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Grossesse

Publié le 25 mar 2024Lecture 5 min

Vaginoses bactériennes et accouchements prématurés : un paradoxe

Daniel ROTTEN, Paris

Les vaginoses bactériennes sont des dysbioses du microbiote vaginal caractérisées par une prédominance de flore anaérobie associée à une raréfaction des lactobacilles. Souvent cliniquement asymptomatiques, elles ne constituent pas moins un facteur de risque identifié de ruptures prématurées des membranes et d’accouchements prématurés. L’augmentation de risque d’accouchement prématuré varie d’un facteur 2 à un facteur 7 en cas d’infection à un âge gestationnel précoce.

Cette observation épidémiologique a conduit différents investigateurs à proposer un dépistage systématique des vaginoses bactériennes au cours de la grossesse en vue de les traiter, dans le but de diminuer le risque d’accouchement prématuré. Les résultats des études réalisées ne sont pas concordants. Ils montrent le plus souvent une absence de bénéfice. Les métaanalysesreflètent cette variabilité. L’une des plus complètes conclut en faveur de l’absence d’efficacité. Aussi, l’association dépistage systématique/traitement ne fait-elle pas partie des recommandations professionnelles, qu’elles soient françaises ou internationales. Cependant, si on examine individuellement les différentes études disponibles, on observe qu’elles sont obérées par deux ordres de défauts méthodologiques, qui diminuent la pertinence des métaanalyses. Tout d’abord se pose la réalité même du diagnostic de vaginose bactérienne. Qu’il soit fait par méthode clinique (critères d’Amsel) ou par des techniques de bactériologie classique (score de Nugent), le résultat est considéré comme peu fiable. Les nombreux faux positifs conduisent à une sous-évaluation d’une éventuelle efficacité du traitement. L’autre difficulté d’analyse tient à l’extrême diversité des traitements proposés : différentes molécules sont utilisées (métronidazole, clindamycine ou amoxicilline), l’administration se fait par voie locale ou orale, et le délai entre le diagnostic et le traitement peut être long. Il est possible désormais de faire un diagnostic précis et quantitatif des espèces de germes présents dans un échantillon grâce à la biologie moléculaire, et plus précisément à la PCR quantitative (PCRq). Florence Bretelle et coll. ont mis à profit ce progrès technique pour évaluer de façon plus précise l’intérêt qu’il y aurait à réaliser un dépistage systématique des vaginoses bactériennes en début de grossesse et à les traiter. Les auteurs ont parallèlement complété l’évaluation de l’efficacité médicale de l’intervention par une analyse médico-économique.   Protocole   Les investigateurs ont réalisé une étude prospective et randomisée, multicentrique, à laquelle 19 maternités hospitalières françaises ont participé. Les patientes incluses étaient à bas risque d’accouchement prématuré. En particulier, pour les multipares, étaient exclus les antécédents d’accouchement prématuré ou de fausse couche tardive. Le terme d’inclusion était inférieur à 20 semaines d’aménorrhée. Les femmes du groupe «dépistage/traitement» effectuent un auto prélèvement vaginal à l’aide d’un écouvillon. Le diagnostic de vaginose bactérienne repose sur la quantification par PCRq de l’ADN de deux germes marqueurs, Gardnerella vaginalis et Atopobium vaginae. Ces germes ont été choisis parce que des études préalables ont montré qu’ils étaient associés à des accouchements prématurés et à une diminution de la durée de la grossesse chez des femmes ayant un risque élevé d’accouchement prématuré. Une valeur supérieure au seuil de 109 copies d’ADN/mL pour Gardnerella vaginalis et de 108 copies d’ADN/mL pour Atopobium vaginae définit la présence d’une vaginose bactérienne.Dans ce cas, un traitement est proposé dans les 24 à 48 heures(azithromycine, 1 g répété après 48 heures, ou amoxicilline, 2 g/j pendant 7 jours). Un contrôle est fait au délai de 15 jours, puis tous les mois jusqu’à 28 semaines. Le groupe«suivi habituel» bénéficie du suivi obstétrical usuel de la maternité de suivi, sans prélèvement systématique.   Participantes   Le groupe «dépistage/traitement » comporte 3333 femmes, dont 50 % de primipares. Une vaginose bactérienne a été diagnostiquée chez 242 femmes (7,3 %); 198 d’entre elles (81,8 %) ont reçu un traitement. Le traitement a été efficace dès la première cure dans 46,8 % des cas. Dans 22,2 % des cas, la vaginose persistait sur le quatrième prélèvement. Le groupe « suivi habituel » comporte 3 338 femmes, dont 52 % de primipares.   Résultats   Comme le résume le tableau, les issues de grossesse dans le groupe « dépistage/traitement » sont comparables à celles observées dans le groupe «suivi habituel». Lest aux d’accouchements prématurés ne diffèrent pas. Il n’y a pas de différence en termes de complications de la grossesse ou du postpartum. Par exemple, le taux d’endométrites du postpartum est similaire. Il n’y a pas non plus de différence dans le pronostic des nouveau-nés. Ainsi, le nombre de jours passés par ceux-ci en unités de soins intensifs est similaire. Le coût total du suivi obstétrical (consultations, prise en charge des complications, soins des nouveau-nés) ne diffère pas entre les deux groupes(tableau). Pour le groupe«dépistage/traitement», ce coût inclut le coût du suivi bactériologique et du traitement des vaginoses, qui est estimé à 203,6 euros par femme.   L’analyse par sous-groupes fait néanmoins apparaître une différence d’efficacité de l’intervention entre nullipares et multipares. Chez les nullipares, le taux d’accouchements prématurés est de 3,7 % dans le groupe « dépistage/traitement » contre 5,9 % dans le groupe «suivi habituel», ce qui correspond à un risque relatif de 0,62 (IC 95 % : 0,45- 0,84). Chez les multipares, on n’observe pas de baisse du taux d’accouchements prématurés dans le groupe «dépistage/traitement». Deux hypothèses sont évoquées pour expliquer cette différence. Un pourcentage plus élevé de nullipares (85 %) a pris le traitement prescrit contre seulement 79,1 % chez les multipares. L’autre hypothèse est l’existence d’une différence de risque d’accouchement prématuré initial entre ces deux populations. Le risque est plus faible chez les multipares puisque le protocole d’inclusion prévoyait d’exclure les femmes ayant des antécédents d’accouchement prématuré ou de fausse couche tardive. Mais cette analyse est à prendre avec précaution, car il s’agit d’une analyse a posteriori.   Conclusion   La séquence dépistage systématique de la vaginose bactérienne par biologie moléculaire (PCR quantitative), suivie d’un traitement par azithromycine en cas de positivité, n’a pas permis d’observer une diminution du taux d’accouchements prématurés dans une population de femmes enceintes à bas risque. Comme peut le suggérer la différence d’efficacité entre nullipares et multipares, il est possible que le bénéfice de ce dépistage ne soit pas assez marqué pour qu’il soit manifeste dans une population sans risque initial identifié d’accouchement prématuré (et à faible prévalence de vaginose au cours de la grossesse). Figure. Comparaison du taux d’accouchement prématurés chez les femmes du groupe «dépistage/traitement» et les femmes du groupe «suivi habituel». La figure montre les résultats pour l’ensemble de la population et les sous-groupes de parité. Les résultats sont figurés sous forme de risque relatif (iC à 95 %).

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