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Endométriose

Publié le 04 juil 2023Lecture 6 min

Stratégie diagnostique : de la clinique à l’imagerie

Hélène JOUBERT, Paris

Un interrogatoire détaillé, un peu d’imagerie mais pas de chirurgie… Le diagnostic d’endométriose reste complexe et relève en majorité du domaine d’experts. Les outils innovants pourront-ils faciliter le diagnostic et même prédire le succès d’une éventuelle chirurgie sur la douleur et la fertilité ? Les espoirs sont permis.

L'endométriose se caractérise par la présence de tissu endométrial en dehors de la cavité utérine, responsable de lésions hormonosensibles qui varient avec le cycle menstruel. Le délai de 7 années entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic perdure aujourd’hui du fait notamment d’un tableau clinique hétérogène et d’une variabilité phénotypique. Un biais de détection entre certainement en ligne de compte dans la sous-estimation de la prévalence de la maladie, et l’association fréquente à de l’adénomyose, diffuse ou focale, complexifie encore le diagnostic. Lorsque la patiente consulte, après un délai de 2-3 ans, le diagnostic peut être erroné dans près de 75 % des cas, avec la pose d’un diagnostic de syndrome de douleur chronique pelvienne (24 %), de l’intestin irritable (14 %), de saignements utérins anormaux (19 %), de plainte psycho-sexuelle (9 %), d’appendicite (6 %) et de vessie hyperactive (8 %)(1). Outre des symptômes gynécologiques (saignements utérins anormaux en cas d’adénomyose, dyspareunies et dysménorrhées), des symptômes non gynécologiques sont prépondérants comme une fatigue/épuisement (82 %), des symptômes digestifs (diarrhées, ballonnements, nausées) auxquels s’ajoutent souvent des céphalées(2). Il est également désormais prouvé que l’endométriose peut être associée à la fibromyalgie (prévalence multipliée par 2 ou 3 chez les femmes endométriosiques), au syndrome de l’intestin irritable (prévalence multipliée par 5) et à la cystite interstitielle (prévalence multipliée par 3 ou 4). Le défi pour le praticien devant le symptôme cardinal « douleur » est de déterminer si celle-ci est liée à une endométriose ou à une autre pathologie, gynécologique ou non.   L'interrogatoire prime sur la clinique et l'imagerie L’interrogatoire se focalise d’emblée sur les facteurs de risque, à savoir des antécédents d’endométriose au 1er degré, un indice de masse corporelle bas ou un phototype clair, ainsi que sur des données anamnestiques liées à la vie reproductive (âge jeune à la ménarche, cycles menstruels courts, règles durables). Par ailleurs, de nombreuses maladies systémiques sont associées à l’endométriose, comme le lupus, la sclérodermie, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), la maladie cœliaque, les dysthyroïdies, l’asthme/les allergies, les maladies cardiovasculaires et la migraine(3). La fréquence de ce type de comorbidités est en faveur de la thèse d’une maladie systémique avec un terrain dysimmunitaire probable. L’étape suivante concerne la caractérisation de la douleur, liée à la localisation des lésions, avec des dysménorrhées, des douleurs urinaires, pelviennes chroniques non cycliques, digestives, des dyspareunies, des sciatalgies/douleurs diaphragmatiques/thoraciques. Cette douleur est cyclique, intense (EVA au moins égale à 7) et à recrudescence menstruelle. La période de l’adolescence est importante, car l’endométriose débute précocement, avec 67,1 % à l’adolescence(4), 15-38 % avant 15 ans ou vers l’âge de 15 ans (pour 26-28 %)(2). L’absentéisme scolaire est patent, avec fréquemment l’introduction d’une contraception orale en raison d’une dysménorrhée sévère. Par ailleurs, la corrélation est nette entre la symptomatologie douloureuse (dyschésie, symptômes gastrointestinaux et/ou du bas appareil urinaire) et la localisation des lésions. Des dysménorrhées sévères sont caractéristiques de lésions endométriosiques profondes. En cas d’endométriose profonde, la douleur est associée au niveau et à la profondeur de l’atteinte et à l’étendue des lésions(5). La réduction des dysménorrhées sous traitement hormonal est un marqueur de la sévérité de l’endométriose. Les femmes qui répondent favorablement à la mise en route d’un traitement hormonal semblent plus à risque d’endométriose profonde et d’endométriomes(6). Il s’agit d’un élément anamnestique du diagnostic à ne pas méconnaître. Dans l’endométriose, la performance de l’examen gynécologique est médiocre et il est à peine plus contributif lorsqu’il est réalisé pendant les règles avec, selon une étude, 14,4 % des lésions vues au spéculum et 43,3 % de nodule palpé(7). L’examen clinique, en consultation de routine, n’est pas suffisant pour diagnostiquer et localiser précisément l’endométriose, en dehors des atteintes du cul-de-sac vaginal postérieur ou de volumineux endométriomes. C’est vraiment la suspicion clinique apportée par l’écoute et l’interrogatoire qui va déclencher des examens complémentaires, capables d’affirmer ou d’infirmer la présence d’endométriose. Il a été démontré que l’utilisation d’un score diagnostique clinique fondé sur l’interrogatoire des patientes permet de confirmer dans 80 à 85 % des cas une endométriose(8). L’intelligence artificielle par machine learning semble une nouvelle approche prometteuse pour améliorer les sensibilités diagnostiques des données anamnestiques(9).   La place du tandem échographie-IRM Les imageries, échographie et IRM ne se challengent pas mais fournissent des informations complémentaires. L’échographie s’avère en effet très utile pour repérer une endométriose profonde et notamment logée dans le compartiment antérieur ou postérieur. Une échographie systématique en dynamique permet de visualiser les localisations habituelles d’endométriose, avec une recherche d’adhérences et de rétroflexion. À l’échographie pelvienne, l’endométriome ovarien est très aisé à localiser, sous forme de kyste volumineux à contenu finement échogène, en gardant en tête qu’un endométriome très douloureux est la plupart du temps associé à de l’endométriose profonde (à l’exception d’endométriomes isolés d’une taille importante engendrant un encombrement stérique conséquent dans le pelvis). Dans l’endométriose profonde, l’échographie diagnostique nécessite une certaine expertise, pour explorer et interpréter un ligament utéro-sacré ou pour identifier une adénomyose focalisée en regard de lésions d’endométriose profonde. L’IRM permet également de repérer l’endométriose et l’adénomyose focale ou diffuse. Les autres imageries sont plus à visée préthérapeutique ou préchirurgicale, comme l’uroscanner (atrophie rénale liée à une compression urétérale) ou l’entéro-scanner et l’entéro-IRM pour objectiver l’atteinte rectale du bas-fond cæcal (associé dans 30 % à de l’endométriose rectale) ou encore d’une seconde localisation digestive et anticiper les résections.   Il n'y a plus de place pour le diagnostic chirurgical La réalisation d’une chirurgie à visée diagnostique n’étant plus un sujet, la question d’importance aujourd’hui est un bilan d’imagerie négatif en cas de douleur pelvienne chronique(10). La cœlioscopie peut alors être indiquée, dans un objectif diagnostique (dans l’indication « douleur pelvienne chronique inexpliquée »), et peut être alors thérapeutique, avec la possibilité de traiter d’éventuelles lésions superficielles d’endométriose. Mais comment procéder lorsque le binôme interrogatoire-bilan d’imagerie n’est pas contributif ou discordant ? La signature moléculaire de la salive est en cours de validation avec une étude de faisabilité en France, et l’espoir d’un biomarqueur non invasif de l’endométriose (microARN circulants) qui relèverait plus du dépistage que du diagnostic, avec un intérêt potentiel chez les femmes ayant des symptômes invalidants mais un résultat d’imagerie négatif. La finalité des futures techniques résidera plus dans leur capacité pronostique que diagnostique, avec par exemple des travaux fondés sur la métabolomique à partir du liquide folliculaire pour prédire le succès de FIV, ou avec un test salivaire pour prédire la réponse à une éventuelle chirurgie sur la réduction de la douleur ou l’amélioration de la fertilité. Des données sont également publiées sur le séquençage nouvelle génération des exomes et la recherche de mutations génétiques dans les lésions endométriosiques. L’idée est de concevoir une classification moléculaire à visée diagnostique et prédictive sur la douleur et la fertilité. D’autres travaux s’orientent sur l’intérêt de la tractographie 3D afin de cartographier des ramifications nerveuses pelviennes et l’identification d’anomalies prédictives du succès de la chirurgie sur la douleur. En résumé, les outils innovants serviront à corréler les symptômes avec le phénotype, pour élaborer une stratégie (en privilégiant soit le traitement médical, soit l’AMP, soit la chirurgie), obtenir une idée précise du pronostic thérapeutique, vis-à-vis du succès de la chirurgie sur les douleurs ou de la FIV sur la fertilité. Ces nouveaux outils seront plus à visée pronostique que diagnostique.

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