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Chirurgie

Publié le 25 avr 2024Lecture 5 min

Hystérectomie : pourquoi l’avenir ne serait pas à la voie verte ?

Henri CLAVÉ, Chirurgien-gynécologue, Nice

La chirurgie vaginale est un patrimoine culturel et professionnel qu’il convient de ne pas perdre. L’hystérectomie qui est encore l’une des interventions les plus fréquentes en chirurgie en est un bon exemple, d’autant que ce geste opératoire est aisé à comparer avec ses différentes voies d’abord. Les études objectives confirment que l’hystérectomie vaginale est l’intervention à préférer pour les patientes. C’est la plus économique pour le système de santé, et c’est de beaucoup la plus économe en empreinte carbone pour protéger notre planète. C’est cette voie verte qu’il convient de privilégier.

Le déclin de la voie vaginale   Le déclin de la voie vaginale est évident, et il est retrouvé dans la plupart des publications aux États-Unis et en Europe. Les raisons sont multiples. • L’excellence de la visualisation endoscopique. La visualisation endoscopique séduit tous les opérateurs, en magnifiant l’image, en précisant les plans, en exigeant une hémostase parfaite, en ne laissant rien au hasard. • Les difficultés de l’enseignement académique. Il est difficile d’enseigner des gestes chirurgicaux qui se déroulent au fond du vagin avec une mauvaise visibilité et qui nécessitent pour les aides d’adopter des positions pénibles. L’hémostase au fil au fond du vagin est difficile, parfois incertaine et souvent stressante. Il est curieux de constater qu’en cœlioscopie la difficulté de cette hémostase au fil a été très vite contournée par l’usage d’instruments d’électro-chirurgie adaptés. Pour les résidents, ce type de chirurgie sans élégance, hémorragique, brutale est considérée comme archaïque. De plus, actuellement, de nombreux responsables d’enseignement ne sont plus formés eux-mêmes à cette chirurgie. • Les difficultés de l’enseignement post-universitaire. La majorité du financement de la formation chirurgicale post-universitaire provient de l’industrie, qu’il s’agisse de séminaires, de workshops, de location de stands dans les congrès ou de symposiums, l’industrie est sollicitée et répond volontiers à condition qu’elle ait des produits à présenter et à vendre. Or, la chirurgie vaginale ne coûtant rien, il n’y a rien à vendre. Elle peut même être considérée comme une redoutable concurrente, car elle peut capturer une grande part de marché du consommable. De plus, ce type d’enseignement ne peut se faire que par compagnonnage, ce qui limite le nombre de praticiens pouvant profiter de chaque session de formation par rapport à un workshop de laparoscopie.   Pourquoi maintenir la voie vaginale ?   • Avant tout pour les patientes. La quasi-totalité des publications prouve que c’est la meilleure voie d’abord pour elles en termes de douleurs, de récupération post-opératoire et de satisfaction(1). La plupart des recommandations internationales actuelles confirment que la voie vaginale est la voie d’abord à privilégier pour les patientes. Actuellement, c’est une chirurgie qui se fait en ambulatoire, pour laquelle il n’y a pas de cicatrice visible, pas d’intubation, pas de sonde vésicale et peu d’antalgiques postopératoires. • Pour l’économie des systèmes de santé. L’hystérectomie vaginale est associée aux durées opératoires les plus courtes et aux durées de séjours les plus brèves. Une boîte d’instruments pour cette intervention, y compris le jeu de valves, ne coûte pas plus de 1 000 €. Tout le matériel est stérilisable et utilisable pendant toute une vie professionnelle. Un seul des 4 outils utilisés pour chaque hystérectomie en robotique coûte environ 1 500 € et n’est utilisable que 10 fois. • Et encore pour préserver la planète. Notre rôle de médecin est de soigner les gens mais aussi de préserver la santé de tous, et il est certain que la communauté médicale n’est pas encore très impliquée dans ce domaine. L’empreinte carbone concerne la fabrication des outils, le transport, l’énergie en salle d’opération qui est fonction de la durée d’utilisation mais aussi des machines utilisées, la manutention et la stérilisation, l’évacuation des déchets. On estime qu’une hystérectomie vaginale produit 4,48 kg CO2-eq et une hystérectomie robot 12,01 kg CO2-eq. Pour une voie vaginale, l’anesthésiste utilisera volontiers du propofol, car c’est une chirurgie courte et non agressive. Pour une chirurgie longue, qui nécessite une parfaite stabilité du sommeil, l’anesthésiste préférera utiliser des gaz comme le sévoflurane ou le desflurane, et l’émission de gaz à effet de serre aura ainsi un impact 10 à 100 fois supérieur. Cassandra Thiel a étudié les conséquences de l’impact environnemental des 4 voies d’abord d’une hystérectomie : abdominale, vaginale, laparoscopique et robotique. Elle a pu déterminer que, pour toutes ces conséquences (gaz à effet de serre, fumée, potentiel carcinogène, impact respiratoire, etc.), c’est à chaque fois la voie vaginale qui est la moins toxique(2).   Quels sont les moyens à mettre en œuvre ?   • Redynamiser l’enseignement. L’utilisation d’un exoscope est une bonne façon de stimuler les résidents. Comme en cœlioscopie, ceux-ci regardent l’écran et aident sans avoir à se pencher. Ils comprennent ce qui est fait et sont en adéquation avec une chirurgie de l’image. Il convient aussi d’exiger un minimum de procédures pendant le cursus de formation. • Utiliser les pinces de thermofusion. Elles rendent la chirurgie beaucoup plus facile, plus propre, plus élégante, plus sûre et moins douloureuse(3). On n’image pas un cœlioscopiste qui ferait toutes les hémostases au fil. Il n’y a plus d’indication à utiliser les fils pour les hémostases. • Développer la cœlioscopie vaginale. L’un des freins importants à l’hystérectomie vaginale était la peur de rencontrer des difficultés au niveau des annexes. Maintenant, en cas de difficultés, il est facile d’installer une plateforme et de finir l’intervention en cœlioscopie vaginale si nécessaire(4). • S’adresser directement aux associations de patientes. Il convient de donner aux associations de patientes des informations objectives sur les différentes voies d’abord et non pas des incitations de type marketing (chirurgie mini-invasive avec le robot, au laser, etc.). • Obtenir une revalorisation financière de la part des assurances maladie. Dans la mesure où cette voie d’abord est la plus économique pour le système de santé et pour laquelle il n’y aura aucune aide de l’industrie, il convient de proposer des mesures incitatives qui bénéficieront in fine à la patiente, au système de santé et à la planète.   En conclusion   La voie vaginale qui fait partie du patrimoine culturel et professionnel des gynécologues a été pendant longtemps la voie préférentielle pour les hystérectomies. Elle a ensuite été concurrencée par la voie abdominale beaucoup plus invasive et traumatisante. Puis les progrès de l’endoscopie ont accéléré le déclin d’une technique qui est pourtant la meilleure pour les patientes. Les progrès technologiques actuels, exoscopie, hémostase par thermofusion, cœlioscopie vaginale devraient permettre de redonner à la voie vaginale la place qu’elle mérite dans l’intérêt des patientes, des systèmes de santé et de la planète.

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