Publié le 17 oct 2022Lecture 8 min
Avancées et perspectives en santé de la femme
Michèle DEKER, Paris
Deux grands thèmes d’actualité se sont distingués lors d’un symposium organisé par le laboratoire Gedeon Richter au congrès Pari(s) Santé Femmes (11-13 mai 2022) : les modifications engendrées par la révision de la loi Bioéthique dans la pratique de l’aide médicale à la procréation ; la prise en charge non chirurgicale des pathologies utérines dans un contexte d’infertilité.
Vers une AMP responsable
La révision de la loi bioéthique (29 juin 2021) a modifié les conditions d’ouverture à l’assistance médicale à la procréation (AMP) pour les femmes célibataires et les couples de femmes, et pour la préservation sociétale de la fertilité au-delà de la préservation pour indications médicales. Cette perspective augure d’une augmentation très importante du nombre de cycles d’insémination avec sperme de donneur et d’un grand nombre d’inductions de cycles multifolliculaires pour la préservation sociétale et les échecs d’insémination, les femmes célibataires ou les couples ayant d’emblée une indication de fécondation in vitro.
Une enquête a été réalisée 2020 par le journal La Croix pour évaluer le nombre de couples ou de femmes concernés par l’ouverture de la loi, en interrogeant des centres belges de Wallonie et le registre espagnol. Cette enquête a permis d’estimer qu’environ 2 000 femmes françaises ont été prises en charge en Wallonie et 1 000, en Espagne. Au total, ce sont donc environ 3 000 femmes qui seraient concernées par l’extension de la PMA, soit un coût de 15 millions d’euros. En 2018, 1 812 couples hétérosexuels étaient inscrits sur les listes d’attente des CECOS pour le don de sperme. Il est même probable que la demande va croître de près de 7 000 femmes supplémentaires. Actuellement en Belgique, 88 % des PMA concernent des couples de femmes ou des femmes célibataires. Dans ces conditions le coût financier serait compris entre 20 et 50 millions d’euros.
Les questions en pratique
Cycles spontanés ou cycles simulés ?
Faut-il prescrire un traitement inducteur de l’ovulation si la femme est normo-ovulante ?
Quels objectifs en termes de nombre de follicules ?
Le choix dépend-il de l’indication ?
Combien de tentatives ?
Une étude rétrospective monocentrique réalisée dans le Maryland (Etats-Unis) sur plus de 6 100 cycles chez 2 343 femmes normo-ovulantes (3 837 cycles naturels et 2 355 stimulés par gonadotrophines) montre que le taux de grossesses cliniques n’est pas très différent, de même que le taux de grossesses évolutives, alors que le pourcentage de grossesses gémellaires est 4 fois plus élevé en cas de stimulation (Carpinello et al. Fertil Steril 2021).
Dans la situation de l’insémination avec sperme de donneur, les résultats obtenus sont similaires chez les couples homosexuels, hétérosexuels ou les femmes seules, selon une étude espagnole (Garcia-Velasco JA et al. Hum Reprod 2019 ; 34 : 2184-92) : environ 17 % avant 37 ans, mais moins de 7 % après 40 ans, ce qui pose la question de savoir s’il faut poursuivre ce type de traitement passé la quarantaine. Le taux de grossesses cumulées après les inséminations dépend clairement de l’âge de la femme : 66 % avant 35 ans, 49 % entre 35 et 37 ans, 54 % entre 38 et 39 ans, 28 % entre 40 et 42 ans, selon une étude rétrospective anglaise (Linara-Demakakou E et al. RBM 2020). Deux facteurs autres que l’âge influent sur les résultats : le fait d’avoir déjà eu un enfant par insémination avec donneur et la stimulation. Chez les femmes jeunes, on peut aller jusqu’à 4 ou 6 cycles, alors que chez les plus âgées, il faut probablement se limiter à 2 ou 3 cycles. En cas d’induction multifolliculaire, le fait d’augmenter la dose de 225 à 450 U/jour n’augmente pas le taux de grossesse, mais il augmente le coût (Van Tilbord et al. Hum Reprod 2017). En revanche, plus le nombre d’embryons euploïdes est élevé, plus le nombre de grossesses augmente. L’augmentation de dose en cours de stimulation n’augmente pas l’efficacité, car le recrutement folliculaire se fait en fin de phase lutéale précédente ou en tout début de phase folliculaire (van Hooff MH et al.Hum Reprod 1993 ; Khalaf Y et al. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2002 ; 103 : 146-9). En cas d’échec, le changement de gonadotrophine n’a pas fait la preuve de sa supériorité (Groenewoud ER et al. Feril Steril 2018). Quand on fait un transfert d’embryon préservé, faut-il utiliser des gonadotrophines ? Dans l’état actuel de la littérature, aucun traitement n’a fait la preuve de sa supériorité. Il est néanmoins avéré que les taux de progestérone sont très importants pour l’implantation embryonnaire.
Abaisser le coût de la prise en charge médicamenteuse
Le coût moyen pour la Sécurité sociale est d’environ 4 100 €. Le poste du médicament est très important, 1 300 € (y compris le poste infirmier éventuellement) ; s’y ajoutent 500 € pour les consultations, 600 € en moyenne pour le laboratoire et les coûts d’hospitalisation pour ponction et transfert qui varient de 650 à 1 700 €. Diminuer le poste " médicament " peut constituer une source d’économie, comme le montre l’étude REOLA réalisée par le laboratoire Gedeon Richter sur 7 110 poncions : 25 % des cycles ont été réalisés avec le biosimilaire Benfola® et 75 % avec le biologique de référence, pour un coût total de 4 700 819 euros. Si le biosimilaire de FSH avait été utilisé pour la totalité des cycles, le coût total aurait été de 4 096 821 euros. L’utilisation du biosimilaire permet d’abaisser le coût par cycle de simulation de 661,15 € à 576,20 €. Cette économie permettrait de réaliser 1 048 cycles de simulation de plus, sans coût supplémentaire pour la société. Aujourd’hui, le nombre de cycles de préservation de la fertilité pour indication sociétale se cumule avec celui pour indication médicale. La France sera le seul pays à prendre en charge la préservation sociétale pour les femmes âgées de 26 à 36 ans, dans les centres publics uniquement. Il s’agit pour ces femmes d’une chance supplémentaire et non d’une sécurité totale. En effet, au mieux 5 % des ovocytes chez les femmes jeunes donneront naissance à un enfant vivant, comparativement à 2,7 % chez les femmes âgées de plus de 38-40 ans et 1,4 % chez les femmes de 41-42 ans.
Prise en charge non chirurgicale des pathologies utérines en contexte d'infertilité
La chirurgie n’est pas discutable en cas de polypes, de fibromes cavitaires FIGO 0, 1 et 2, dans un contexte d’infertilité. En revanche, les fibromes FIGO ≥ 3 et l’adénomyose ne ressortent pas de la chirurgie dans ce contexte.
Place des techniques interventionelles non chirurgicales
Différentes causes expliquent l’infertilité en présence de fibromes : compression du trajet myométrial de la trompe, étirement myométrial, anomalies de la contractilité myométriale. Il est admis que tous les fibromes, hormis le type 7, ont un impact sur la fertilité, mais les seuls dont le retrait améliore la fertilité sont les fibromes FIGO 0 à 2. En l’absence de symptôme, aucun traitement ne s’impose. En cas de saignements ou de pathologie compressive, une prise en charge non chirurgicale est nécessaire. Le traitement médical des ménorragies fait appel aux progestatifs oraux ou au DIU au lévonorgestrel, aux estroprogestatifs, aux AINS et aux antifibrinolytiques. Les traitements hormonaux peuvent éventuellement faire évoluer les fibromes vers une augmentation de taille et ne sont donc pas indiqués dans un contexte d’infertilité. Le seul traitement médical efficace repose sur les analogues de la GnRH, uniquement indiqués en préopératoire pendant 3 mois. Des recommandations CNGOF ont été publiées en 2020 pour préciser la place de l’embolisation des artères utérines en cas de ménorragies associées à un ou à plusieurs fibromes de type 2 à 6. Il faut néanmoins informer les patientes que, comparativement à l’embolisation, la myomectomie est associée à des taux supérieurs de grossesse évolutive (78 vs 50 %), des taux inférieurs de fausse-couche (23 vs 64 %) et des taux supérieurs de naissance vivante (48 vs 19 %). Il existe peu de données sur la thermo-ablation concernant la fertilité. Cette technique semble efficace, avec des taux de grossesse apparemment comparables. Elle a été développée depuis une vingtaine d’années mais n’est pas disponible en pratique courante en France. La radiofréquence est réalisée par voie vaginale sous guidage échographique ou par coelioscopie. Elle est très efficace sur les symptômes liés aux fibromes utérins, mais il existe peu de données sur la fertilité. Le CNGOF estime que les données de la littérature sont insuffisantes pour établir des recommandations préférentielles dans le cadre de l’infertilité pour ces nouvelles techniques qui devraient donc être utilisées avec précaution après concertation multidisciplinaire.
Une nouvelle thérapie orale
Une nouvelle thérapie arrive, un antagoniste de la GnRH (relugolix 40 mg) voie orale, associée dans un même comprimé à une thérapie combinée (1 mg d’estradiol et 0,5 mg de noréthindrone acétate). Ce traitement a obtenu une AMM européenne le 16 juillet 2021 dans le traitement des symptômes modérés à sévères des fibromes utérins chez les femmes adultes en âge de procréer. Il aura l’avantage d’être prescrit par voie orale, en continu, sans limitation de durée et sans effet flare up. Le relugolix bloque la liaison à la GnRH endogène, entraînant la suppression des sécrétions d’estrogènes et de progestérone, et par conséquent des symptômes utérins. Le relugolix 40 mg/j per os seul n’est pas inférieur à la leuproréline (1 injection/ 4 semaines) sur la réduction des saignements, l’augmentation de l’hémoglobine et la réduction du volume des myomes. Son association à une add-back therapy dans le même comprimé permet de contrôler les symptômes des fibromes tout en maintenant le métabolisme osseux et en prévenant les symptômes vasomoteurs. Deux études (LIBERTY 1 et 2) ont montré la supériorité de relugolix versus placebo sur les saignements, la réduction du volume utérin et les douleurs, sans différence en termes d’effets indésirables et de densité minérale osseuse.
Quelle place dans le traitement de l'adénomyose ?
L’adénomyose a un impact négatif sur la fertilité et les résultats de l’AMP, lié à un changement de l’architecture myométriale et de son péristaltisme, ainsi qu’un effet sur le transport spermatique. La décidualisation est altérée et la réceptivité endométriale est moindre en raison d’une hypoestrogénie locale. Les possibilités thérapeutiques sont limitées en cas d’infertilité. Une étude (Niu et al. Gynecol Endocrinol 2013) a montré une augmentation des taux de grossesse chez des patientes ayant reçu un traitement par analogue de GnRH avant transfert d’embryon congelé. Ce traitement n’a pas cependant été suffisamment bien étudié pour pouvoir être recommandé. De même, il n’existe pas de données suffisantes pour évaluer la place des traitements interventionnels non chirurgicaux dans le cadre de l’infertilité. L’embolisation des artères utérines et les ultrasons focalisés sont bien tolérés mais leur impact sur la fertilité est inconnu. Les nouvelles molécules auront peut-être une place dans cette indication.
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