont préférentiellement effectuées par des opérateurs entraînés, pour limiter le risque de rupture iatrogène. En cas de microcalcifications, et si une procédure de macrobiopsie stéréotaxique est prévue, une consultation de faisabilité reste nécessaire. Elle permet de voir, en fonction de la topographie des microcalfications, la voie d’abord à privilégier pour que la procédure soit réalisable. Dans une grande partie des cas, la procédure reste possible. Quand une masse est visible en échographie, les procédures de micro et macrobiopsies sont, dans la grande majorité des cas, réalisables. La difficulté de la procédure est variable en fonction de la topographie de la lésion et de l’expérience de l’opérateur. De nombreuses astuces existent pour réaliser une procédure sous échographie, et sont bien connues des opérateurs entraînés. Dans de très rares cas, quand la biopsie n’est pas réalisable, la cytoponction peut être une alternative très intéressante, en raison de son excellente performance en cas de lésion maligne, et de son innocuité. La pose de clips pour le repérage préopératoire ne pose généralement aucun problème. Complications des prothèses mammaires • Rupture de prothèse Il est généralement admis que la durée de vie moyenne d’une prothèse, avant la présence de signes de rupture, est d’environ 10 ans. On distinguera la rupture des prothèses en sérum physiolo gique, de diagnostic clinique et d’imagerie évident, avec un affaissement important de la prothèse (figure 4). En cas de prothèse en silicone, on différencie les ruptures intracapsulaires (80 %) des ruptures extracapsulaires (20 %). On rappelle la présence d’une double enveloppe autour du silicone (membrane de l’implant et caspule fibreuse). La rupture intracapsulaire est une rupture de la membrane de l’implant, le silicone restant contenu par la capsule fibreuse. La rupture extracapsulaire est une rupture de la membrane de l’implant et de la capsule fibreuse, à l’origine de fuite de silicone à l’intérieur du sein, appelée siliconome. Figure 4. Mammographie de pro fil externe au cours d’une rupture de prothèse saline. Notez l’aspect rétracté de la prothèse. La présence de ganglions infiltrés de silicone ou ganglions siliconiques, peut être retrouvée en cas de ruptures extracapsulaires, mais aussi lors de ruptures intracapsulaires (figures 5 et 6). • Rupture intracapsulaire • Mammographie : la performance de la mammographie n’est pas optimale en cas de rupture intracapsulaire. Elle peut retrouver une prothèse élargie, déformée, avec présence de plis blancs au sein de l’implant. • Échographie : l’échographie est l’examen de choix. Elle retrouve des lignes échogènes intraprothétiques, et des modifications de l’échogénicité de l’implant. • IRM : l’IRM est à réserver aux cas difficiles ou douteux. Des séquences particulières pour l’étude du silicone sont réalisées, permettant de diagnostiquer la présence ou non d’une rupture. De nombreux signes IRM ont été décrits témoignant toujours de la rupture de la membrane de l’implant avec persistance de la capsule fibreuse (linguine sign, keyhole sign, noose sign...). • Rupture extracapsulaire (figures 5 et 6) Figure 5 a. Mammographie droite en incidence oblique externe en cas de rupture intracapsulaire. L’implant est élargi, déformé, à bord festonnés (flèche). b. Échographie mammaire lors d’une rupture intracapsulaire. Présence d’une prothèse échogène siège de lignes échogènes intraprothétiques. c. IRM mammaire en séquence STIR silicone lors d’une rupture intracapsulaire. Présence du linguine sign. Figure 6 a. Échographie mammaire lors d’une rupture extracapsulaire, avec aspect échogène dit en tempête de neige de l’implant. b. Échographie mammaire lors d’une rupture extracapsulaire, avec présence de siliconome hypoéchogène, avec atténuation postérieure. • Mammographie : la mammographie ne reste pas le meilleur examen, mais permet de retrouver parfois des déformations de la prothèse, des calcifications périprothétiques, voire des masses denses intramammaires (siliconomes). • Échographie : l’échographie reste un examen performant dans les ruptures extracapsulaires. En plus des signes de rupture intracapsulaire précédemment décrits, la présence d’un aspect en tempête de neige de l’implant, l’existence de siliconomes intramammaires (masses hyperéchogènes atténuantes) font porter le diagnostic de rupture extracapulaire. • IRM : l’IRM est l’examen de choix pour le diagnostic de rupture extracapsulaire. La présence de siliconomes signant cette rupture, est très bien identifiée grâce aux séquences dédiées à l’étude du silicone. • Rétraction et coques capsulaires Le diagnostic de rétraction et de coque capsulaire reste essentiellement clinique. Ces complications touchent aussi bien les prothèses salines que les prothèses en silicone. En imagerie, ces coques ne sont par toujours visualisables. On peut retrouver la présence d’une déformation de l’implant ou de calcifications autour de la coque fibreuse de la prothèse (figure 7). Figure 7. Mammographie gauche en incidence oblique externe retrouvant une coque calcifiée périprothétique. • Autres La présence d’un épanchement périprothétique important est possible. Normal en postopératoire immédiat, sa signification est moins connue lors d’une apparition tardive. La cytoponction de cet épanchement est possible en cas de douleurs importantes. La sensation par la patiente des angulations des bords de la prothèse est un motif fréquent de consultation, dont le diagnostic est facile en échographie. La présence d’une hernie de prothèse, correspondant à une saillie focale de la prothèse au travers d’une déhiscence de la capsule, est sans valeur pathologique. Le port de prothèses n’augmente, a priori, pas le risque de survenue de pathologies néoplasiques. Reconstruction par lambeau Les techniques de reconstruction par lambeau sont actuellement en plein essor grâce au développement de la microchirurgie. L’avantage de la reconstruction par lambeau est que le sein reconstruit évolue comme le sein controlatéral. Ainsi, en cas de prise ou de perte de poids, la symétrie avec l’autre sein sera maintenue. Ce geste chirurgical ne s’altère pas avec le temps, à la différence des prothèses dont la durée de vie est de l’ordre de 10 ans. On distingue schématiquement deux types de lambeau : – le lambeau musculocutané, prélevant muscle et tissu cutané (TRAM, lambeau de grand dorsal) ; – les lambeaux libres cutanéograisseux, utilisant des techniques de microchirurgies, ne prélevant que les tissus cutanés et souscutanés (DIEP, TRAM épargnant le muscle, SIEA...). En imagerie, l’aspect du sein reconstruit ressemble à un sein normal graisseux (figure 8). En cas de lambeaux libres, une TDM préopératoire permettant l’analyse de la vascularisation du lambeau est souvent nécessaire. Figure 8. Mammographie gauche en incidence oblique externe lors d’une reconstruction par lambeau DIEP. Notez l’aspect pouvant mimer un sein normal lipomateux. La récidive de pathologie néoplasique sur lambeau est rare. Elle est surtout liée à une exérèse incomplète de l’ensemble du tissu mammaire lors d’une mastectomie, en particulier lors de mastectomie souscutanée (technique de mastectomie laissant la plaque aréolo-mamelonnaire en place). Autres techniques de reconstruction Il existe de nombreuses autres techniques de reconstruction comme le lipomodelage. Le lipomodelage (lipofilling) consiste en une injection de graisse autologue en intramammaire. Cette technique n’est pas à l’origine de modifications importantes en mammographie. Parfois, des microcalcifications de cytostéatonécrose peuvent survenir. Les injections d’acide hyaluronique sont désormais interdites en France. Elles étaient à l’origine de modifications, gênant fortement l’interprétation mammographique, avec la présence de multiples masses denses, pour lesquelles une surveillance IRM était le plus souvent proposée. Conclusion Les techniques de reconstruction mammaire en chirurgie plastique et leur aspects en imagerie sont divers et variés. La présence de prothèses mammaires est à l’origine d’un examen d’imagerie spécifique, avec la réalisation d’incidence complémentaire dite d’Eklund et souvent une échographie. Dans la grande majorité des cas, toutes les procédures de sénologie interventionnelle sont réalisables, préférentiellement par des praticiens expérimentés pour limiter les risques de rupture iatrogène. Le diagnostic de rupture d’implant mammaire est le plus souvent réalisé en imagerie standard en particulier en échographie. L’IRM restant à privilégier pour les cas difficiles ou douteux.
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